samedi 27 août 2011

Le cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates - Mary Ann Shaffer

Nous sommes peu de temps après la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Juliet est une jeune écrivaine qui connait un beau succès. Tout à fait fortuitement, elle entame une relation épistolaire avec les membres d'un club littéraire de l'île de Guernesey : le cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates. Elle découvre que la petite île anglo-normande a connu, comme tant d'autres, son lot de tragédies dues à la guerre et à la présence des soldats allemands. Après de nombreux échanges de lettres, elle décide de se rendre sur place pour découvrir ses correspondants en chair et en os.
Vous l'aurez compris, nous avons affaire à un roman épistolaire. Mais j'invite ceux qui pourrait se croire allergique au genre de sauter tout de même le pas. L'histoire est magnifique, touchante et sublimement racontée. Nous basculons sans cesse du rire aux larmes sans jamais verser dans le mélodrame ou la vulgarité. Bien sûr, les personnages pourront vous paraître un peu trop bienveillants, trop bons, trop gentils. Ce n'est pas faux. Même si se glissent ça et là quelques individus pas très aimables. Voire franchement antipathiques. Mais qu'importe. Les portraits de ces gens simples sont parfaitement réussis et nous offre une galerie d'une grande richesse.
J'ajouterai que leur gentillesse ou devrai-je dire leur solidarité face au malheur et les drames, grands ou petits, qu'il traversent avec courage et dignité parlent directement à ce qu'il y a de meilleur en nous. Même l'occupant n'est pas montré systématiquement sous son plus mauvais jour. Les soldats et leurs officiers n'ont pas demandé à être là.
Un roman magique donc et peuplé de gens que l'on rêverait d'avoir pour amis. Tour à tour léger et grave, triste et drôle, tolérant et en colère contre l'absurdité de la guerre. À lire et à relire, juste pour se faire du bien.

Pietr le Letton - Georges Simenon

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Pietr le letton - Georges Simenon

Le capitaine Alatriste - Arturo Perez-Reverte

Le capitaine Diego Alatriste est un tueur à gages. Enfin, disons qu'il gagne sa vie grâce à son épée. Et capitaine n'est qu'un surnom. Ancien soldat des armées de Philippe IV d'Espagne, il n'a jamais dépassé le grade de sergent. Lorsqu'un jour deux personnages haut placés lui demande coup sur coup, le premier, de tendre un guet-apens à deux gentlemen anglais afin de leur dérober des documents mais sans attenter à leur vie, le second, quelques minutes après, de tuer les deux hommes, Alatriste flaire le coup tordu. Et quand les deux gentlemen se révèlent des personnages très importants, il découvre qu'il a mis le doigt dans une vilaine affaire. Mais il est trop tard.
Bien sûr, ce roman fait immédiatement penser aux Trois mousquetaires de Dumas. D'autant que Perez-Reverte ne cache pas l'admiration qu'il a pour l'auteur français. Il est bien écrit, plaisant à lire mais il soufre d'un défaut majeur lié, il est vrai, à mon expérience personnelle : je l'ai lu après avoir lu les aventures de Benvenuto Gesufal de Jean-Philippe Jaworski (Janua Vera et Gagner la guerre). Bien sûr, Alatriste est antérieur à Gesufal. Le second est peut-être inspiré du premier. Mais je les ai lus dans un ordre inversé, voilà tout. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que les aventures de l'ancien soldat de la guerre des Flandres n'atteignent pas, à mon humble avis, la flamboyance des aventures du spadassin de la république de Ciudalia.
La faute sans doute à des personnages stéréotypés et qui ne m'ont jamais vraiment intéressé.
Le capitaine Alatriste est un bon roman, agréable à lire mais loin, très loin des autres productions de l'auteur espagnol. Je ne puis cacher la déception que j'ai ressentie en pensant aux chef-d'œuvres tels que Le tableau de maître flamand ou Le club Dumas (tiens, encore lui !).
À lire donc pour vous faire votre propre opinion. D'autant qu'il est peu épais. Quant à moi, je doute fort d'attaquer un jour la suite. Mais qui sait ?

dimanche 21 août 2011

Mr Brown - Agatha Christie

Mr Brown - Agatha Christie

La Fortune des Rougon - Émile Zola

Une liseuse. Une offre exceptionnelle de livres électroniques entrés dans le domaine public. Et cela devait arrivé. Je n'ai pas pu m'empêcher de tester mon nouveau joujou pendant ma petite semaine de vacances avec l'œuvre de l'un de mes auteurs préférés. Et je vous préviens : ce n'est que le début.
Alors pour ceux qui l'ignore ou qui l'aurait oublié, La Fortune des Rougon est le premier roman d'une saga de vingt écrite par l'excellent Émile Zola : Les Rougon-Macquart. Du nom des deux hommes que connaîtra dans sa vie l'aïeule de la famille : Adélaïde Fouque. Rougon, son premier mari, lui donnera un fils : Pierre. C'est surtout de lui qu'il sera question dans ce premier opus. Macquart, l'amant qui remplacera Rougon à la mort prématurée de ce dernier, lui donnera, quant à lui, un garçon et une fille, Antoine et Ursule.
Comme le titre l'indique, ce premier volet nous apprend comment la fortune est venue aux Rougon. Sans faire de révélation fracassante, s'agissant d'un épisode de l'histoire de France, elle sera due au coup d'état du prince-président Louis-Napoléon Bonaparte, futur Napoléon III. Pierre Rougon, bien conseillé par son fils Eugène, a su choisir le bon cheval.
Ah ! Quel délice de suivre ces comploteurs du dimanche qui se réunissent régulièrement dans le salon jaune des Rougon. Pour la plupart, ce ne sont que de petits bourgeois bien peu taillés pour le combat révolutionnaire. À l'exception de quelques uns ils sont : lâches, stupides, cupides. Ce qui les unit n'est pas l'adhésion à un parti ou à un homme mais plutôt leur haine commune de la République. Tout sauf elle, voilà leur devise. Comme il est délectable de voir jusqu'à quel point ils sont capables d'aller pour sauvegarder leurs intérêts. Ils n'ont alors plus aucune morale. À l'exception de la morale officielle, bien sûr, qui elle s'affiche à tout bout de champ. C'est qu'on va à la messe tous les dimanches ma petite dame.
Mais l'histoire ne se concentre pas uniquement sur la famille de Pierre Rougon. En tant que premier tome de la saga, ce présent roman a tout du tome d'introduction (en beaucoup moins lourd cependant). La totalité des branches des Rougon-Macquart y est présentée, la plupart des protagonistes des épisodes suivants également. Le moins que l'on puisse dire, c'est que fort peu de personnages trouvent grâce à nos yeux. Ils sont le plus souvent, comme je les déjà dit, lâches, stupides, cupides mais également méchants, fainéants, calculateurs, manipulateurs, avares ...  Bien peu d'entre eux stimulent notre sympathie. Même si quelques uns peuvent être qualifiés de « purs », ce ne sont au bout du compte que des brutes mal dégrossies. Tout juste voit-on pousser, au sein de ce fumier, une fleur délicate comme Miette mais son destin va se révéler tragique.
Non, décidément, chez Zola nous ne sommes pas au royaume des bisounours. Et c'est ce qui en fait toute la valeur. Ce qui intéresse l'auteur c'est la nature humaine dans son intégralité sans jamais omettre les plus bas instincts de l'homme. Habitués que nous sommes de côtoyer dans nos lectures des personnages très manichéens, cela fait un bien fou d'avoir enfin affaire à des personnages plus gris (voire gris foncés).
On en arrive même, et cela est dû sans aucun doute au talent de l'auteur, à souhaiter toute la réussite possible à cette galerie de salauds qui nous est présentée. C'est un comble.
Quant au style, il est étonnamment moderne. J'y ai senti une nette rupture avec celui du début du dix-neuvième siècle qui, pour être magnifique, est peut-être un peu moins directement accessible. Zola est résolument un auteur du vingtième siècle (même s'il est mort en 1902). Son vocabulaire est peu chargé de termes ou d'expressions  vieillis. Son style est simple et direct. Le ton n'est également pas dépourvu d'humour. Et la tendresse vis à vis des personnages est omniprésente.
Autant le dire tout de suite, tous les romans de la saga recevront la note de 5 sur 5. Chacun d'entre eux étant en effet un petit bijou. Je me permettrai simplement de signaler mes petits coups de cœur. Cette Fortune des Rougon n'est pas loin d'en être.
Si vous n'avez jamais lu de grands classiques (ou trop peu), précipitez-vous. Je doute fort que vous le regrettiez. Et puis, je le répète, les romans de Zola sont, comme tant d'autres, libres de droit et disponibles sur le net sous toutes les formes (Word, Pdf, Epub, html ...)