vendredi 3 décembre 2010

Terreur - Dan Simmons

1845, Vétéran de l'exploration polaire, Sir John Franklin se déclare certain de percer le mystère du passage du Nord-Ouest. Mais l'équipée, mal préparée, tourne court; le Grand Nord referme ses glaces sur Erebus et Terror, les deux navires de la Marine royale anglaise commandés par Sir John. Tenaillés par le froid et la faim, les cent vingt-neuf hommes de l'expédition se retrouvent pris au piège des ténèbres arctiques. L'équipage est, en outre, en butte aux assauts d'une sorte d'ours polaire à l'aspect prodigieux, qui transforme la vie à bord en cauchemar éveillé. Quel lien unit cette « chose des glaces » à Lady Silence, jeune Inuit à la langue coupée et passagère clandestine du Terror ? Serait-il possible que l'étrange créature ait une influence sur les épouvantables conditions climatiques rencontrées par l'expédition ? Le capitaine Crozier, promu commandant en chef dans des circonstances tragiques, parviendra-t-il à réprimer la mutinerie qui couve ?

Si je devais citer un défaut de ce roman, ce serait sa longueur. Il est objectivement long. Près de sept cent pages. Et quand on le lit, comme moi, dans une période où on est peu disponible pour la lecture et qu'on y passe plus d'un mois et demi, il devient interminable. Pourtant, paradoxalement, impossible de dire que je me suis ennuyé, ne serait-ce qu'un peu. Chaque fois que je reprenais la lecture, à l'endroit même où je l'avais abandonné et parfois quelques jours plus tard (et cela devait m'arriver souvent tant le texte que je lisais à chaque étape était court), chaque fois je retrouvais le même plaisir. Le récit, autant vous le dire tout de suite, est extrêmement immersif.
À part ce défaut ( qui n'en est pas vraiment un, tant chaque moment du récit a sa place et manquerait s'il était absent) le roman ne possède que des qualités.
Lorsque l'histoire commence, les deux navires sont immobilisés sur la banquise. L'auteur nous explique comment s'organise l'équipage, jour après jour. Je pouvais craindre au début du livre que Simmons nous entraine dans une certaine routine des marins, qui plus est sur des bateaux pris dans les glaces. Pas question d'apprendre grand chose sur la navigation dans ces conditions. Mais il parvient à nous intéresser au quotidien de ces hommes parce qu'il aborde un nouvel aspect de la vie à bord des navires dans chaque chapitre. Sans compter que chacun de ces derniers est raconté suivant le point de vue de l'un des personnages. Rassurez-vous, nous ne passerons pas en revue les cent vingt-neuf membres d'équipage dans le roman, mais chaque catégorie a droit à son « porte parole » : officiers supérieurs, officiers subalternes, civils, matelots, mousses ... Et beaucoup, parmi ces personnages sortis du lot, se montrent très attachants comme : Irving, Goodsir, Peglar, Bridgens pour ne citer que quelques uns. Je n'oublierai pas non plus le formidable personnage du capitaine Crozier ou l'énigmatique Lady Silence. D'autres en revanche font de magnifiques crapules inquiétantes à souhait.
Outre la qualité des personnages que Simmons fait vivre, il faut souligner sa puissance d'évocation. Très vite, nous sommes littéralement transportés dans l'arctique et il est vivement conseillé de lire ce livre avec une doudoune et des gants (même si ce n'est pas pratique). Les conditions de froid extrême sont tellement bien rendues que l'on finit par avoir mal pour les malheureux marins. Mais très vite, aux conditions climatiques exceptionnelles, il faut ajouter d'autres problèmes, d'autres dangers. Des problèmes de nourriture d'abord. Les conserves (procédé assez nouveau à l'époque) sont en grande partie impropres à la consommation. Autre danger, le paysage très changeant et dans lequel il est facile de se perdre. Et dans l'arctique, se perdre est synonyme de mort inéluctable. Sans compter qu'une créature mystérieuse, une sorte d'ours gigantesque, rode autour des navires et tue les hommes qui ont le malheur de croiser sa route. Et comme si tout cela ne suffisait pas, la mutinerie menace. Le moindre danger pour l'homme n'est pas forcément l'homme lui-même.

− Comme si la nature n'apportait pas avec elle son fardeau de misère, dit soudain le Dr Goodsir. Pourquoi faut-il que les hommes cherchent à l'alourdir ? Pourquoi le genre humain, non content d'endurer la pleine mesure de malheur, de terreur et de mort que lui inflige le Seigneur, s'acharne-t-il à l'augmenter de sa part ? Pouvez-vous répondre à cela, monsieur Hickey ?

L'une des grandes forces du roman, à mon sens, est qu'alors que la situation de départ est déjà fort peu reluisante, les choses ne vont cesser de s'aggraver. Le plus souvent, dans les récits de terreur, les personnages nous sont présentés dans le quotidien d'une vie calme et tranquille voire nageant dans le bonheur intégral. Puis, lentement, les choses se dégradent. Tandis qu'ici, Simmons à fait le pari de partir d'une situation déjà catastrophique. Pourtant, le pire est à venir. Même si l'auteur ne nous épargne pas certaines scènes (presque) gores, il faut lui reconnaitre qu'il n'en abuse absolument pas.
Bien que le suspense ne soit pas, à proprement parler, insoutenable (le récit étant tiré d'une histoire authentique, nous savons comment cela finit), nous sommes pris par le talent de Simmons et nous nous surprenons à dévorer les pages pour découvrir ce qu'il advint à tel ou tel personnage. La fin que l'auteur a imaginé est assez conforme à ce que j'avais supposé, au moins dans les grandes lignes.
Un excellent roman donc, qui va vous plonger dans la Marine royale anglaise du XIXème siècle ainsi qu'au cœur de l'arctique. À lire absolument.

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