lundi 29 avril 2019

L'Espace d'un An - Becky Chambers

Résumé :
Rosemary, jeune humaine inexpérimentée, fuit sa famille de richissimes escrocs. Elle est engagée comme greffière à bord du Voyageur, un vaisseau qui creuse des tunnels dans l'espace, où elle apprend à vivre et à travailler avec des représentants de différentes espèces de la galaxie : des reptiles, des amphibiens et, plus étranges encore, d'autres humains. La pilote, couverte d'écailles et de plumes multicolores, a choisi de se couper de ses semblables ; le médecin et cuistot occupe ses six mains à réconforter les gens pour oublier la tragédie qui a condamné son espèce à mort ; le capitaine humain, pacifiste, aime une alien dont le vaisseau approvisionne les militaires en zone de combat ; l'IA du bord hésite à se transférer dans un corps de chair et de sang... Les tribulations du Voyageur, parti pour un trajet d'un an jusqu'à une planète lointaine, composent la tapisserie chaleureuse d'une famille unie par des liens plus fondamentaux que le sang ou les lois : l'amour sous toutes ses formes. Loin de nous offrir un space opera d'action et de batailles rangées, Becky Chambers signe un texte tout en humour et en tendresse subtile. Elle réussit le prodige de nous faire passer en permanence de l'exotisme à la sensation d'une familiarité saisissante.


Le premier adjectif qui me vient à l'esprit en pensant à ce roman c'est : frais. C'est du space opera frais. Comprenez : léger, sans prétention, tendre, sans violence (quoique). Frais, quoi. Un internaute évoquait à son sujet : le petit vaisseau dans la prairie. C'est pas faux. Mais là où l'auteur de ces mots mettait sans doute un peu d'ironie mordante, voire acide, j'y mets, moi, de la sympathie, voire de l'affection.
J'ai adoré ce space opera atypique. A-do-ré. Qu'est-ce que ça fait du bien dans le monde de violence que nous habitons. Alors certes, certains diront qu'il ne se passe pas grand chose dans ce roman et que les personnages ont tout de bisounours. Pourquoi pas ? D'accord, tout est centré sur les personnages, leurs désirs, leurs joies, leurs peines, leurs difficultés et l'intrigue passe au second plan. Figurez-vous que c'est ça que j'aime dans un roman, les personnages. Et bon sang, qu'est-ce qu'ils sont attachants ! 
En dehors de ça, en principe, je ne suis pas fan du tout des œuvres qui dégoulinent de bons sentiments. Ou bien il faut que ce soit bien fait et crédible. Et là, c'est joliment construit et c'est très crédible. Crédible en effet que les membres d'un même vaisseau, même appartenant à des races différentes, contraints de passer des mois, voire des années entières ensemble, finissent par former une famille unie ou règne la bienveillance. Et puis, pour renforcer cette crédibilité, il y a bien quelques moments de tensions inévitables entre les membres de l'équipage. Sans parler d'un spécimen assez réussi de type plutôt antipathique.
Donc, finalement, rien à redire sur l'aspect que d'aucuns pourraient trouver un peu trop lisse, un peu trop gentil des personnages. Ils sont parfaits comme ils sont. D'autant qu'on découvre que ce ne sont pas des héros, loin de là. Face à un danger soudain et inattendu, ils se comportent comme la plupart des gens ordinaires. Ils tremblent de peur. Et cela ne fait que renforcer leur proximité avec nous.
Pour ce qui est de l'action, comme je l'ai évoqué, il ne se passe pas énormément de choses, c'est vrai. Malgré tout, la lecture est loin d'être ennuyeuse. L'auteure s'intéresse à chaque personnage, à tour de rôle, lui consacrant des chapitres entiers dont il est le centre d'intérêt.
L'essentiel est ailleurs. Dans un discours subtil, ni moralisateur, ni prosélyte, sur l'écologie, la tolérance, l'amour... Dans un monde de plus en plus déserté par ces valeurs, cela fait beaucoup de bien.
Si vous êtes comme moi, que vous aimez les récits un peu trash, remplis de personnages border line, mais que vous ne dédaignez pas, de temps en temps, de lire un roman résolument optimiste, en tout cas, positif, pour peu qu'il soit bien écrit, ce livre est fait pour vous.

Très bon

jeudi 25 avril 2019

La Flotte Perdue - Jack Campbell

Résumé :
La série se déroule sur plus de cent ans dans une guerre interstellaire entre deux cultures humaines différentes, l'Alliance et les Syndics. (Wikipedia)

Tome 1 : Indomptable
C'est une guerre interstellaire de cent ans, et la défaite est proche désormais. L'armada qui devait décapiter l'ennemi au cœur même de son empire est désormais prise au piège, mutilée. Ne reste-t-il pour la sauver que ce capitaine émergé d'un siècle d'hibernation et dont l'histoire a retenu le sacrifice héroïque aux premiers temps du conflit ? " Black Jack " Geary est devenu une légende, une icône révérée dans toute l'Alliance et sa flotte. Comment l'homme lui-même, revenu du passé, pourrait-il se hisser a la hauteur du mythe ? Parmi ces jeunes capitaines dont les usages tournent le dos aux traditions d'autrefois, et qui hésitent entre méfiance et idolâtrie, comment sauver la flotte perdue et la ramener a bon port ? Car l'Indomptable, son vaisseau amiral, cache a son bord un secret décisif volé a l'ennemi, capable d'enrayer une défaite inéluctable.

Bon, ne tournons pas autour du pot, La Flotte Perdue est un space opera militaire. Plus militaire, tu meurs (si je puis dire). Même Starship Troopers ressemble à un livre pour enfants à côté. Un Martine dans les étoiles.
Jugez plutôt. Le Capitaine John Geary s'est donné pour tâche, un peu à l'insu de son plein gré, de ramener au sein de l'Alliance les restes de la flotte décimée par l'ennemi Syndic. Le seul souci, de taille, c'est que ladite flotte est en plein territoire ennemi et que pour en sortir, il va falloir traverser des dizaines de système solaires hostiles. 
D'où des combats spatiaux à chaque tome. On pourrait craindre que l'accumulation rende le récit un peu répétitif. Ce n'est pas vraiment le cas. D'abord parce que la problématique à laquelle est confronté Geary est différente à chaque fois et ensuite parce qu'il a à faire face en interne à une hostilité presque aussi forte que celle que lui oppose l'adversaire. Et gagner des batailles avec des commandants de vaisseau au mieux indisciplinés, au pire désireux de faire tomber le chef, ce n'est pas de la tarte.
Il faut dire que Geary est resté en état d'hibernation pendant un siècle, et le moins qu'on puisse dire, c'est que la conception de l'honneur dans la flotte de l'Alliance, a bien changée en 100 ans. Le mot d'ordre est devenu tuer ou être tuer (voire des civils), à tout prix. Ce qui se traduit le plus souvent par la stratégie : on fonce et on réfléchit après. Dès lors, le plus gros boulot du boss, va être de ranimer dans l'esprits de ses officiers les vieux principes. Et calmer les ardeurs suicidaires.
Cette situation permet à l'auteur de développer, en marge des batailles qui par ailleurs sont superbement décrites, de nombreuses intrigues et complots. Le tout servi par des dialogues entre les personnages que je trouve particulièrement réussis. Le style étant, par ailleurs, l'une des grandes forces de la saga.
Et en parlant des personnages, il est à noter que bon nombre des commandants de vaisseau, et d'une façon générale, bon nombre des personnages d'importance, sont des femmes. Des femmes intelligentes, compétentes, fortes, courageuses... Une saga militaire, certes, mais pas machiste.
Ceci étant dit, je déplorerais malgré tout un défaut dans le récit. Il est à mon goût un peu trop centré sur le Capitaine Geary. Loin d'être un récit choral, la série relate avant tout le point de vue de son héros. L'écriture aurait été faite à la première personne, ça n'aurait pas changé grand chose. J'imagine que l'auteur a voulu se focaliser sur le seul individu ayant connu le début de la guerre, le seul qui ait été éduqué avec les anciens principes d'honorabilité inculqués aux spatiaux. Si tant est qu'une guerre puisse être honorable. L'idée se défend, mais du coup, tous les personnages secondaires sont un poil plus ternes que Geary. 

Mais ne boudons pas notre plaisir. La série, dont j'ai lu quatre tomes déjà, est un vrai plaisir de lecture. Si tant est, bien entendu, que l'on aime les batailles spatiales narrées avec un maximum de vraisemblance. Ne cherchons pas de message plus ou moins bien caché. Si ce n'est : la guerre, c'est crade, mais il est possible de la rendre (un peu) moins inhumaine. Ce que nous avons sous les yeux, en l'occurrence, c'est du pur divertissement. Mais une réussite dans le genre.

Très bon


mercredi 24 avril 2019

Les Guerriers du Silence - Pierre Bordage

Résumé :

Quelque cent mondes composent la Confédération de Naflin, parmi lesquelles la somptueuse et raffinée Syracusa. Or, dans l'ombre de la famille régnante, les mystérieux Scaythes d'Hyponéros, venus d'un monde lointain, doués d'inquiétants pouvoirs psychiques, trament un gigantesque complot dont l'instauration d'une dictature sur la Confédération ne constitue qu'une étape.

Qui pourrait donc leur faire obstacle ? Les moines guerriers de l'ordre Absourate ? Ou faudrait-il compter avec cet obscur employé d'une compagnie de voyages, qui noie son ennui dans l'alcool sur la planète Deux-Saisons ? Car sa vie bascule le jour où une belle Syracusaine, traquée, passe la porte de son agence... 


Cela faisait des années que ce volume dormait sur une étagère sans que j'ai pris la peine de m'y attaquer. Ou peut-être une fois, timidement. Cette lacune est enfin comblée. Et bien m'en a pris... ou pas. Enfin si. Mais voyons cela.
Pour commencer par les aspects positifs, je dirais que j'ai effectué la lecture des plus de 1600 pages (oui, quand même) avec beaucoup de plaisir et sans faire de pause. C'est plutôt bon signe, n'est-ce pas ? Disons le tout net, la trilogie est très agréable à lire, le monde imaginé est assez complexe et bien travaillé, les personnages sont nombreux et plutôt intéressants.
Alors, qu'est-ce qui m'empêche de montrer davantage d'enthousiasme ? Parce que vous sentez bien que je n'ai pas été tout à fait séduit.
À cause des personnages dans un premier temps. Ils sont nombreux, divers et variés, mais voilà, la quasi totalité d'entre eux, qui semblaient prometteurs, sont vite abandonnés et on ne sait pas ce qu'ils deviennent pendant un long moment. Quand ils ne disparaissent pas tout simplement sans jamais revenir, souvent à notre plus grande surprise. En fait, aucune "héroïne" ni aucun "héros" ne se détache. Alors, oui, on comprend ce choix de l'auteur un peu plus tard. Mais en attendant, on est pour le moins désorienté.
J'ai trouvé également que certains personnages ne bénéficiaient pas d'assez d'éclairage. En particulier certains "méchants". Ajoutez à cela pas mal d'ellipses dans l'histoire qui nous font sauter allègrement quelques paquets d'années, et vous comprendrez à quel point on peut être déroutés et frustrés.
Le style n'est pas désagréable et contribue au plaisir de la lecture. 
Ainsi que j'y ai déjà fait allusion, l'univers est assez riche. Même si la religion dominante est, à l'évidence, calquée sur le catholicisme, nous avons droit à quelques idées originales concernant les peuples et les planètes de la galaxie.
Pour être (presque) complet, j'ajouterais que le récit lorgne assez souvent vers le fantastique. Ce qui n'est pas pour m'emballer, n'étant pas si fan du genre. Cela m'est souvent apparu comme une facilité que se permet l'auteur pouvant faire intervenir des procédés extraordinaires pour justifier certains événements. Mais rien de bien grave.
J'ai trouvé la fin un rien bâclée, comme si l'auteur, en ayant fini avec l'essentiel de son récit, précipitait l'épilogue.
Pour résumer, cette trilogie est (quand même) une surprise plutôt agréable, notamment parce qu'elle hisse le space opera français en bonne place. Clairement, elle n'atteint pas vraiment le niveau auquel nous ont habitué les auteurs anglo-saxons et en particulier britanniques, mais, comme la plupart des auteurs français, Bordage a su éviter de nous assommer avec des considérations scientifiques et technologiques qui, à mon sens, n'apportent pas grand chose à l'histoire et rendent parfois le propos indigeste. Merci pour ça.
À lire donc, sans aucun doute.

Bon