samedi 8 mai 2010

La quête d'Erekosë, tome 1 - Michael Moorcock

Le champion éternel
Présentation de l'éditeur
"Je suis John Daker, victime des rêves du monde entier. Je suis Erekosë, Champion de l'Humanité, qui extermina la race humaine. Je suis Ulrik Skarsol, Seigneur de la forteresse Gelée, qui porta l'Epée Noire. Je suis Ilian de Garathorm, Elric le Tueur de Femmes, Hawkmoon, Corum et tant d'autres, hommes, femmes ou androgynes. Je fus tous ceux-là. Et tous sont des guerriers engagés dans l'éternelle Guerre de la Balance, cherchant à préserver la justice dans un univers sous la menace perpétuelle d'un Chaos qui gagne du terrain, à imposer le Temps à une existence sans commencement ni fin. Et pourtant, cela n'est pas ma vraie malédiction. " Extrait du prologue du Dragon de l'épée.

Si ça continue, je vais finir par avoir lu tout Moorcock. En tout cas, tous les livres sur le Champion Eternel. Il faudra que je songe d'ailleurs à vous gratifier, ou vous infliger, c'est selon, de quelques chroniques sur Elric, Hawkmoon et autres Corum. Mais pour ça, il va d'abord falloir que je les relise. Tant il est vrai que je suis incapable de dire deux mots d'un livre que j'aurais lu il y a plus de six mois.
Or donc, voici que j'attaque un nouveau héros de Moorcock. Ceci est étonnant lorsqu'on sait l'espèce de fascination-répulsion que j'éprouve à l'égard de l'heroic-fantasy ou la sword and sorcery si vous préférez. Non, vous ne préférez pas ? Je vous laisse les deux alors.
J'ai remarqué que, trop souvent, les récits du genre finissent toujours par dériver vers des délires mystico-philosophico-onirique du plus chiant effet sur votre serviteur. Et Moorcock n'échappe pas forcément à la règle. Certains passages chez Elric ne sont pas piqués des hannetons. Il est assez étonnant de constater que, pour des récits censés ne parler que  de gros bourrins camés à la testostérone, on nous inflige des lignes et des lignes qui font davantage appel à notre cortex préfrontal qu'à notre cerveau reptilien. Attention, ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit, ou écrit. J'aime réfléchir même si ça me fatigue. Mais il y a un temps pour tout. Un temps pour réfléchir et un temps pour se distraire. Bon, je vous accorde qu'on peut se distraire en réfléchissant et vice-versa. Mettons que lorsque la distraction tourne à la torture, il faut savoir dire stop.
Eh bien sachez que ce premier tome de la trilogie Erekosë, est le premier ouvrage de Moorcock que je lis avec autant de facilité. Le style est fluide. Bon, ça n'est pas forcément étonnant de la part de cet auteur. Ce qui l'est davantage, c'est que l'histoire est particulièrement facile à suivre, elle aussi. Pas de passage ésotérique. Rien que l'histoire d'un héros venu de son monde (le notre ?) pour sauver l'humanité d'un monde dont nous ignorons tout. Simple donc. Du moins en surface. Parce que le propos de Moorcock est un rien plus complexe que ça, mine de rien. Erekosë étant appelé, voire invoqué, par l'humanité pour l'aider à combattre ses ennemis de toujours, on s'attend à ce que le champion soit confronté à des créatures sauvages, sans foi ni loi. C'est d'ailleurs ce que tout le monde prétend. Mais il apparait bien vite que ce sont les hommes qui se comportent comme des barbares sans scrupules.
J'ai souvent pensé que seul l'homme est capable de commettre des actes que l'on qualifie d'inhumains. Joli paradoxe linguistique. L'animal, en effet, n'agit que pour des raisons purement vitales. Se nourrir, se protéger. A ma connaissance (limitée, certes), l'homme est la seule créature capable de faire du mal "gratuitement".
Moorcock va ainsi aborder des thèmes comme : la légitimité d'une espèce d'en exterminer une autre pour assurer sa survie, l'honneur, la trahison, la valeur de la parole donnée. Il va aussi nous parler d'amour et de ce qu'on est prêt à faire en son nom.
Ce Champion éternel est de ces livres que j'aimerais lire plus souvent. Bien écrit, intelligent, questionnant mais sans prendre la tête, épique. Je suis tombé sous le charme de ce héros maudit et compagnon éternel de la mort. Et si Erekosë m'avait définitivement réconcilié avec l'heroic-fantasy ?
A noter que je n'ai trouvé que de rares critiques sur ce champion-ci de Moorcock. Je n'ai bien entendu pas encore achevé la trilogie, mais je trouve d'ores et déjà injuste cet état de fait. Il est au moins aussi intéressant que le célébrissime Elric. Non mais.

vendredi 7 mai 2010

La Geste des Princes-Démons, volume 4 - Jack Vance

Le visage du démon
Quatrième de couverture
Kirth Gersen a juré de tuer les cinq monstres, des princes-démons, qui ont jadis massacré ses parents et réduit sa famille en esclavage. Cette quête de la vengeance va l'amener à parcourir toute la Galaxie et à découvrir des mondes aussi insolites que dangereux.
Lens Larque, son nouvel adversaire, est sans doute le plus brutal et le plus cruel. Son nom évoque pour tous un univers de supplices et de terreurs.
L'approcher, c'est dîner avec le diable.
Après
Le Prince des étoiles, La Machine à tuer et Le Palais de l'amour, Le Visage du démon est le quatrième volume du célèbre cycle de Jack Vance, La Geste des princes-démons, qui en compte cinq. Le Livre des rêves qui conclut ce cycle paraîtra prochainement dans la même collection.

Une fois encore, mais il s'agit de la marque de fabrique de la saga, Kirth Gersen est à la recherche d'un ennemi dont il ne connait pas le visage. Et une fois encore, la quasi totalité du roman va être consacrée aux efforts de Gersen pour amener son adversaire à se démasquer. De ce point de vue, je me dois d'avouer que la première partie m'a semblé tirée par les cheveux et presque ennuyeuse. Enfin, lorsque je dis tirée par les cheveux, je veux dire davantage qu'a l'accoutumée. Parce qu'en effet, dans cette série, Vance révèle une habitude sur laquelle j'avais jusqu'alors jeté un voile pudique. La plupart des plans de Gersen sont assez peu vraisemblables, ils tiennent rarement la route et le pire, c'est que pourtant, ils aboutissent. D'une façon générale, je m'en arrange et m'en amuse plus qu'autre chose. Mais cette fois, j'ai trouvé que l'ami Jack poussait le bouchon un peu loin. Chercher à entamer une procédure judiciaire, pour une broutille, à l'encontre du propriétaire d'un vaisseau spatial en espérant que ledit propriétaire, en l'occurrence Lens Larque se déplace en personne et qu'ainsi Gersen soit en mesure de l'identifier, m'a paru un peu gros. Bon, il faut le lire pour comprendre de quoi je parle. De fait, le plan foire lamentablement. Commence alors une seconde partie nettement plus intéressante lors de laquelle Gersen cherche à acquérir un maximum de parts d'une société utilisée par Larque, de façon a en prendre le contrôle. Et la pêche aux actions va s'avérer plutôt mouvementée voire musclée. C'est une fois de plus l'occasion pour Vance de nous faire découvrir une civilisation tout droit issue de son imagination qui, vous pouvez me croire, est fertile.
Notre ami Kirth va même tomber amoureux. Une fois encore me direz-vous tant il est, là aussi, coutumier du fait. Mais comme il est difficile de conjuguer vie sentimentale et chasse à l'homme.
Finalement, le roman s'achève sur une nouvelle victoire de Gersen. Je ne crois pas révéler un fait crucial en l'occurrence tant on se doute que, puisqu'il y a 5 monstres à exécuter et 5 romans, le héros s'en tire à chaque fois. Le seul suspense qui demeure est la façon dont va se terminer le cinquième et dernier volet de la série.
Reste que Vance nous à gratifié pour ce quatrième épisode d'une fin assez inattendue et drôle. Extravagante mais drôle.

mercredi 5 mai 2010

La quête d'Ewilan, tome 1 - Pierre Bottero

D'un monde à l'autre
Quatrième de couverture
"Quand Camille vit le poids lourd qui fonçait droit sur elle, elle se figea au milieu de la chaussée. Son irrépressible curiosité l'empêcha de fermer les yeux et elle n'eut pas le temps de crier... Non, elle se retrouva couchée à plat ventre dans une forêt inconnue plantée d'arbres immenses. Te voici donc, Ewilan. Nous t'avons longtemps cherchée, mes frères et moi, afin d'achever ce qui avait été commencé, mais tu étais introuvable... "

J'ai toujours beaucoup de mal avec les chroniques des livres jeunesse. D'autant qu'il y en a de deux sortes à ce que j'en ai compris. Les "vrais" livres pour la jeunesse. Ceux-ci ont en général pour héros de jeunes gens et abordent des thèmes largement centrés sur ce qui intéresse les jeunes : l'école, la famille, les relations parents-enfants, l'amitié, les premiers émois amoureux. En revanche, ils évitent soigneusement les thèmes intéressant plus spécifiquement les adultes : l'amour entre grandes personnes, voire le sexe, la politique ... Dans cette première catégorie de romans, l'accent est assez peu mis sur la crédibilité des situations et la psychologie des personnages est rarement complexe. Il y a les bons et les méchants en caricaturant.
Et puis il y a les livres "tout public". Même s'ils abordent des thèmes pour jeunes, ils n'en dédaignent pas moins d'autres thèmes plus adultes. Les situations y sont plus crédibles et les personnalités plus complexes. Je pense ici notamment au magnifique cycle de Philip Pullman, A la croisée des mondes.
La quête d'Ewilan entre sans conteste possible dans la première catégorie. A partir de là, suis-je bien qualifié pour en faire une critique, aussi bienveillante soit-elle ? Je l'ignore. Du coup, j'ai préféré me poser quelques questions dont je vais de ce pas vous livrer les réponses. Bande de veinards.
Ai-je lu ce premier tome avec plaisir ? Indiscutablement : oui. Ai-je retrouvé le temps de la lecture mon âme d'adolescent ? Sans aucun doute : oui. Ai-je envie de lire la suite ? Oui. Vais-je en conseiller la lecture à ma fille le moment venu ? Définitivement. Les invraisemblances s'élèvent-elles cruellement au-dessus d'un quota acceptable ? Pas le moins du monde.
De fait, l'écriture est plaisante. Le vocabulaire riche. Les personnages sont attachants. Oh, bien sûr, les gentils sont particulièrement gentils et les méchants bien redoutables. Toutefois, l'héroïne qu'est Camille/Ewilan, parvient à éviter le rôle de tête à claques qu'endossent trop souvent les personnages de ce genre, la plupart du temps au contraire de ce qu'aurait souhaité leur auteur. Je n'ai pu m'empêcher de faire la comparaison entre Camille et Talia, l'héroïne des Hérauts de Valedmar. Même âge, même vie sans amour parental, même découverte de pouvoirs. Pourtant, alors que l'une, Camille, nous attendrit, nous émeut, nous fait avoir peur pour elle, nous amuse même, l'autre, Talia, ne cesse de nous agacer.
Boterro a su en outre créer un monde riche et il a imaginé une magie originale.
Cela me fait déplorer davantage sa disparition. A une époque où les maisons d'édition publient nombre d'ouvrages sans grand intérêt simplement pour surfer sur la vague de la fantasy ou du fantastique en général, de la bit-lit en particulier, la présence de Pierre Boterro aurait constitué un antidote efficace contre la médiocrité.