lundi 22 mars 2010

Les enfants de Cayenne - Cédric Ferrand

L'histoire se situe quelque temps après la première guerre mondiale. Bourdeau, le narrateur, est un proxénète condamné au bagne pour le meurtre d'un bourgeois qui a eu le malheur de maltraiter l'une de ses putains, Nina. Il partage une cellule avec quatre autres futurs bagnards dans les cales d'un navire qui fait route vers Cayenne. En dépit de conditions de voyage abominables, ils arriveront tous les cinq sains et saufs à destination alors que d'autres détenus auront moins de chance. Mais parvenus sur place, une surprise de taille les attend.

Grande première à imagine...erre, j'entreprends la critique d'une nouvelle d'un voisin de blog, Cédric Ferrand aka Hugin, dont tout le monde connait les talents de chroniqueur, talents dont est doté également son co-blogueur Munin. L'exercice n'est pas si facile que l'on croit. La sympathie que j'éprouve pour Cédric qui s'est étoffée au fil des mois de commentaires échangés le disputant à l'honnêteté et la rigueur intellectuelle que je me flatte de tant posséder. Il est temps de le prouver. Cédric nous a demandé d'être francs. Je lui garantis que tout ce qui suit est le reflet de ce que je pense. Sans concession.
Pour tous ceux qui veulent lire le texte de notre (ex ?) ami, vous le trouverez au bout de ce lien.

La qualité qui frappe au premier abord lorsqu'on lit le texte de Cédric c'est, à l'évidence, l'écriture. L'auteur sait admirablement manier la langue. Mais au-delà de ça, le petit plus qu'il à su ajouter et qui propulse littéralement le texte dans une autre dimension c'est l'usage de l'argot. Bourdeau fait partie de cette population dont l'éducation, ou le manque d'éducation, l'empêche de s'exprimer dans la langue d'un Valmont. C'est donc dans celle d'un Gavroche qu'il s'adresse à nous. Il est né du mauvais côté de la langue, si vous me passez l'expression. Et c'est ce qui en fait un candidat idéal pour Cayenne, le bagne menaçant rarement les gens de la Haute.
Pour quelqu'un comme moi qui, sans être un spécialiste de la langue verte, en possède plus que des rudiments, c'est extrêmement jouissif. Je pourrais juste faire un léger reproche à l'auteur. C'est d'avoir mêlé des mots d'un niveau de langue différent. Je m'explique. Certains des noms employés tiennent davantage du langage familier ou enfantin, voire, tout bonnement, du langage ordinaire. J'aurais eu tendance à les bannir de la bouche de Bourdeau. Mais il ne s'agit que d'un défaut mineur relevé par malice par un esprit tatillon. Le mien.
J'aurais, par exemple, remplacé le mot père, qui tient du langage ordinaire et qui avait été remplacé comme il se doit par daron, dans une autre partie du texte, par : vieux ou paternel (1). Sang et chemise par raisiné et limace ou liquette. Quenotte, trop "enfantin" par ratiche.
Mais ne boudons pas notre plaisir, l'utilisation de la langue de la rue est une vraie réussite.
D'aucuns cependant élèveront la voix pour dire que le récit manque de description. J'avoue que cela m'est bien égal. Même si le fait m'a paru, pour une fois, flagrant. Je suis plus souvent étonné qu'à mon tour lorsqu'un critique écrit :" l'auteur utilise trop peu de description."
Le plus souvent, cela me passe largement au-dessus de la tête et je ne me rends compte de rien. Je prends ce que l'auteur me donne. S'il veut me faire partager son univers et qu'il truffe son récit de descriptions d'une précision de peintre, ça me va. Même si, le plus souvent, je substitue sans vergogne, mes images aux siennes. S'il veut que j'utilise mon univers personnel sans rien me décrire, ça me va aussi. En l'occurrence, le récit de Cédric est délibérément tourné vers l'action. Et c'est là l'un des aspects et non le moindre, du plaisir qu'on a à le lire.
Je ne peux en terminer avec l'aspect purement littéraire de la nouvelle sans évoquer la construction, une merveille. Chaque élément du récit est à la bonne taille, à la bonne place.
Reste l'histoire. Et c'est là, à mon avis, que se révèle la partie la moins forte de l'oeuvre. L'originalité n'est pas le trait le plus distinctif des faits qui nous sont racontés. Je ne suis pas un chantre de l'originalité, loin s'en faut. J'ai toujours pensé qu'un récit très original peut s'avérer sans intérêt. Mais choisir un sujet ou un angle peu ou pas traité ajoute un plus indéniable à une histoire. Ici on pourra toutefois saluer la bonne idée qui consiste à avoir choisi comme décor le bagne de Cayenne, délaissé depuis fort longtemps dans notre littérature. Malheureusement, les scènes qui composent le récit se révèlent trop classiques. Chacune sent trop le déjà vu. Même les personnages sont assez stéréotypés. Chacun est une figure connue de la littérature. Mais cela n'empêche d'ailleurs pas notre Bourdeau d'être attachant, à sa manière. Même si son C.V. ne fait pas de lui d'emblée quelqu'un de sympathique, il n'est pas non plus le mauvais garçon qu'on pourrait croire.
Quant à la fin, force m'est d'avouer qu'elle m'a déçu. D'une part parce qu'elle n'en est pas vraiment une et d'autre part parce qu'elle offre à mes yeux ce pour quoi je n'ai qu'une indulgence très limitée : l'invraisemblance. Impossible pour moi d'en dire davantage sans en révéler trop aux potentiels lecteurs. Il faut juste savoir que compte tenu du choix narratif, le récit ne peut se terminer ainsi.

En conclusion, je dirais que Les enfants de Cayenne est une nouvelle qui se lit avec beaucoup de plaisir et très vite, indépendamment de la longueur du texte. Reste qu'une fin plus "solide" aurait contribué à la rendre encore meilleure.
Je ne peux qu'encourager Cédric à nous gratifier d'autres textes du même acabit. N'étant pas un adepte exclusif des genres de l'imaginaire, de même que l'auteur, j'apprécie au moins autant un texte pour ses qualités littéraires que pour la qualité de son histoire. De ce point de vue, ce que fait Cédric me satisfait pleinement.

(1) Je me rend compte, après relecture du texte, que les mots vieux et paternel ont bien été utilisés par la suite. Désolé, Cédric, pour ce reproche sans fondement.
Bon, bah t'avais qu'a trouver un quatrième synonyme en argot. C'est vrai, quoi.

dimanche 7 mars 2010

Rencontres Tangentielles

J'ai conscience de m'y prendre un peu tard, allez, disons même très tard, mais que voulez vous, on ne peut pas tous être organisateur-né.
Or donc, quelques membres du Cercle d'Atuan organisent une seconde rencontre à Paris. Les non-membres du Cercle étant les bienvenus, ces rencontres ont été baptisées les Tangentielles (merci Martlet). Vous trouverez ci-après tout ce qu'il faut savoir :

2ème rencontres Tangentielles
Dimanche 14 mars 2010

14h00
Manège de la place Pierre Emmanuel
Angle rue Pierre Lescot et rue Berger
Station Châtelet - Les Halles
(Sortie Lescot)

ou bien

A partir de 14h45
Le Café Livres
10 rue St Martin, 75004
Station Châtelet
(sortie rue St Martin)