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samedi 25 janvier 2020

Les Portes de la Maison des Morts - Steven Erikson

Le Livre des Martyrs, Tome 2
Résumé :

Deuxième tome de la saga épique de Steven Erikson, Les Portes de la Maison des Morts nous emmènent sur le vaste continent de Sept-Cités, au cœur du Saint-Désert de Raraku où l'oracle Sha'ik rassemble son armée pour une rébellion des plus sanglantes : un maelström de fanatisme et de férocité qui façonnera des destinées et enfantera des légendes...


Félisine, la plus jeune fille de la Maison Paran, tombée en disgrâce, rêve de vengeance dans les mines d’Otataral. Pendant ce temps, le sapeur Violain et l'assassin Kalam, deux Brûleurs de Ponts devenus hors-la-loi, se sont fixé comme mission de ramener la jeune Apsalar chez elle et, ce faisant, de confronter l'Impératrice Laseen. Tandis qu’à Hissar, Coltaine, commandant de la 7ème Armée de Malaz, s'apprête à lancer ses fidèles Wickiens et ses troupes dans une ultime bataille pour sauver les populations jetées sur les routes par le chaos de la rébellion.

C’est ce moment que choisissent deux vagabonds séculaires pour revenir : Mappo le Trell et son compagnon Icarium de demi-sang Jaghut, porteurs d'un secret dévastateur qui menace de rompre ses chaînes à tout instant...

Deuxième tome de la sage, et c'est toujours aussi bien. Voire mieux. Et, oui, c'est possible.
J'avais exprimé, dans ma critique du premier opus, comme la plupart des autres lecteurs, à quel point la lecture pouvait être difficile. En particulier du fait du nombre des personnages. Nous avions en effet affaire avec pas moins de 250 personnages de premier plan. J'exagère à peine. Quelle ne fut ma surprise de constater que, en tout début de ce deuxième volet, deux nouveaux personnages apparaissent. Ou alors, c'en est d'anciens dont j'avais oublié l'existence. Ce qui revient à peu près au même. Je blêmis, je tremble, la sueur perle sur mon front.
Mais je suis vite rassuré. D'une part, la grande majorité des personnages de ce deuxième tome sont connus et d'autre part, ils ne sont pas très nombreux cette fois-ci. Qui plus est, ils sont constitués en groupe facilement identifiables.
Et pour une fois, parce que le cas n'est pas si fréquent, chacun des groupes est intéressant à suivre. Car souvent, il faut le reconnaître, lorsque l'histoire s'intéresse à plusieurs protagonistes, les péripéties sont inégales.
Ici, ce n'est pas le cas, même si, je dois l'avouer, les aventures qui concernent le groupe auquel appartient l'historien Duiker, sont les plus passionnantes à suivre. Il faut dire que Duiker évolue au sein d'une armée et que la partie qui leur est consacrée est de loin la plus importante du roman en terme de taille. Il  y a de quoi raconter et la tension dramatique y est à son comble.
Nous faisons un peu plus connaissance avec quelques personnages qui deviennent vraiment attachants. Quant à l'aventure, elle est toujours aussi présente dans cet opus et les près de 900 pages du livre se dévorent sans aucun souci.

Excellent. Coup de cœur.

dimanche 19 mai 2019

Les Jardins de la Lune - Steven Erikson

Le Livre des Martyrs, Tome 1
Résumé :

Saigné à blanc par des luttes intestines, d’interminables guerres et plusieurs confrontations sanglantes avec le Seigneur Anomander Rake et ses Tistes Andii, le tentaculaire Empire Malazéen frémit de mécontentement.

Les légions impériales elles-mêmes aspirent à un peu de répit. Pour le sergent Mésangeai et ses Brûleurs de Ponts, ainsi que pour Loquevoile, seule sorcière survivante de la 2e Légion, les contrecoups du siège de Pale auraient dû représenter un temps de deuil. Mais Darujhistan, la dernière des Cités Libres de Genabackis, tient encore et toujours bon et l’ambition de l’Impératrice Laseen ne connaît aucune limite.

Cependant, il semble que l’Empire ne soit pas la seule puissance impliquée. De sinistres forces sont à l’oeuvre dans l’ombre, tandis que les dieux eux-mêmes se préparent à abattre leurs cartes...

Pour sacrifier à la tradition, je commencerai cette chronique par une mise en garde, qui se fait l'écho de toutes celles que vous pourrez trouver sur le net. Ce Livre des Martyrs (publié naguère sous le titre Livre Malazéen des Glorieux Défunts), n'est pas d'un abord facile. De l'aveu même de son auteur, ce qui a présidé en priorité à la conception de cette oeuvre c'est l'ambition. Et qui dit auteur ambitieux dit lecteur ambitieux. Disons le tout net, pour lire cette saga, il faut s'accrocher. Et s'accrocher ferme. On est loin ici d'un David Gemmell ou d'un David Eddings. Je respecte profondément l'excellent travail de ces deux grands auteurs, mais il faut reconnaître qu'ils ne sont pas réputés pour leur difficulté à les lire.
Ce qui rend si difficile l'approche du Livre des Martyrs c'est, paradoxalement, ce qui fait sa qualité première : la richesse. Cette série est tout simplement d'une richesse exceptionnelle. Il y a énormément de personnages de premier plan, énormément de peuples à découvrir, ainsi que de cultures, de traditions. Énormément de lieux (il s'agit d'un Empire après tout), de magie, de dieux, d'Histoire (oui, avec un grand H). Comme l'auteur nous plonge là dedans comme un maître-nageur sadique plongerait un enfant ne sachant pas nager dans le grand bain, imaginez les sensations. C'est exaltant autant que terrifiant.
Pour en revenir, par exemple, aux personnages, ceux-ci sont, dans ce premier tome, une bonne vingtaine. Et attention, je parle d'une bonne vingtaine dont l'importance varie entre primordiale et majeure. J’exagère à peine, voire pas du tout. Notez que ceux qui ont survécu à la lecture du génialissime Trône de Fer devraient avoir un gros avantage sur les autres. Parce que, là aussi, en terme de personnages centraux... Mais en fait même pas, ce serait trop simple. Chez Erikson, on n'a pas le temps de s'approprier un personnage que déjà, on passe à un autre. Alors du coup, forcément, irrévocablement, on finit par s'emmêler les pinceaux. 
Heureusement toutefois, la plupart de ces personnages appartiennent à des groupes distincts dont on va suivre les aventures ce qui rend l'identification un poil plus facile. De plus, certains d'entre eux vont davantage marquer nos mémoires de par leur nom, leur fonction, leur grade, leur apparence physique, etc., voire un peu de tout ça. Le sergent Mésengeai, le capitaine Paran, le haut-poing Dujek Unbras, l'Adjointe Lorn, Loquevoile, Mes Regrets, Crokus, Toc le Jeune, qui est borgne, Kruppe, qui a de l'embonpoint, et j'en passe. Et pour finir, pour ceux qui décrocherait quand même, il y a un glossaire en fin de volume avec tous les personnages, les lieux, les titres, les groupes, les peuples, les garennes (éléments de première importance du système de magie). Ne surtout pas hésiter à s'y référer, et souvent.
À côté de ça, le talent de conteur de Steven Erikson est tellement grand, qu'on peut suivre avec un réel plaisir les aventures des uns et des autres sans y comprendre tout. Voire sans y comprendre grand chose. D'ailleurs les personnages eux-mêmes ne comprennent pas tout ce qui se passe. Mais avec un peu de patience, on découvre que tout ce qui pouvait paraître obscur devient soudain lumineux. Enfin pas loin.

D'aucuns disent que beaucoup de personnages sont froids et par conséquent, peu attachants. Je ne suis pas si sûr de partager cette opinion. Certes, Erikson ne fait rien pour créer une véritable proximité entre nous et les protagonistes du roman. Malgré tout, je suis parvenu à m'attacher à bon nombre d'entre eux. Une chose importante à noter c'est que la quasi totalité des personnages n'a rien de détestable. Ici, pas de réels vilains dont on se surprend à souhaiter la mort dans d'atroces souffrances. Je ne dis pas qu'ils sont tous gentils et qu'on est dans un monde de bisounours, pas du tout. Nous ne sommes tout simplement pas dans un monde manichéen ou tout est soit blanc soit noir. Tout est plutôt en nuances de gris. Bon, gris clair si vous voulez, mais gris quand même. Après tout, connaissons-nous vraiment des individus à l'âme d'une noirceur absolue ? J'en doute.

Même si l'exercice ne présente qu'un intérêt limité, il peut être tentant de faire un parallèle entre Le Livre des Martyrs et Le Trône de Fer. Ne serait-ce que parce qu'il s'agit de deux monuments de la fantasy, voire de la dark fantasy. Ajoutons-y Le Seigneur des Anneaux, et nous avons, me semble-t-il, le tiercé gagnant. Alors bon, nous sommes dans chaque cas soit dans un immense royaume soit dans un empire. Il y a des batailles, des complots. Même des dragons. Mais en dehors de ça, les deux œuvres sont fondamentalement différentes. Parlons de ce qui distingue Le Livre des Martyrs du Trône de Fer. Ici, il est assez peu fait mention des grandes familles nobles, voire quasiment pas. Les personnages centraux sont plutôt d'extraction assez modeste. Ce sont des soldats, des mages, des voleurs, des assassins (professionnels)... On est baignés à certains moments dans des intrigues politiques, mais sans excès. La magie est ici très, mais alors très, très importante. Primordiale. Originale aussi, à tel point qu'on ne comprend pas toujours bien comment ça marche en dehors du fait que les mages utilisent des "garennes", espèces de labyrinthes situés dans une autre dimension et qui servent aussi à se déplacer plus rapidement et plus discrètement. Même si c'est parfois plus dangereusement. Il y a d'autres différences mais je n'entrerai pas plus dans les détails. Une chose est sûre cependant, une adaptation en série TV aussi réussie que celle du Trône de Fer donnerait probablement lieu à une oeuvre audiovisuelle exceptionnelle. On peut rêver.

Du côté des parallèles qu'on peut être amenés à faire, j'ajouterais juste, outre Le Trône de Fer des oeuvres comme : La Compagnie Noire de Glenn Cook, Les Princes d'Ambre de Roger Zelazny, voire Le Cycle d'Elric de Michael Moorcock, excusez du peu.

Seul petit bémol dans ce discours dithyrambique, l'origine ludique du roman est parfois assez (trop ?) évidente. L'empire Malazéen est en effet au départ un univers de jeu de rôles. Et ça se sent. Du moins est-ce l'impression que cela m'a fait. Le nombre impressionnant de protagonistes, qui sont autant de personnages joueurs ou non joueurs et qui surgissent au milieu des scènes comme invoqués par un Maître de Jeu, fait parfois un peu artificiel. Mais on pardonne à l'auteur tellement tout ça participe à renforcer l'aspect dramatique de l'histoire.

Bon, vous l'avez compris, ce premier tome m'a juste emballé, scotché, embarqué, enflammé, enthousiasmé... Je vous fais grâce de tous les synonymes. Moi qui suis ce qu'on appelle, en bon français, plutôt un easy reader, je n'ai pas éprouvé les difficultés que je craignais en abordant cet ouvrage. Bien sûr, tout n'est pas limpide au premier abord, loin de là, mais le plaisir de lecture est total. Petits conseils : lire avec un maximum de concentration, ne jamais hésiter à consulter le glossaire, c'est important, ne pas se braquer dès que quelque chose nous échappe, car soit nous comprendrons plus tard, soit la compréhension n'est pas indispensable. Enfin, laissez vous porter par l'histoire.

À l'heure où j'écris ces lignes, trois tomes sont sortis. Les Jardins de la Lune, Les Portes de la Maison des Morts et Les Souvenirs de la Glace. Au rythme d'une parution tous les six mois, il reste encore quelque chose comme trois ans et demi pour avoir la totalité de la décalogie en français. Si tout se passe bien. Sachant comme il n'est (quand même) déjà pas simple de lire l'oeuvre dans sa traduction française, loin de moi l'idée de tenter l'expérience dans la langue originale. Tant pis, il va falloir s'armer de patience. Et prier pour ne pas avoir oublié tout ce qu'on a lu d'un semestre à l'autre.

Excellent. Coup de cœur.

mardi 20 décembre 2016

Aeternia - Gabriel Katz

Résumé :
Leth Marek, champion d’arènes, se retire invaincu, au sommet de sa gloire. Il a quarante ans, une belle fortune et deux jeunes fils qu’il connaît à peine. C’est à Kyrenia, la plus grande cité du monde, qu’il a choisi de les élever, loin de la violence de sa terre natale. Lorsqu’il croise la route d’un culte itinérant, une étrange religion menée par un homme qui se dit prophète, l’ancien champion ignore que son voyage va basculer dans le chaos.Dans le panier de crabes de la Cité mère qui prêche la Grande Déesse, où les puissants du Temple s’entredévorent, une guerre ouverte va éclater entre deux cultes, réveillant les instincts les plus noirs. La hache de Leth Marek va de nouveau tremper dans le sang...

Ce qui distingue plus particulièrement la fantasy des autres genres littéraires, c'est qu'elle est faite (la plupart du temps) à partir de recettes, un peu toujours les mêmes et d'ingrédients souvent identiques. Du coup, pour faire un bon, voire un très bon roman de fantasy, il faut se distinguer avec une histoire en béton, de préférence du jamais vu, ou des personnages aussi originaux que possible ou, à défaut, revus et améliorés ou un style agréable. Dans la fantasy française, Jean-Philippe Jaworski réussit à réunir les trois, et avec quel brio. Et Gabriel Katz n'est pas jean-Philippe Jaworski. Loin s'en faut.
L'histoire est d'une banalité affligeante, les personnages de véritable clichés ambulants sans rien qui les distingue de tous ceux dont on a déjà croisé la route dans ce genre d'aventure et sans charisme, sans rien qui les rendent attachants et un style d'une aridité sans pareille. J'ai lu une critique qui comparait l’œuvre de Katz à celle de Gemmell. Il est vrai que les deux sont assez semblables et c'est bien là le problème, je n'apprécie guère non plus les romans du britannique.
J'ai tenu jusqu'à la moitié du livre sans faire non plus des efforts démesurés, il faut le reconnaître, car la lecture n'est pas réellement désagréable. Mais elle n'offre rien d'intéressant à un vieil amoureux de la fantasy comme moi. L'impression de perdre mon temps était omniprésente. À réserver donc à ceux qui n'ont jamais lu de fantasy. Encore que, non, ils peuvent aussi s'abstenir et lire du Jaworski, du Kloetzer ou du Pevel. Entre autres.

Bof.

vendredi 16 septembre 2016

Chien du heaume - Justine Niogret

Résumé :
On l'appelle Chien du Heaume parce qu'elle n'a plus ni nom ni passé, juste une hache ornée de serpents à qui elle a confié sa vie. La quête de ses origines la mène sur les terres brumeuses du chevalier Sanglier, qui règne sans partage sur le castel de Broc. Elle y rencontre Regehir, le forgeron à la gueule barrée d'une croix, Iynge, le jeune guerrier à la voix douce, mais aussi des ennemis à la langue fourbe ou à l'épée traîtresse. Comme la Salamandre, cauchemar des hommes de guerre... On l'appelle Chien du Heaume parce qu'à chaque bataille, c'est elle qu'on siffle. Dans l'univers âpre et sans merci du haut Moyen Age, loin de l'image idéalisée que l'on se fait de ces temps cruels, une femme se bat pour retrouver ce qu'elle a de plus cher, son passé et son identité...

(Relecture)
Ce Chien du heaume, c'est essentiellement une ambiance. De par le lieu et l'époque d'abord, imaginaires, mais dont le modèle est incontestablement l'Europe du moyen-âge. De par l'écriture, somptueuse, qui semble venir du fond des âges tout en conservant un côté très moderne qui la rend à la fois belle et facile à lire. La grande réussite de ce roman. De par les personnages, tous ou quasiment des mercenaires abîmés par la vie, tant physiquement que moralement. De par le récit lui-même, ponctué de luttes, de combats, de plaies, de bosses, de morts violentes mais aussi,un peu, d'amour.
J'ai eu vraiment infiniment de plaisir à lire ce magnifique roman. J'ai passé quelques heures bien loin de chez moi, bien loin de mon époque. Justine Niogret fait partie, sans conteste, de ces grands auteurs français de fantasy. Je lui dresse, dans mon panthéon personnel, un trône tout à côté de Jean-Philippe Jaworski. C'est dire.

Très bon. 

lundi 25 juillet 2016

La Flûte Ensorceleuse - Nancy Kress

Résumé :
Les corps, écorchés, pendent à la potence, la tête en bas. Fia, horrifiée, découvre le sort qui attend les envoûteurs au royaume de Veliano ! son sang se fige dans ses veines, elle serre contre elle son fils Jorry.
Fuir, quitter ce lieu... Mais Brant d'Erdulin, plus rapide, a fait enlever Jorry. Brant, l'ancien amour de Fia, le père de son enfant. Brant, exercé aux arts de l'esprit, prêt à tout pour posséder la flûte magique et son terrible pouvoir.
Les Quatre Dieux Protecteurs ne peuvent rien pour Fia. Et son maigre talent de « montreuse d'histoires » ne fait pas le poids contre l'habileté de la reine !
Pour tenter d'échapper à son destin, il lui reste l'énergie du désespoir. Et les giroflées à quatre feuilles, la musique suspendue, une flûte blanche... Mais est-ce suffisant pour sauver ce fils qu'elle n'a pas su protéger ?

En vérité, il ne se passe pas grand chose dans ce roman. Ou plutôt, il se passe des choses, mais l'intrigue n'évolue guère. La narratrice ressemble à un pion balloté et manipulé par des personnes largement plus puissantes qu'elle. Elle ne comprend pas bien ce qui lui arrive et nous non plus, mais la différence est que nous finissons par ne plus rien en avoir à faire.

Moyen. 

dimanche 29 novembre 2015

The Emperor's soul - Brandon Sanderson

Résumé (de la version française) :
La jeune Shai a été arrêtée alors qu’elle tentait de voler le Sceptre de Lune de l’Empereur. Mais au lieu d’être exécutée, ses geôliers concluent avec elle un marché : l’Empereur, resté inconscient après une tentative d’assassinat ratée, a besoin d’une nouvelle âme. Or, Shai est une jeune Forgeuse, une étrangère qui possède la capacité magique de modifier le passé d’un objet, et donc d’altérer le présent. Le destin de l’Empire repose sur une tâche impossible : comment forger le simulacre d’une âme qui serait meilleur que l’âme elle-même ? Shai doit agir vite si elle veut échapper au complot néfaste de ceux qui l’ont capturée.

Shai est une Faussaire (Forger en anglais), ou comme l'indique la quatrième de couverture de la version française, une Forgeuse. Si elle est capable de réaliser la copie parfaite d'un tableau ou d'une autre quelconque oeuvre d'art, et qu'elle excelle dans cet art, elle est surtout dotée d'un talent exceptionnel, assimilable à de la quasi magie, qui lui permet de modifier l'essence même de tout objet, quel que soit le matériau dont il est fait : bois, pierre, métal, verre... Elle peut même, si on lui demande gentiment, ou si on la contraint par la menace, modifier ou recréer l'âme d'un être humain.
C'est ce que vont exiger d'elle les Arbitres (arbiters) de l'empereur Ashravan, les personnes les plus haut placées de l'empire. Le monarque a été victime d'un attentat qui lui aurait coûté la vie sans l'intervention de ses chirurgiens qui n'ont cependant pas pu faire mieux que de faire de lui un légume. Shai va donc devoir Forger à l'empereur une âme toute neuve et, tant qu'à faire, aussi proche possible de l'originale. Ce qui revient à connaître parfaitement la personne dont on veut recréer la personnalité. Shai a à sa disposition le journal du souverain, ainsi que les témoignages de ses proches. Reste qu'il y a deux problèmes pour la jeune femme. Tout d'abord, elle n'a que très (trop) peu de temps pour réaliser cet exploit. En second lieu, elle comprend vite que Frava, la chef des Arbitres, n'a aucune intention de lui laisser la vie sauve, comme promis.
Nous allons donc assister aux efforts de Shai pour façonner une nouvelle âme la plus parfaite possible dans le délai qui lui a été accordé. (Façonneuse, ça aurait eu de la gueule aussi pour désigner son activité. Non ?)
Parce que bien entendu,  pas question pour elle de faire du travail au rabais. On a sa fierté, que diable ! Dans le même temps, il faut qu'elle trouve le moyen de s'enfuir dès son oeuvre achevée. Et ça, ça n'est pas facile du tout. Surtout que Shai est enfermée dans sa chambre-atelier grâce à un sortilège disposé sur sa porte par un mage plutôt flippant.
Elle va réfléchir à une multitudes de plans d'évasion tous plus risqués et irréalisables les uns que les autres. Elle songe même à utiliser ses talents aux dépens d'un autre des Arbitres de l'empereur, Gaotona, vieillard à la personnalité bien plus bienveillante que celle de Frava (en même temps, ce n'est pas bien difficile), mais qui est également, malheureusement pour elle, intègre, incorruptible et insensible à toutes les tentatives de Shai.
 La lecture de ce court roman m'a été particulièrement agréable. La personnalité de Shai est très attachante et c'est avec une vraie inquiétude pour sa survie que l'on suit ses aventures. Elle est entourée de deux personnages, Gaotona et Frava, peut-être un soupçon moins travaillés mais intéressants tout de même.
À lire, pour sa fraicheur, sa «magie» originale (comme souvent chez Sanderson), son suspense et, accessoirement, son prix Hugo du meilleur roman court 2013.
Le roman est paru en français sous le titre : L'Âme de l'Empereur.

mardi 3 juillet 2012

L'Empire Ultime - Brandon Sanderson

Fils des Brumes , tome 1 (trilogie)
Fantasy
Quatrième de couverture
Les brumes règnent sur la nuit,
Le Seigneur Maître sur le monde.

La jeune Vin ne connait de l’Empire Ultime que les brumes de Luthadel, les pluies de cendre et le regard d’acier des Grands Inquisiteurs. Depuis plus de 1000 ans, le Seigneur Maître gouverne les hommes par la terreur. Seuls les nobles pratiquent l’allomancie, la précieuse magie des métaux.
Mais Vin n’est pas une adolescente comme les autres. Et le jour où sa route croise celle de Kelsier, le plus célèbre voleur de l’Empire, elle est entraînée dans un combat sans merci. Car Kelsier, revenu de l’enfer, nourrit un projet fou : renverser l’Empire.

Cela n'aura échappé à personne, mais la fantasy est plutôt une littérature destinée à un public adolescent. Au départ. À l'arrivée aussi, souvent. Si, si. Je vous assure. Même s'il existe des exceptions notables d'auteurs qui tentent de faire de la fantasy « adulte » (Martin, Jaworski ...), l'ensemble de la production présente la plupart du temps des ouvrages dont la seule ambition est d'embarquer sur les ailes du dragon les jeunes gamins de 15 ans. Les vrais et ceux qui vivent dans nos cœurs d'adulte. Eh bien cet Empire Ultime ne fait pas exception à la règle. C'est très, mais alors très ciblé adolescents. Ce qui n'a, bien entendu, rien d'un reproche. Mais il faut le savoir. Voilà tout.
Ce qui frappe au premier abord c'est le côté extrêmement stéréotypé des personnages. On les croirait sortis tout droit d'un roman d'Alexandre Dumas. Là encore, rien d'infamant, au contraire, mais on ne peut pas dire qu'ils brillent par la complexité de leur psychologie. Même s'il faut saluer les tentatives de l'auteur pour nous offrir des personnages qui ne soient pas trop « monobloc ». Ces derniers n'en restent pas moins des caricatures cent fois côtoyés dans les romans d'aventures.
Mais qu'importe. Le style, simple et efficace nous emporte. L'histoire ne manque pas d'une certaine originalité. Surtout lorsqu'on voit foirer un à un les plans minutieusement préparés des « gentils ». Cela nous change des héros invincibles et est plutôt un bon point.
Quant au système de magie, c'est le point sans doute le plus original du roman. Je n'ai pour ma part jamais lu quelque chose de semblable. Le magicien ici n'est pas loin de ressembler à un athlète. L'entrainement est dur et on ne parvient à la maîtrise, si tant est qu'on ait le potentiel en soi, qu'à force de travail.
J'ai pu par ailleurs apprécier que le héros soit ... une héroïne. Cela n'a plus rien de vraiment original dans un roman écrit au vingt-et-unième siècle mais n'empêche, cela fait du bien d'éviter, pour une fois, un personnage principal bourré de testostérone.
Ajoutons que la fin de ce premier tome est semi-fermée (ou semi-ouverte, comme vous voulez). En d'autres termes, il est tout à fait possible de s'arrêter là. Soit définitivement, mais ce serait sans doute dommage, soit en se ménageant une longue période de transition avant d'attaquer le suivant. Toutes les parenthèses ouvertes  dans le récit ont été fermées, ou quasiment. Même si on sent (et on le sait) qu'il existe une suite. Il ne devrait pas être trop difficile de se replonger dans le second tome après plusieurs mois.
Quoi qu'il en soit, je dois avouer que la lecture de ce premier opus m'aura été très agréable et qu'elle m'aurait (presque) réconcilié avec la fantasy. Sans être un chef d'œuvre ou un modèle du genre, cette trilogie se révèle très agréable à lire. Pour l'été qui vient (peut-être) ce pourrait être un bon choix.

lundi 25 avril 2011

Gagner la guerre - Jean-Philippe Jaworski

J'avoue avoir eu une petite appréhension avant d'entamer la lecture de ce roman. Pour des raisons assez inexplicables. Ce n'est rien de dire que j'avais adoré Janua Vera, du même auteur. De plus, ma nouvelle préférée était celle-là même qui mettait en scène le héros du roman. Peut-être ai-je été un peu intimidé par la taille de l'ouvrage (979 pages chez Folio). Je l'ignore. Ce que je sais, en revanche, c'est que dès que j'ai entamé la lecture, mes doutes se sont envolés.
D'abord j'ai retrouvé le style exceptionnel de Jaworski qui en fait un écrivain pour de vrai et pas seulement un fabricant de roman de fantasy au talent moyen voire douteux, comme on en connait tant. D'autant plus qu'il nous gratifie de la verve du personnage principal qu'est Benvenuto Gesufal et qui est, accessoirement, le narrateur de l'histoire. Il faut savoir que don Benvenuto, pour ceux qui n'auraient pas lu Janua Vera, est un tueur à gages entré au service de l'un des personnages les plus importants (le plus important ?) de la République de Ciudalia (sorte de Venise revisitée). Il possède donc à la fois la gouaille du milieu dont il est issu mais également le langage châtié de ces grands qu'il fréquente désormais. Le résultat est plutôt réussi et parfaitement crédible. Et moi qui voue depuis toujours un amour immodéré à cette langue qu'on dit verte, j'ai été particulièrement gâté par les quelques dialogues argotiques dont le roman est semé. Même si, il faut l'avouer, je fus quelque peu surpris dans un premier temps par les propos de certains personnages qui faisaient immanquablement penser à l'argot typiquement parisien des siècles passés, je me suis vite convaincu qu'il n'était pas plus surprenant d'entendre des personnages de fantasy s'exprimer dans la langue de Gavroche que d'entendre les habitants du Vieux Royaume converser en bon français.
Le spadassin nous entraine à sa suite dans des (més)aventures diverses et variées. D'aucuns diront peut-être trop diverses et trop variées. Qu'on en juge. On enchaine bataille navale, torture, séjour en prison, périple à travers le pays, exil ... je ne vais pas non plus tout vous dévoiler.
Alors c'est vrai, le tout ressemble à un assortiment de choses hétéroclites et tient plus, à première vue, du collier de perles disparates et qui n'auraient en commun que d'être enfilées sur le même fil, que du puzzle qui, bien que constitué de pièces différentes, forme un tout cohérent. Et pourtant, à mieux y regarder, chaque élément est à sa place et manquerait par son absence.
Petit bémol cependant. Ça n'engage que moi (même si d'autres partagent mon point de vue. Voir les chroniques), mais j'ai trouvé la présence de nains et d'elfes un poil de trop. Voire inutile. Voire gênante. Comme un cheveu sur la soupe. Pourquoi diable avoir agrémenté le récit de leur présence dont il aurait fort bien pu se passer ?
Mais en dehors de ça (qui n'est pas un défaut majeur), ce roman est une vraie réussite. Sans vouloir relancer le débat : fantasy, sous-littérature ? je dirais simplement que lire un bon roman de fantasy écrit par une excellente plume, c'est un plaisir que je n'ai pas boudé. Voilà.
Gagner la Guerre est juste, de mon point de vue, une œuvre majeure du genre. À lire, absolument.

Ils en parlent aussi :
Hugin et Munin
Gromovar
Efelle
Cédric Jeanneret
Guillaume
Sandrine
Salvek

vendredi 10 septembre 2010

Le Prince du Néant, tome 1 - R. Scott Bakker

Autrefois les ténèbres

Le Mot de l'éditeur :
Une Guerre Sainte est en marche dans un monde divisé entre magie et religion. Trois hommes que tout sépare devront inverser le cours des choses pour éviter une nouvelle Apocalypse : Achamian, un sorcier-espion, enquête sur le chef suprême des Mil Temples, une caste religieuse puissante, opposée depuis des siècles aux castes des sorciers ; Cnaiür, chef des barbares Scylvendi, d'une violence et d'une brutalité hors du commun, voit son passé sinistre resurgir ; et enfin Anasûrimbor Kellhus, un moine mystérieux, descendant des anciens rois est la recherche de son père.
Face à eux : la Consulte, une étrange créature légendaire qui œuvre avec les sorciers au cœur même de la Guerre qui s'annonce.

Je confesse avoir été très inquiet lorsque j'ai entamé la lecture de ce livre. Le prologue est en effet rédigé dans un style particulier qui rend parfois la compréhension du texte malaisée. Il est à la fois poétique, philosophique, lyrique, en un mot très littéraire et certes magnifique mais malheureusement un peu confus. Mais plus que le style, c'est le ton qui rend le texte difficile d'accès. On a souvent davantage le sentiment de lire les impressions, les réflexions parfois complexes des personnages qu'un récit traditionnel d'évènements. Ajoutons à cela une entrée de plain-pied dans un univers qu'on soupçonne riche mais qui nous est totalement inconnu et nous aurons une idée de la difficulté de cette entame.
Fort heureusement, l'impression ne dure pas et dès le premier chapitre, nous assistons à une rupture sensible du ton qui, même s'il demeure littéraire, est beaucoup plus accessible. Et nous avons enfin le sentiment que l'histoire commence.
Elle s'articule essentiellement autour de quatre personnages principaux d'une importance telle qu'ils sont à l'origine (au moins pour trois d'entre eux) de l'intitulé de trois des cinq parties de ce premier tome. Le sorcier, la catin et le guerrier (les deux autres parties étant : l'empereur et la guerre sainte).
Le sorcier c'est Drusas Achamian. Les sorciers sont regroupés en ordres, en communautés appelés scolasticats. Achamian est un scolastique du Mandat. Cette académie de sorciers est la seule à croire à l'existence et à vouloir combattre la Consulte, une menace qui pèse sur l'humanité toute entière et qui n'est pour tous les autres qu'une légende. On ne saura pas grand chose sur cette Consulte, le mystère qui l'entoure étant complet ce qui la rend plus terrifiante encore.
Esmenet est une prostituée (la catin) amie d'Achamian dont elle est secrètement amoureuse. Le guerrier c'est Cnaiür, un barbare scylvendi, un peuple semi-nomade de cavaliers qui n'est pas sans rappeler les mongols. Il est courageux, impitoyable, intelligent. Redoutable.
Et puis il y a Anasûrimbor Kellhus, sans doute mon préféré même si tous les personnages principaux ont quelque chose d'attachant, chacun à leur manière. C'est une sorte d'érudit. Un homme de grand savoir et de grand pouvoir. Ses connaissances inclues l'art du combat ce qui en fait un guerrier exceptionnel. C'est une sorte de moine-combattant errant, un prêtre shaolin voyageur. Un autre  Kwai Chang Caine (1).
À ces quatre premiers personnages on pourra ajouter un empereur stupide, un général émérite, un prince ambitieux, un pontife illuminé ... Tous vont se retrouver liés par un évènement majeur d'une portée quasi mondiale : la Guerre Sainte. Une sorte de Croisade revue et corrigée par l'auteur. Tout y est jusque dans certains détails troublants. Le chef religieux, instigateur de cette Guerre Sainte est Maithanet, l'équivalent d'un pape. Sa religion est d'ailleurs fortement inspirée du christianisme, à n'en point douter. Son prophète est Inri Séjénus. Inri, comme l'inscription qu'aurait fait apposer par raillerie Ponce Pilate sur la croix du Christ. Inri comme Iesus Nazarenus Rex Iudaeorum (Jésus de Nazareth, Roi des Juifs (Judéens)). Quant à Séjénus c'est un quasi anagramme de Jésus. La Guerre Sainte, elle, consiste en la conquête de territoires et en particulier d'une ville sainte, Shimeh, dont le nom peut évoquer, avec de l'imagination, Jérusalem ou Salem, Yerushalayim en hébreu. Son déroulement même la rapproche de son modèle réel. La Guerre Sainte Vulgaire narrée dans le livre est calquée sur la Croisade des Gueux. L'épisode des futurs territoires conquis revendiqués à l'avance par l'empereur du roman rappelle l'exigence similaire qu'avait eu, à l'époque, l'empereur de Byzance. Jusqu'au nom de Golgotterath qui fait bien sûr penser à Golgotha. D'autres, plus érudits que moi, trouveront encore d'autres parallèles, à n'en point douter.
Les circonstances particulières vont amener tout ce beau monde à s'aimer ou à se haïr, à s'allier ou à s'affronter, à se faire confiance ou à se trahir. Parfois alternativement, parfois en même temps. Dans ce maelström qu'est la guerre, chacun agit selon ses propres convictions, ses propres intérêts, qui peuvent un temps coïncider avec ceux des autres mais pas indéfiniment.
Seul petit point noir du roman, c'est l'accumulation de noms forcément nouveaux pour nous de personnages, peuples, pays, religions, langues. À ce sujet, je ne saurais trop vous conseiller de vous reporter aux appendices à la fin du volume. L'essentiel y est expliqué.
C'est donc, vous l'aurez compris, à une formidable épopée que nous invite Bakker, pleine de bruit et de fureur comme l'écrivait le grand William. Un cocktail réussi de batailles, de combats, de mystères, d'alliances contre nature, de manigances, de séductions, la liste est longue. Le tout servi par une belle langue.  J'aurais du mal à comparer cette œuvre à une autre, aucun nom ne me venant spontanément à l'esprit, mais s'il le fallait absolument alors ce serait probablement au Seigneur des Anneaux, sans les elfes, hobbits et autres orques, mais avec la même force épique.

Ils en parlent :
J'en profite pour vous inviter, si vous ne connaissez pas déjà, à découvrir le site d'Estellou et ses chroniques intelligentes et bien foutues.
On ne présente plus Cédric de Hugin & Munin ou Martlet.

(1) Héros de la série télévisée Kung Fu diffusée dans les années 1970.

samedi 4 septembre 2010

Fendragon - Barbara Hambly

Présentation de l'éditeur
« Je suis Morkeleb le Noir. Je ne suis et ne serai l'esclave de personne, encore moins d'une femme humaine. »
Lorsque Jenny Waynest, compagne du Fendragon des légendes, accepte d'accompagner l'amour de sa vie vers les terres du Sud où l'appelle son Roi, elle ne sait pas ce qui l'attend: les intrigues vénéneuses de la magicienne Zyerne, le souffle brûlant du plus sombre des dragons, mais aussi le feu dévorant d'une passion séculaire - la douleur, le renoncement et la mort.

Lecture du mois d'août du Cercle d'Atuan.

La première chose qui frappe et ce, dès les premiers chapitres voire dès les premiers paragraphes, c'est l'originalité du roman. En particulier, l'originalité de traitement. Les clichés sont vraiment mis à mal. La première fois que nous rencontrons le Fendragon (1), il a les pieds dans la boue et parle de cochons. On est loin du preux chevalier des chansons de geste. Jenny, sa compagne, loin d'être la sorcière ultra-puissante des récits du genre, se considère elle-même comme à peine plus qu'une guérisseuse de village. Les dragons sont tués comme de vulgaires renards pilleurs de poulailler, même s'ils sont infiniment plus dangereux. Avec ruse et sans panache.
Et même si le roman a aujourd'hui 25 ans, il reste toujours assez innovant en la matière puisque nous ne sommes toujours pas débarrassé des clichés du genre. Oserai-je dire : « Au contraire. » ? Alors, oui, c'est agréable de lire les aventures de gens (presque) ordinaires. J'ajoute presque parce qu'il faut bien l'admettre, ces gens-là ont une force de caractère assez peu commune, tout de même, forgée sans doute dans les rigueurs climatiques des pays du nord dont ils sont issus.
La seconde qualité du roman, précisément, tient dans la peinture, particulièrement travaillée, des personnages et en particulier de trois d'entre eux. John, Jenny et Morkeleb. Autrement dit le fendragon, la sorcière et le dragon. Ils ont tous un caractère bien trempé. Même si c'est plus facile pour le dragon, compte tenu de sa taille et de sa puissance. Mais ils ont malgré tout des fêlures, des faiblesses. Même Morkeleb, pourtant protégé par sa cuirasse et la totale indifférence de ceux de sa race pour les misérables créatures que sont les humains.
La peinture sociale n'est pas en reste non plus. Avec cette galerie de nobles de cour tous plus superficiels et inconsistants les uns que les autres. Quant aux Gnomes, ils m'ont fait penser d'une façon saisissante, à une allégorie de la diaspora juive, ou de tout autre communauté minoritaire, mal accueillie, maltraitée. Les Gnomes sont à peine tolérés lorsque tout va bien, alors qu'advient-il à votre avis lorsque tout va mal ? Ils sont désignés comme coupables idéaux de tout ce qui arrive, sont chassés, spoliés.
En revanche, en dehors de ces qualités, le roman pêche par un manque significatif d'action. Et quand il y a de l'action, le passage est vite expédié. Bon, d'accord, lors de la description d'un combat, j'ai horreur de ces récits qui détaillent le moindre des gestes des protagonistes. « Et il leva son épée de quinze centimètres de la main droite, tandis que de la gauche il se grattait l'arête du nez. » et qui font durer un duel une quinzaine de pages. Mais de là à faire dans le dépouillement le plus total, il y a une marge. « Il est entré, il a tué le dragon. » , ça fait un peu juste.
En plus de ça, le traitement de la méchante de l'histoire est assez frustrant. Beaucoup trop succinct à mon goût. Elle a pourtant été dotée de pouvoirs terrifiants, c'est le mot, mais la montagne a accouché d'une souris.
En vérité, l'essentiel est ailleurs.  Dans la dénonciation de l'intolérance. Dans la douleur du choix. Jamais autant auparavant je n'avais été confronté dans un roman à la réalité de cette maxime : choisir, c'est renoncer. Car, c'est vrai, on ne peut être une bonne sorcière et en même temps une bonne mère, une bonne épouse. On ne peut être femme et dragon.
Et le roman parle aussi d'amour. D'une façon simple et sans mièvrerie. Car, n'en déplaise à tous les Gros Bill du monde, l'amour, ou sa recherche, occupe, voire préoccupe la plupart des gens, davantage que la chasse aux créatures surnaturelles. Me semble-t-il.
Cependant, force m'est de reconnaitre que cette seconde lecture (puisque j'avais déjà lu le roman) m'a un peu moins enthousiasmé que la première. Sans doute à cause de la disparition de l'effet de surprise.
Il n'en demeure pas moins que ce Fendragon me semble mériter de figurer dans la bibliothèque de tous ceux qui prétendent  être amateurs de fantasy. Et puis, un one-shot de 360 pages, n'est pas un obstacle insurmontable. Sauf peut-être, je le répète, à tous ceux qui privilégient l'action au reste. Ce que je respecte totalement.

Je vous invite à lire : ce que les Atuaniens en ont pensé.

(1) En anglais : Dragonsbane, soit Le fléau des dragons. Le Fendragon est le pourfendeur de dragons.

dimanche 29 août 2010

Chroniques des années noires - Kim Stanley Robinson

Présentation de l'éditeur
Quelle serait l'histoire du monde si l'Europe avait disparu au Moyen Age, ravagée par la peste ? L'Islam et la Chine seraient alors devenues les civilisations dominantes, découvrant l'Amérique, se faisant la guerre, inventant le chemin de fer et l'atome, cherchant à l'emporter, à imposer la foi de Mahomet, Bouddha ou Confucius. A travers les destins de trois personnages, Kim Stanley Robinson dépeint de façon étonnamment réaliste sept cents ans de l'histoire d'un univers foisonnant, où les aventures individuelles se mêlent à la trame historique, et se répondent à travers les siècles et les continents. Une uchronie époustouflante par l'auteur de la trilogie martienne.

Ce qui est bien avec ce livre, c'est que l'on n'a pas le sentiment de lire un seul roman mais plutôt dix. Il est en effet divisé en 10 parties plutôt indépendantes, comme autant de petits romans ou de grosses nouvelles. Ce que sa taille lui permet puisqu'il fait plus de 1000 pages. Autant dire qu'il faut du temps devant soi pour espérer parvenir au bout. Les récits n'ont en réalité qu'un seul point commun. Les personnages de chacun d'entre eux sont censés être la réincarnation des personnages du premier. Sauf qu'ils changent de sexe, de nationalité, de religion (1). Et c'est bien ce qui rend chaque histoire différente de toutes les autres. L'inconvénient, on l'aura vite compris ou au moins supposé, est que la qualité n'est pas constante. Certains récits sont très prenants, d'autres beaucoup moins. En revanche, tous ont en commun d'être d'assez, voire très bavards. Le thème central de l'ensemble étant les religions, il en est évidemment beaucoup question et les personnages n'hésitent pas à en parler et à en parler beaucoup. Ou de croyances, de traditions, de culture, de philosophie. Enfin ils parlent. Du coup, l'action s'en ressent forcément. Il y en a même de moins en moins au fur et à mesure que l'on avance dans l'ouvrage du fait même que chaque partie se déroule plusieurs dizaines d'années après la précédente et la civilisation gagne du terrain face à la barbarie. Enfin en principe. Les occasions d'aventures sont de moins en moins nombreuses. Cependant, pour être tout à fait honnête, les personnages ont rarement une vie confortable de bourgeois bien rangés. Ou s'ils sont bourgeois c'est un poil rebelles quand même. Ils ont comme point commun d'être souvent en butte à l'autorité du lieu. Du coup, même si on n'assiste que rarement à des combats ou des batailles, on est amené à s'intéresser à la lutte, plus feutrée, plus sournoise, mais tout aussi violente, de ces gens qui ont le malheur de ne pas partager entièrement les croyances ou convictions officielles.
C'est d'ailleurs beaucoup de ça qu'il est question tout au long des mille pages. Des vilains petits canards. De ceux qui refusent d'entrer dans le moule ou qui ne peuvent tout simplement pas y entrer parce qu'ils ont d'autres conceptions du monde. L'univers développé par Robinson est une sorte d'uchronie. Il a imaginé une histoire différente de celle que nous connaissons. Le point de divergence se situe quelque part au 14ème siècle. Il suppose qu'alors, la quasi totalité de la population de l'Europe à été ravagée par la peste (ce qui a bien failli se produire). Fin du christianisme donc et place aux autres religions et doctrines. A partir de là l'auteur imagine comment le monde aurait pu évoluer autour de nouvelles puissances comme l'Islam, la Chine, l'Inde ou le peuple Hodenosaunee, une magnifique peinture de ce qu'aurait pu être le peuple amérindien (sauf que dans cette réalité alternative, pas de "fausse" Inde et pas d'Amerigo Vespucci (2), donc pas d'indiens d'Amérique autrement dit d'amérindiens). Il nous montre sa vision de l'évolution de l'humanité dans cette perspective et nous invite à croire qu'elle n'aurait pas été si différente que celle que nous avons connue. Ni meilleure ni pire. Ne serait-ce qu'au niveau des sciences qui se développent, dans ce monde imaginé, au même rythme que dans le réel. Même si les religions n'ont jamais été vraiment un moteur pour le développement des sciences. Doux euphémisme. On sait le mal considérable que le christianisme en Europe à fait au développement de la pensée scientifique (Galilée, Copernic, Newton, Darwin ... pour ne citer que les cas les plus connus). Même aujourd'hui, les créationnistes (3) reprennent du poil de la bête, notamment aux Etats-Unis.
Un monde ni meilleur ni pire, disais-je donc. On pourra alors s'interroger sur la traduction française du roman de Robinson. The Years of Rice and Salt (Les Années du Riz et du Sel) devenu Chroniques des Années Noires, comme si un monde sans la présence et l'influence d'une Europe chrétienne était forcément noir. Troublant, pour le moins.
Voilà donc un roman très étonnant qui m'a laissé d'abord un sentiment assez mitigé. Je ne me suis pas montré très, très convaincu en fin de lecture. Toutefois, force m'a été de constater qu'à aucun moment, malgré le millier de pages à lire, je n'ai montré de réelles difficultés de lecture ou d'ennui. Le tout ne se dévore pas, bien entendu. Mais il se savoure lentement et laisse des traces indélébiles dans notre esprit. Et plus le temps passe, plus s'impose le sentiment que l'on vient de lire une merveille. Je n'aurais peut-être pas montré le même enthousiasme quelques jours seulement après avoir tourné la dernière page. Si j'ai un conseil à donner, c'est peut-être de ne pas entreprendre la lecture de ce monstrueux objet littéraire comme un simple roman de plus de fantasy. Mais (presque) comme une œuvre philosophique. Bien plus divertissante cependant.

(1) Ils ne conservent que l'initiale de leur prénom. Je le dis parce que je ne l'avais pas remarqué au début, il a fallu qu'on me le dise (merci Vert), et c'est tout de suite moins pratique pour suivre, quand on l'ignore.
(2) C'est à partir du prénom d'Amerigo Vespucci que fut créé le terme d'Amérique.
(3) Le créationnisme est une doctrine selon laquelle l'homme et toutes les espèces animales sont les fruits de la création de l'Univers par un dieu.

mercredi 25 août 2010

Le chemin des ombres - Jérôme Noirez

Quatrième de couverture
Depuis la disparition de ses parents, il revient à Amaterasu de diriger le clan Isanami. Charge d'autant plus lourde pour la jeune femme que la reine Himiko et ses armées implacables se massent aux portes du village, et que son frère, Susanowo, s'est exilé dans la forêt. On le dit fou, violent, pétri de haine à l'égard de sa sœur... et prêt à commettre l'irréparable. Sous l'influence de leur mère, devenue souveraine du royaume des morts, qui nourrit le projet macabre de réunir sa famille par-delà les frontières de la vie, Susanowo kidnappe Amaterasu. Commence alors pour les deux adolescents un voyage qui les emmènera bien plus loin qu'ils n'auraient pu l'imaginer...

S'il existait des romans zen, et d'ailleurs sans doute en existe-t-il, Le chemin des ombres en ferait partie à coup sûr. Tant il est vrai qu'ici tout semble tendre vers une forme de dépouillement, de minimalisme, qu'on attribue souvent, à tort ou à raison, à cette philosophie d'extrême-orient. Mais qui dit minimalisme ne dit pas piètre qualité. Au contraire. Tout d'abord le texte est très court, à peine plus de 180 pages qui rendent sa lecture plus rapide et agréable que celle des pavés auxquels nous sommes accoutumés. Le style est fluide, d'une fluidité comme j'en ai rarement rencontré en fait, mais sans être indigent. Loin de là. Simplement, le discours va à l'essentiel, débarrassé de toutes fioritures. Zen, quoi. Du coup, ne vous attendez pas à de longues descriptions qui vont vous plonger dans le japon médiéval. L'accent est mis sur l'histoire et les personnages.
Une histoire qui a tout d'un conte et qui peut même faire songer, par instants, à Alice au pays des merveilles. On y croise en effet des créatures au moins aussi étranges que le Lapin Blanc, le Chat du Cheshire ou autres Lièvre de Mars. Mais il est également question d'une tragédie familiale, d'une guerre de conquête, de courage, d'honneur, de dévouement et d'amour bien sûr. Amour filial, fraternel.
Les personnages sont assez peu nombreux. Juste assez en réalité pour n'être pas si mal traités dans les peu nombreuses pages qui leur sont accordées. Il y a la jeune fille, courageuse mais sans défense, le frère plus inquiétant que vraiment antipathique, le vieux soldat fidèle et quelques autres.
Je n'avais encore jamais lu de Noirez et je dois reconnaitre avoir fait une agréable découverte. A lire sans hésiter donc, entre deux sagas de 25 volumes.

lundi 16 août 2010

Les Dossiers Dresden, tome 1 - Jim Butcher

Présentation de l'éditeur
Tous les bons magiciens s'appellent Harry, et Harry Dresden est le meilleur. Techniquement, c'est même le seul dans sa " catégorie " : lorsque la police de Chicago est sur une affaire qui la dépasse, c'est vers lui qu'elle se tourne. Car notre monde regorge de choses étranges et magiques... et la plupart ne s'entendent pas très bien avec les humains. La magie, ça vous flingue un gars en moins de deux !

Tous ceux qui auront lu la présentation de l'éditeur l'auront compris, ce roman est issu du mariage du polar et de la fantasy. Et comme souvent, lors de mariage entre deux genres très marqués, l'un doit faire des concessions à l'autre quand ce ne sont pas les deux qui s'affadissent au contact l'un de l'autre. Je m'étais révélé incapable de venir à bout du premier épisode de Garrett, détective privé qui lui aussi liait polar et fantasy. Ici encore, avec Dresden, pas de vrai miracle. Le fantastique est vraiment le parent pauvre de l'association et même s'il est question de magie tout du long du roman, paradoxalement, Dresden pourrait être un homme ordinaire sans que cela changeât grand chose au récit, qui prend du coup de vrais allures de polar. Las, pas un excellent polar, malheureusement. Le héros, Dresden, est une sorte de détective, énième réincarnation des mythiques Sam Spade ou Philip Marlowe. D'où un nombre non négligeable de clichés du genre. De plus, même si je dois bien reconnaître que la magie est omniprésente, elle est ici, plus que jamais, simplement une caractéristique de certains personnages. Comme il pourraient être doués au pistolet, avoir du flair ou bons à la bagarre. Qui plus est, l'intrigue n'a rien pour vous faire tomber la mâchoire inférieure, béat d'admiration.
Pourtant, pour dire la vérité, il me faut bien reconnaître que le roman se lit facilement et même sans déplaisir. Le héros est sympathique. Il n'a rien d'invulnérable et même si sa magie est puissante, elle demande souvent des conditions d'exercice parfois difficiles à réunir. L'humour est très présent, le rythme soutenu. En clair un bon petit roman sans prétention, qu'on peut rapprocher de la série des Vlad Taltos (même si Dresden se situe dans notre monde), sauf que les aventures du détective de Chicago laissent un sentiment de plaisir plus grand et plus durable.
Si j'avais le tome 2 sous la main, je le lirais sans aucun doute avec un certain plaisir mais je n'irais probablement pas le chercher dans la pluie, le vent ou le froid dans ma librairie préférée. Un bon roman pour l'été. Ce n'est déjà pas si mal.

dimanche 15 août 2010

Les Mages de Sumer - Michel Pagel

Présentation de l'éditeur
3200 avant Jésus-Christ à Sumer, à l'époque de l'invention de l'écriture. Deux frères - les mages Alad et Eneresh - reçoivent des dieux le don de l'immortalité. Croyant avoir élimi né Alad, Eneresh gravit les échelons du pouvoir jusqu'à devenir le personnage le plus puissant de Sumer, après le roi. Alors qu'il fomente un coup d'Etat avec l'aide de la fille du souverain, devenue sa maîtresse, Eneresh va devoir faire face à un adversaire inattendu : son frère. Ce dernier a été secouru par les seuls êtres qui échappent au contrôle des dieux : les esprits féeriques des pierres, de l'air ou de l'eau, qui lui ont enseigné une autre magie, et ont fait de lui leur champion pour la lutte dantesque qui s'engage...

J'étais persuadé n'être pas très objectif concernant un roman portant sur Sumer, la Mésopotamie. Je suis en effet depuis des années fasciné par ce pays, son peuple, son histoire.
C'est vous dire l'ampleur de ma déception. En dehors du style, simple et agréable à lire, rien ne m'a convaincu dans ce roman. Même le cadre, pourtant propice à provoquer sur mon visage l'apparition d'un sourire ravi, ne m'a pas semblé pleinement réussi. Les images que mon imagination a générées doivent davantage à mes lectures documentaires passées qu'au roman. Un comble. Certes, j'ai vu Uruk, Ur, le palais de Lugalzagesi, celui de Sargon, mais simplement parce que j'y étais déjà allé. Ce n'est pas Michel Pagel qui m'y a emmené.
L'histoire, quant à elle, n'a rien de bien révolutionnaire. Les deux frères qui d'abord s'aiment plus que tout au monde vont finir par s'affronter tout ça parce que l'aîné veut devenir calife à la place du calife. Rien de bien nouveau sous le soleil. Le synopsis tiendrait sur un ticket de métro. Même quand l'auteur cherche à innover en abordant les coutumes de l'endroit et de l'époque, à l'exemple du substitut royal (1), rite pourtant fort intéressant, il ne parvient pas à être vraiment captivant. Cela ressemble davantage à du remplissage.
Le récit est en outre ponctué de poncifs, de clichés, de maladresses. Exemple entre autres de cette femme, violée, et qui non seulement ne garde pas plus de séquelles que ça de son agression seulement quelques heures mais nous avons droit à des clichés machos comme : limite, elle y a pris du plaisir; cela l'a rendue plus forte. Ben voyons.
On a également la désagréable impression, d'autant qu'on ne s'y attend pas forcément, de lire de la littérature jeunesse. Je n'ai rien contre cette littérature, puisqu'il faut bien que les jeunes lisent pour devenir des lecteurs adultes et de plus j'en lis moi-même. Mais dans un roman qui a toute l'apparence d'être destiné à un public adulte, un tel changement de ton ajoute un côté naïf assez risible. Je pense notamment à la scène dans la salle du trône de Sargon, qui n'est rien de moins que le futur roi d'Akkad et de Sumer (en gros toute la Mésopotamie) et qui se comporte comme un gamin crédule.
Parlons d'ailleurs des personnages. Je les ai trouvé, pour ma part, sans épaisseur et assez transparents. Sans intérêt. Les méchants qui sont les moins ratés manquent déjà de présence et de charisme. Mais que dire des gentils ? Et en particulier du héros, Alad ? Michel Pagel a voulu en faire un homme sans courage. Ma foi, l'idée est bonne. Cela nous change des héros intrépides. Mais il force tellement le trait qu'il finit par en faire un personnage couard, pleurnichard et qui se fait même voler la vedette par d'autres. Ce roman serait un film, je serais tenté de dire que les acteurs y jouent sans conviction.
Mais plus que tout ce que je pourrais dire, le principal défaut du roman est probablement son manque d'âme, de passion, d'un simple intérêt. C'est bien ce qui m'a frappé tout au long de la lecture. Je ne me suis pour ainsi dire jamais intéressé au sort des personnages (pour être honnête, un peu tout de même de la jeune femme violée que j'ai déjà évoquée). Cette œuvre m'est apparue comme un travail de commande que Michel Pagel aurait exécuté sans passion.
J'avais également tenté, du même auteur, Le roi d'août, qui abordait la vie de Philippe Auguste en y ajoutant une touche de fantastique, mais j'ai dû l'abandonner rapidement. Pour autant, j'avais beaucoup aimé Les flammes de la nuit. Et si Pagel n'était tout simplement pas aussi bon dans les romans (pseudo)-historiques ?

Je vous invite à lire, pour vous faire une idée différente, la chronique, à l'opposé de la mienne, de l'ami Gromovar. D'après lui, il est préférable de lire la suite, Les mages du Nil, pour avoir un meilleur point de vue de l'œuvre. Mais, merci, non merci.


(1) Rite au cours duquel un homme prenait temporairement la place du roi pour subir à sa place d'éventuelles malédictions.

mardi 6 juillet 2010

La malédiction de l'anneau, tome 1 - Edouard Brasey

Les chants de la walkyrie

Quatrième de couverture
Odin le dieu suprême, a engendré sur terre la puissante lignée des rois du Frankenland, les seuls à pouvoir perpétuer l'étincelle divine qui sommeille au cœur des hommes. Mais Frigg, l'épouse d'Odin, frappe la reine du frankenland se stérilité. Odin fait alors appel à brunehilde, la Walkyrie chargée de recueillir le dernier souffle des guerriers valeureux pour les conduire au paradis du Walhalla, afin qu'elle apporte à la reine l'une des pommes d'éternelle jeunesse qui poussent dans le verger de Freya. Pour accomplir sa mission, Brunehilde doit abandonner son statut de déesse et de vierge guerrière ...
Les
Chants de la Walkyrie est le premier volume de La Malédiction de l'anneau, une saga foisonnante au souffle épique et héroïque, inspirée des anciennes mythologies et légendes nordiques.

Lorsqu'on est, comme moi, passionné par la mythologie, les mythes et légendes, les panthéons de tous les continents, les récits fondateurs de la littérature de l'imaginaire et que de surcroit on doit avouer beaucoup de lacunes au sujet des légendes nordiques et germaniques, on est fatalement tenté de lire le livre d'Edouard Brasey. Quand on sait, de plus, que ces légendes d'Europe du nord ont largement inspiré Tolkien pour Le Seigneur des Anneaux et par conséquent une bonne partie de la littérature fantasy, on est très impatient d'en apprendre davantage.
Et c'est ainsi que je suis parti faire la connaissance d'Odin et de son fidèle mais encombrant compagnon Loki, des Walkyries, des Ases, des Nornes et autres Nibelungen. Que j'ai traversé l'Asgard, le Midgard ou le Walhalla. Que j'ai entendu parler de l'Anneau d'Andvari, des Pommes d'éternelle jeunesse et du Trésor des Nibelungen. Bien sûr, tout cela me disait bien quelque chose, mais j'avais l'impression d'avoir affaire aux pièces éparpillées d'un immense puzzle plutôt qu'à un tableau cohérent. Grâce au livre de Brasey, chaque élément a (re)trouvé sa place et j'ai pu enfin savourer l'histoire dans son ensemble.
Le style de Brasey est simple et sans fioriture. A peine voit-on fleurir, ici ou là, quelque imparfait du subjonctif de bon aloi. Les descriptions sont réduites à leur plus simple expression et la priorité est donnée à l'action. Peut-être aurais-je préféré quelque chose de plus littéraire, mais s'agissant de récits probablement de tradition orale, le style est parfaitement adapté.
Les personnages et en particulier ceux des dieux, sont étonnants et loin de l'image que l'on se fait d'eux habituellement. Odin, qui est tout de même le dieu suprême, est non seulement manipulé par Loki, le génie du Feu et de la Ruse, mais il n'ose pas discuter l'autorité de son épouse Frigg, déesse des Serments et des Liens du Mariage. Et il en va de même pour tous ceux que l'on rencontre au long du récit comme par exemple Brunehilde, fille d'odin, la walkyrie qui n'a rien de la géante guerrière qui vit dans l'imaginaire populaire.
Petit clin d'œil au passage : nous découvrons dans ce premier tome deux corbeaux qui rappelleront à ceux qui les connaissent, deux sympathiques blogueurs. J'ai nommé Hugin et Munin, la Réflexion et la Mémoire, les messagers d'Odin.
Ce premier tome de La Malédiction de l'Anneau ravira sans aucun doute les amateurs de légendes ainsi que tous ceux curieux de mieux connaître les inspirations de Tolkien.

lundi 28 juin 2010

Le royaume de Tobin - Lynn Flewelling

Quatrième de couverture
Dans le royaume de Skala régi par des reines-guerrières, le prince Erius s'empare du pouvoir et élimine toutes les prétendantes au trône, sauf une, sa sœur enceinte de jumeaux. À leur naissance, deux mages et une sorcière sacrifient l'enfant mâle et transforme la petite fille en lui donnant l'apparence de son frère mort. C'est le seul moyen d'assurer l'avenir du royaume désormais ravagé par les épidémies, les famines et menacé par de puissants ennemis. Élevée comme un garçon, Tobin grandit en ignorant sa nature et sa véritable destinée.

Alors, sachez d'emblée que cette saga est un véritable coup de cœur pour moi. Non seulement parce que j'en ai beaucoup aimé faire la lecture, ce qui est la moindre des choses que l'on peut supposer d'un coup de cœur, mais également parce que je me suis lancé dans cette trilogie sans en rien savoir, simplement guidé par mon instinct, qui est loin d'être infaillible. Mais cette fois-ci, il a bien fonctionné. Je me fais l'effet d'être un chercheur d'or qui découvre, au milieu d'un tas de cailloux sans intérêt, une pépite.
J'ai été tenté d'établir une comparaison entre l'œuvre de Flewelling et celle de Robin Hobb. Mais j'ai vite compris les limites d'un tel exercice. L'un des seuls vrais points communs entre les deux auteures c'est d'être des femmes. Et, à moins d'être persuadé qu'il existe une littérature féminine à opposer à une littérature masculine, sans aucun pont entre les deux, cela fait bien mince. Tout juste pourra-t-on dire que, à l'instar de Hobb, Flewelling a le souci du détail, le goût de la description et un certain talent à nous livrer les secrets les plus intimes de ses personnages. Mais, n'en dirions-nous pas autant de Georges Martin ? La comparaison devra sans doute s'arrêter là. D'ailleurs, ne comptez pas sur moi pour vous garantir qu'ayant aimé ce qu'écrit Hobb vous aimerez cette saga de Flewelling, ni que, ayant détesté les textes de l'une vous détesterez ceux de l'autre. Je ne pourrais rien vous conseiller d'autre que de tenter l'aventure et je vais tâcher de vous donner dans les lignes qui suivent des éléments susceptibles de vous aider à vous décider. Ou pas.
Et pour commencer, j'invite tous ceux qui : aiment les grandes batailles épiques, préfèrent l'action aux dialogues, ne peuvent envisager un roman de fantasy sans sa cohorte de gros bourrins dopés à la testostérone; j'invite tous ceux-là à passer leur chemin. Et a lire du Gemmell.
Parce que en héros viril, Tobin ne fait pas tout à fait l'affaire. Puisque c'est une fille transformée, par sorcellerie, en garçon. C'est l'une des bonnes trouvailles de Flewelling et qui lui permet d'aborder nombre de sujets comme : l'identité, la confusion des sexes, l'ambigüité des sentiments, l'homosexualité, la sexualité, le poids du secret ...
Mais si Tobin est incontestablement le héros (héroïne) de l'histoire, il n'en est pas moins accompagné d'une galerie, ma foi bien étoffée, de personnages. On pourrait se croire (presque) dans Le Trône de Fer. Et cela ajoute incontestablement beaucoup de réalisme à la série. Car autant on ne peut imaginer l'histoire d'un royaume sans son roi ni ses nobles, autant on ne peut l'imaginer non plus privé de ses écuyers, de ses pages, de ses capitaines d'armée, de ses domestiques ... Et c'est ainsi qu'une pléthore de personnages prennent vie sous la plume de Flewelling. Le casting est assez impressionnant.
En particulier pour certains groupes bien fournis et dans lesquels quelques personnages ne jouent qu'un rôle secondaire mais dont la présence donne beaucoup de corps au récit. Je pense notamment aux Compagnons du Roi ou à l'Orëska (sorte de fédération des magiciens).
Aucun des personnages n'est tout à fait blanc ou tout à fait noir. La plupart d'entre eux ont une part d'ombre, ne serait-ce qu'infime. D'ailleurs, certains parmi les "gentils" ont des choses à cacher. Même Tobin, qui est en apparence le type parfait du héros positif, montre parfois sa détermination de façon musclée et peut, à l'occasion, se révéler impitoyable. Seul petit bémol dans la composition des personnages, j'ai trouvé que le principal "méchant" n'était pas assez présent. Même si ses manigances ont des conséquences manifestes. On pourrait croire que Flewelling ne s'est pas assez intéressé à un personnage aussi noir. Elle a sans doute préféré montré comment ses agissements sont de nature à pervertir la meilleure part des personnages que sa malveillance à pris pour cible.
Quant à l'histoire en elle-même, elle bénéficie de quelques jolies trouvailles de l'auteure qui lui confère une certaine originalité même si, dans l'ensemble, par bien des aspects, elle reste classique. Il y a essentiellement ce dont j'ai déjà fait mention, à savoir la métamorphose, dès sa naissance, de Tobin, devenue un garçon. Les premières conséquences sont tout d'abord les problèmes d'identité de Tobin qui, ignorant tout des circonstances exactes de sa naissance, est persuadé d'être un garçon. Sauf qu'il a très envie de jouer à la poupée ce qui est bien perturbant, surtout lorsqu'on a un père qui le prend très mal. Deuxième conséquence assez indirecte mais néanmoins d'importance, c'est l'existence de l'esprit malveillant du frère sacrifié de Tobin et qui ne cessera de le hanter. Entre ces secrets qui pourrissent la vie de pas mal de gens et ce fantôme encombrant, l'atmosphère du roman se révèle finalement assez lourde. Pour le coup, on est assez loin de la (relative) légèreté des écrits de Hobb. Sans compter que la révélation du véritable sexe de Tobin pourrait lui coûter la vie, le roi en place étant prompt à se débarrasser de toute sa parentèle féminine.
L'écriture de Flewelling est agréable et sa lecture est déconcertante de facilité. La traduction est assurée par Jean Sola celui-là même qui a assuré la traduction du Trône de Fer. Je sais que d'aucuns n'apprécient pas son travail. Tout juste pourrais-je lui reprocher, dans le Flewelling, l'usage de termes familiers, très familiers, voire argotiques, tant dans le texte que dans certains dialogues et qui sonnent un peu faux, qui n'ont pas l'air d'être à leur place. J'ai l'intuition (mais aucune certitude) que le texte original ne présente pas la même familiarité. Mais en dehors de ces écarts de langage, le texte français m'a semblé plutôt réussi.
Même si, ainsi que j'ai déjà pu le dire, l'action n'est pas vraiment au cœur du roman, il n'en est cependant pas dénué et les scènes de combat ou de bataille, si elles sont assez rares, sont à chaque fois parfaitement bien rendues et, ce qui n'est pas si fréquent, assez faciles à suivre. En tout cas, il se passe toujours quelque chose au royaume de Tobin, même si ce n'est parfois que dans les têtes des personnages. L'auteure nous gratifie en outre de surprises assez nombreuses, les évènements prenant souvent des tournures inattendues et bon nombre de personnages disparaissant prématurément au regard des codes habituels. Le moins qu'on puisse dire, c'est que le récit est tout sauf convenu.
En résumé, Le royaume de Tobin est une œuvre forte, belle, intelligente mais aussi sombre et pas dépourvue de violence. Agrémentée d'une magnifique galerie de personnages fort attachants ou diablement détestables. Et si, tout compte fait, Flewelling ne se rapprochait pas tant d'une Robin Hobb que d'un Georges R.R. Martin ? Je sais, c'est gonflé ce que je dis, mais j'assume. Je ne suis pas sûr d'avoir trouvé les mots pour rendre le plaisir que j'ai eu à lire cette histoire et c'est dans un moment comme celui-ci que je prend véritablement conscience des limites de l'exercice que je m'impose à chacune de mes chroniques. Qu'il est difficile de traduire en termes les plus objectifs possibles les sentiments, si subjectifs par nature, que nous a procuré la lecture d'un livre. Voilà, j'ai aimé. Beaucoup. Que dire de plus ?

Ah bah si. Que c'est une trilogie en six volumes (cherchez l'erreur. Merci encore aux éditeurs français) et que ça n'a donc rien d'insurmontable à lire.

dimanche 27 juin 2010

La prophétie du royaume de Lur, tome 1 - Karen Miller

Quatrième de couverture
Au royaume de Lur, une immense barrière magique protège les habitants des ravages du sorcier Morg depuis six cent ans.
Les Doranens gouvernent le royaume grâce à la magie, tandis que les Olkens ont interdiction de l'utiliser ... sous peine de mort.
Le jeune Asher a quitté sa famille de pêcheurs pour faire fortune à Dorana, la capitale. Très vite, il devient l'assistant du prince Gar et apprend la vie de château. Ses origines modestes et sa gouaille lui valent l'inimitié de bon nombre de nobles à la cour. Heureusement dans l'ombre, ses amis veillent sur lui. Ils font partie d'une confrérie secrète qui attend l'avènement d'un mage innocent qui sauvera Lur des derniers jours. Mais Asher a déjà bien du mal à éviter les pièges que lui tend, jour après jour, l'entourage de la famille royale.

J'ai hésité avant de faire la chronique de ce livre. Après tout, je n'ai lu que 118 pages sur les 740 que comprend ce premier tome. Mais ces 118 pages ont été amplement suffisantes pour me convaincre que ce roman n'était pas fait pour moi. Loin s'en faut. Alors je me dis que si par hasard, quelqu'un passant dans le coin et qui partagerait avec moi un minimum d'exigence (parce que franchement je peux aussi me montrer très conciliant) et qui serait, de surcroit, tenté par l'aventure (personne n'est à l'abri d'un moment de faiblesse : fatigue, extrême euphorie ou au contraire désespoir profond ...), mérite que je l'avertisse de ce qui l'attend avant que de commettre l'irréparable.
Parce que ce roman possède au dernier degré LE défaut pour lequel j'ai le moins d'indulgence : l'invraisemblance. Pourtant, dirons certains qui lisent avec assiduité mes chroniques, vous fîtes preuve de tolérance, voire de complaisance, face à des œuvres peu soucieuses de crédibilité. Sans doute. Mais il a fallu, soit que le manque de vraisemblance reste à un niveau acceptable, soit qu'il soit contrebalancé par des qualités supérieures qui permettent de fermer pudiquement les yeux (bonne histoire, personnages attachants ...).
J'ai bien peur que dans le cas qui nous occupe, rien ne vient sauver l'entreprise d'une certaine mièvrerie. Et c'est la mâchoire serrée, le ventre en vrille, les mains tremblantes que je suis parvenu à venir à bout de ces quelques cent pages. Jusqu'au moment où je me suis avéré incapable d'aller plus loin.
Mais jugez-en par vous-mêmes.
Or donc Asher, jeune pêcheur qui n'a jamais quitté son village natal, débarque à la capitale sans un sou en poche. Il lui faut d'urgence un travail. Par un heureux hasard, c'est ce jour-là qu'il croise la route du prince des lieux qui traverse le marché à cheval. Cheval qui choisit ce moment précis pour se cabrer (trop fort le cheval). Asher, qui n'a pour ainsi dire jamais approcher un cheval de sa vie, parvient à maîtriser l'animal (trop fort Asher). Et malgré son insolence (celle d'Asher, pas du cheval), le prince lui offre un travail (trop fort le prince). Dans les écuries, cela va de soi. Comme il va de soi que Asher se révèle non seulement compétent avec les chevaux mais de surcroit, un excellent cavalier.
Ca va, vous n'êtes pas trop énervés ? Je continue ?
Asher continue donc son petit bonhomme de chemin. Faisant montre de la même insolence à peine croyable. Non, pas croyable du tout à vrai dire. Je ne suis pas très pointilleux quand il s'agit de respect, mais à la place du prince, il y a belle lurette que je l'aurais fait exécuter, le drôle. Mais non, au lieu de ça, son altesse demande un beau jour à Asher de l'accompagner. Et pour aller où, je vous le demande ? Ni plus ni moins qu'à la cour de justice du prince, où ce dernier demande, à la fin de l'audience, l'avis de notre pêcheur.
Bon je sais pas vous, mais pour moi, cela a été la goutte d'eau qui met le feu aux poudres, l'étincelle qui fait déborder le vase (1).
C'est ainsi qu'ayant atteint le seuil au-delà duquel j'étais incapable d'aller, je décidai d'arrêter là. D'autant que le texte ne possède aucune qualité propre à autoriser une lecture plus poussée. En dehors d'un style facile à lire (mais comme 90% de la production fantasy), les personnages ne sont pas particulièrement attachants.
A éviter donc, encore une fois de mon point de vue. A moins qu'on apprécie particulièrement des Terry Goodkind ou autres Mercedes Lackey.

(1) Ceux qui seraient tentés de me dire :"non, c'est le contraire", peuvent lire La prophétie du royaume de Lur. Ils sont mûrs.