dimanche 15 février 2015

Le Passage - Justin Cronin

Quatrième de couverture
«  Avant de devenir la Fille de Nulle Part - celle qui vint en marchant, la Première, la Dernière et la Seule, et qui vécut mille ans -, ce n’était qu’une petite fille appelée Amy ; Amy Harper Bellafonte, née dans l’Iowa.

Années 2010. Dans la jungle bolivienne, un commando de l’armée américaine traque les membres d’une expédition atteints d’un mystérieux virus… Au Texas, deux agents du FBI persuadent un condamné à mort de participer, en compagnie de onze autres prisonniers, à une expérience scientifique ultrasecrète.
Près d’un siècle plus tard. Une communauté a réchappé à l’apocalypse causée par l’invasion dévastatrice de mutants qui ont plongé le monde dans le chaos. Un jour, une jeune fille silencieuse et énigmatique se présente à la porte de la Colonie. Elle paraît à peine quatorze ans, mais elle en a plus de cent.. »

J'ai attaqué la lecture de ce livre sans a priori puisque je n'en avais lu aucune critique. Et pour dire la vérité, mon avis est plutôt mitigé, même si assez favorable quand même. Il s'agit d'un roman post-apocalyptique, et dans ce domaine, la concurrence est rude (Dr Bloodmoney de Philip K. Dick, Malevil de Robert Merle, Demain les chiens de Clifford D. Simak, Je suis une légende de Richard Matheson, La planète des singes de Pierre Boulle, World War Z de Max Brooks et j'en passe). Mais celui dont il se rapproche le plus, à mon sens, c'est du Fléau de Stephen King considéré par pas mal de fans comme le chef-d'oeuvre du maître. Là aussi des expériences hasardeuses ont conduit à la disparition de la majeure partie de l'humanité. Là aussi les survivants s'organisent tant bien que mal. Là aussi l'un des personnages endosse le costume de sauveur de l'humanité. Bon, après, les deux romans sont bien différents l'un de l'autre et avoir aimé l'un ne garanti pas d'aimer l'autre.
Ce qui m'a le plus gêné dans ma lecture ce n'est pas la taille de l'ouvrage. Même s'il s'agit d'un véritable pavé et uniquement le premier tome d'une trilogie. Ce sont plutôt les conséquences de cette taille exceptionnelle. Le roman est en effet divisé en plusieurs partie parfois bien différentes l'une de l'autre. Parce qu'on change de personnages ou de lieu ou d'intrigue. Et il faut reconnaître que ces parties ne possèdent pas toutes le même intérêt. J'ai beaucoup aimé le début (heureusement sinon j'aurais peut-être abandonné) qui se situe de nos jours et qui nous plante le décor non sans conserver une (grosse) part de mystère qui nous incite à vouloir en apprendre davantage. De plus, les personnages sont bien campés et plutôt attachants. La suite, une centaine d'années plus tard, m'a posé plus de problème. Nous nous retrouvons plongés dans un village de survivants entouré de vilains mutants pas cools mais pas cools du tout. Suivre le quotidien de gens qui ont régressé dans un quasi moyen-âge, ce n'est pas tout à fait ma tasse de thé. Ou bien les personnages du début me manquaient, je ne sais pas. Mais je me suis accroché et j'ai fini par m'attacher aux quelques personnages sur lesquels l'auteur avait concentré son intérêt. Même si certains d'entre eux font un peu figure de têtes à claques. Je pense notamment à Peter qui, malheureusement, est pour ainsi dire le héros de l'histoire. Disons le héros masculin. Malgré tout, les petites guéguerres intestines au sein du village ne m'ont pas passionné plus que cela et il a fallu attendre le départ d'une bande de jeunes et leur éloignement de l'étouffante communauté pour que mon intérêt s'éveille à nouveau.
Pour le reste et malgré sa taille, le livre se dévore littéralement (quand même). Sachez cependant qu'en fonction de votre vitesse de lecture, arriver jusqu'au bout vous prendra pas mal de temps (j'ai dû mettre pas loin d'un mois). J'ajoute qu'il s'adresse peut-être un peu plus à un lectorat adolescent qu'adulte. A lire donc si vous ne manquez pas de courage face aux pavés.

Un bonheur insoutenable - Ira Levin

Quatrième de couverture
Dans le futur, les nations ont aboli les guerres et la misère. Mais à quel prix ? Gouvernés par un ordinateur géant, les hommes sont – à l'aide d'un traitement hormonal mensuel adéquat – uniformisés, privés de toute pensée originale. Dans un univers où il n'existe que quatre prénoms différents pour chaque sexe, le jeune Li RM35M4419 va hériter de son grand-père d'un étrange cadeau : un surnom, Copeau. Ce sera le début pour lui d'une odyssée qui va l'amener d'abord à s'accepter en tant qu'individu, puis à la révolte. Il n'est heureusement pas seul, d'autres ont décidé de se rebeller. Mais seront-ils assez forts pour lutter contre Uni, le super-cerveau informatique de cette humanité déshumanisée ?

Comme son titre oxymore le suggère et comme nous le confirme le quatrième de couverture, ce roman est une dystopie (c'est à dire une contre-utopie ou une utopie qui vire au cauchemar pour ceux qui ne connaitraient pas ce terme). Le genre n'a pas produit un nombre incalculable d'oeuvres, mais nombre d'entre elles sont devenues des références. Je pense notamment à 1984 de Georges Orwell, Le meilleur des mondes d'Aldous Huxley ou Fahreneit 451 de Ray Bradbury. Alors même si Un bonheur insoutenable n'a pas l'honneur de figurer dans les romans les plus connus du genre, il possède des qualités suffisantes, à mes yeux, pour être considéré comme un excellent livre.
D'abord par son style, simple, direct, d'une grande facilité de lecture. Ensuite parce que le texte n'a pas pris une ride. Nombre d'écrivains des années 60 ou 70 n'ont pu éviter l'écueil que constitue la description d'un monde futuriste. Beaucoup de ce qu'ils ont pu imaginer nous fait sourire aujourd'hui, alors que nous sommes en plein dans ce futur qu'ils avaient envisagé. Le talent de Levin, c'est d'être resté assez vague sur la description de ces objets du futur qui accompagnent la vie de ses personnages. Du coup, nous lecteurs de ce futur (vous me suivez, là ?) nous pouvons facilement plaquer des images familières et modernes sur les noms des choses dont il a truffé son univers. Et quand l'objet nous est inconnu, notre imagination prend la relève. Je pense notamment à ces fameux «lecteurs» qu'on peut trouver à chaque coin de rue, voire devant chaque porte, et qui permettent de lire le bracelet que chacun porte obligatoirement à son poignet. Levin n'en donne aucune description et tout juste comprend-on qu'ils servent à autoriser ou interdire les accès et accessoirement, à fliquer les gens. Pardon, pas les gens, les membres. L'humanité forme une Famille constituée de membres.
Nous avons parlé de la forme. Qu'en est-il du fond ? Les dystopies sont souvent le résultat d'un savant et subtil dosage entre pure aventure et réflexion philosophique. Un bonheur insoutenable n'échappe pas à la règle. Et dans ce cas, le dosage est en faveur de l'aventure. L'auteur semble se concentrer exclusivement sur ce qui arrive, d'agréable ou de désagréable à son héros, Copeau. Sauf que, sans avoir l'air d'y toucher, Levin nous invite à réfléchir sur l'antagonisme aussi vieux que l'humanité, sécurité-liberté. Trop de sécurité tue la liberté. Le monde de Copeau l'illustre parfaitement. Il est débarrassé de la guerre, de la maladie et de la famine. De toute violence, en fait. Mais à quel prix ? Voilà un roman qui trouve un écho particulier en ces temps troublés post-attentat du 7 janvier. Doit-on durcir les lois pour lutter contre les actes de terrorisme quitte à rogner sur les libertés individuelles ? Question à laquelle je ne répondrai pas ici pas plus que Levin n'y a (vraiment) répondu.
Un excellent roman, donc, qui devrait vous faire passer un très bon moment. Du même auteur vous pouvez également essayer Rosemary's baby (que je n'ai pas lu mais dont j'ai vu l'excellente adaptation au cinéma de Roman Polanski) ainsi que Les femmes de Stepford que j'ai lu et beaucoup aimé.