jeudi 8 avril 2010

Riverdream - Georges R.R. Martin

Quatrième de couverture
Mississippi, 1857. Quel capitaine de vapeur sensé refuserait le marché de Joshua York ? Cet armateur aux allures de dandy romantique offre des fonds illimités pour faire construire le navire le plus grand, le plus rapide et le plus somptueux que le fleuve ait jamais connu. En échange de quoi ses exigences paraissent bien raisonnables : garder la maîtrise des horaires et des destinations, et, surtout, ne jamais - à aucun prix - être dérangé dans sa cabine hermétiquement close, dont il ne sort qu'une fois la nuit tombée.
Voilà enfin l'occasion qu'attendait le capitaine Marsh, vieux loup de rivière aux proportions gargantuesques, pour relancer sa compagnie en perte de vitesse. Si ce formidable vapeur lui permet de coiffer ses concurrents au poteau, peu lui importe les lubies de l'étrange armateur. Jusqu'au jour où une vague de meurtres sanglants apparaît dans le sillage du Rêve de Fèvre...

Je mesure souvent l'intérêt que je porte à mon livre de chevet par la hâte et le plaisir de le retrouver chaque soir, lorsque je me glisse sous ma couette. Riverdream fait partie, à cet égard, de ces livres qui ont le plus excité mon imagination depuis bien longtemps. La raison de cet engouement est à mettre au crédit des personnages. En particulier du capitaine Abner Marsh. Il n'a pourtant rien d'un héros. Il n'est plus tout jeune, il est laid, il n'a qu'une passion : ses bateaux à vapeurs, même si, au début de l'aventure, il ne lui reste qu'un rafiot vieillissant. En conséquence de quoi, il ne s'intéresse guère à tout ce qui n'est pas lié directement à la navigation sur le fleuve. Il se garde bien, par exemple, d'exprimer le moindre avis sur l'esclavagisme dans une région où l'activité économique est liée à l'exploitation ignominieuse des Noirs par les Blancs. Mais pourtant, au fil du roman, ce personnage va révéler des qualités que lui même ne suspectait pas nécessairement de posséder et forcer notre admiration. Toutefois, Marsh ne serait pas devenu le personnage qu'il devient et nous intéresserait sans doute moins sans son opposition à d'autres personnages pour le moins inquiétants. Eux en revanche sont beaux et forts mais le fond de leur âme n'est pas en adéquation avec leur physique. Et puis il y a, peut-être avant tout, le Mississippi et tous ses affluents. Et les magnifiques bateaux à aubes qui parcourent le fleuve. En particulier le Rêve de Fevre, le bateau le plus grand et le plus rapide jamais construit. C'est d'ailleurs lui qui donne son nom au roman, tout au moins dans la version originale (Fevre Dream) et ce n'est pas tout à fait par hasard.
Dès le moment où le bâtiment est construit on ne le quittera pour ainsi dire plus. La plus grande partie de l'histoire devenant alors une sorte de huis clos fréquemment oppressant.

Je me suis aperçu, en entamant ce roman, que j'avais finalement peu, voire pas du tout, lu d'ouvrages sur les vampires. En dehors du Dracula de Bram Stoker, bien entendu. Même si j'ai par ailleurs vu, en revanche, pas mal de films sur le genre. N'étant pas de ceux qui suivent les modes, je n'avais jusque là pas jugé utile de m'engouffrer dans la tendance vampirique du moment. Il aura fallu, pour que je m'attaque à Riverdream, l'enthousiasme de l'ami Martlet. Qu'il en soit remercié.
Même si je n'ai pas une connaissance très étendue de ce qui se fait en matière de vampires, j'ai eu la sensation de lire ici une histoire dans laquelle le mythe est, me semble-t-il, bien dépoussiéré. Débarrassé de tout le folklore pour ne conserver que l'essentiel. Somme toute ce qui rend les vampires effrayants. Leur besoin de sang humain frais.
Si on ajoute à cela une histoire solide, un décor qui fait rêver : le Mississippi et ses vapeurs, un style fluide, nous avons au final un roman fort plaisant à lire et diablement évocateur.
Si vous ne devez lire qu'un seul livre sur les Gens de la Nuit, que ce soit celui-ci. Enfin c'est mon avis. Pas du tout éclairé.

Les avis de SBM et de Gromovar

mercredi 7 avril 2010

DM08 - Au guet ! - Terry pratchett


Quatrième de couverture
Une société secrète d'encagoulés complote pour renverser le seigneur Vétérini, Patricien d'Ankh-Morpok, et lui substituer un roi. C'est sans compter avec le guet municipal et son équipe de fins limiers. Enfin une affaire à la mesure du capitaine Vimaire, alcoolique frénétique, et de ses non moins brillants adjoints. Et lorsque l'on retrouve au petit jour dans les rues les corps de citoyens transformés en biscuits calcinés, l'enquête s'oriente résolument vers un dragon de vingt-cinq mètres qui crache le feu ; on aurait quelques questions à lui poser. Peut-être la collaboration du bibliothécaire de l'Université ne serait-elle pas inutile. Certes, à force de manipuler les grimoires de la plus vaste collection de livres magiques du Disque-monde, il a depuis quelque temps été métamorphosé en singe, mais qui a vraiment remarqué la différence ?

 (Lecture commune du Cercle d'Atuan du mois de mars 2010)

Je ne le dirai sans doute jamais assez, mais derrière l'humour ravageur et omniprésent de Pratchett, il y a une peinture féroce de notre société moderne. Mais il y a aussi une galerie de portraits de personnages tous plus attachants les uns que les autres. Une galerie hors du commun. Du moins selon les codes convenus de la fantasy. Parce que communs, les personnages de Pratchett ne le sont que trop. Banals, ordinaires. C'est sans doute ce qui nous les rend plus proche. Le héros Pratchettien n'est pas grand et beau et fort et invulnérable. Il est lâche, faible, égoïste et j'en passe. C'est du moins comme ça que sont la plupart des personnages masculins. Les femmes quant à elles, jeunes ou moins jeunes, sont rarement les beautés irrésistibles des romans du genre. Mais leurs qualités sont ailleurs. Ou plutôt, c'est parce qu'ils transcendent tous ces défauts-là qu'ils deviennent aussi attachants.
Pour ne pas échapper à la règle, Au guet ! se pare d'un échantillon de cette humanité ordinaire plutôt réussi. Il y a d'abord Vimaire, le capitaine du guet, personnage plébiscité par la plupart de mes camarades du Cercle d'Atuan. Non seulement il y a longtemps qu'il n'a pas assumé son véritable rôle de patron de la police municipale, mais il a fini par sombrer dans l'alcoolisme. Seulement, que l'on tente d'occire quelques uns de SES concitoyens, même si certains ne sont pas très recommandables et que l'on mette SA ville à feu et à sang, c'est le cas de le dire, et notre capitaine va vite retrouver l'amour propre qu'il avait mis de côté. Ensuite il y a Dame Rankin. Une aristocrate spécialiste des dragons. Son physique n'est certes pas sa première qualité. Ce qui lui vaut, à son âge, même si celui-ci n'est pas précisé, d'être encore vierge. Ce qui ne sera pas d'ailleurs sans avoir quelque conséquences fâcheuses. Elle montrera cependant d'énormes qualités de générosité et de courage. Il y a aussi les deux sous-officiers du guet. Deux anciens que leur expérience à rendu extrêmement prudents et philosophes. Leur crédo : pas de vague. Leur méthode : n'arrêter jamais personne et n'être jamais en danger de le faire. Pour compléter l'équipe nous avons Carotte. C'est une toute nouvelle recrue. Un idéaliste. Il connait par coeur le code des lois de la cité et n'hésite jamais, lui, à arrêter tout contrevenant. S'agirait-il d'un dragon de 25 mètres.
Puis il y a le Patricien Vétérini le cynique dirigeant d'Ank-Morpock qu'on se surprend à trouver presque sympathique. Et le bibliothécaire anthropoïde, oook ! Et quelques autres encore.
Ensuite ou en même temps ou en plus, c'est comme vous voulez, il y a l'histoire. Et elle n'a rien de bâclée. Loin de là. Elle est solide et le récit autour d'elle est particulièrement bien construit. C'est le genre d'histoire qu'enviraient beaucoup de romanciers dits sérieux et qui met particulièrement bien en situation les personnages dont j'ai déjà eu l'occasion de parler. Les évènements qui se déroulent dans le roman placent souvent les différents protagonistes devant des choix qu'ils auraient préféré ne pas avoir à faire.
Le tout est saupoudré d'une ironie mordante et salutaire vis à vis des quelques petits travers de la société, d'un part, et de la fantasy, d'autre part.
Sont tour à tour épinglés : la monarchie (si, si, par un britannique), les élevages de petits toutous à leur mémère, la versatilité de la foule, les clichés sur les guildes de voleurs, les dragons, les nains et j'en passe.

On peut difficilement écrire une chronique sur un livre de Pratchett sans citer au moins une ou deux phrases. En voici quelques unes sélectionnées pour leur humour et/ou leur qualités littéraires.
... un petit groupe insistant de cellules grises du mauvais côté de ses synapses gribouillaient sournoisement leurs graffitis sur la façade de son émerveillement.
Faut pas courir vite dans l'Guet, mon gars... Tu peux faire un garde rapide, ou tu peux faire un vieux garde, mais tu peux pas être un vieux garde rapide
Et quand le praticien était mécontent il se révélait très démocratique. Il trouvait des moyens raffinés et douloureux de faire partager son mécontentement au plus grand nombre.
C'était un de ces points où le pantalon du Temps bifurque, et si on ne faisait pas gaffe on risquait d'enfiler la mauvaise jambe ...
Et je pourrais en citer des centaines d'autres. Mais souvent, l'humour d'une phrase dépend du contexte. Pour restituer la drôlerie de la plupart d'entre elles, il faudrait citer des paragraphes entiers voire davantage. Du coup, pour en profiter pleinement, un seul conseil : lisez le livre.


Les autres critiques du Cercle

jeudi 1 avril 2010

Teckla - Steven Brust

Présentation de l'éditeur
La révolte gronde clans le quartier sud d'Adrilankha, où vivent les êtres humains, les Orientaux. L'un d'entre eux vient d'être assassiné par un Dragaeran. Rien qui concerne directement Taltos, sauf que sa femme, Cawti. prend le parti des insurgés et met ainsi sa vie en danger. Vlad va donc devoir la défendre malgré elle, mettant son couple en péril. Ce sera d'autant moins simple que les Gardes Phénix rêvent d'en découdre pour pouvoir "casser de l'Oriental". Troisième volume des Aventures de Vlad Taltos. l'oeuvre la plus connue de l'auteur - une dizaine de volumes écrits à ce jour, pouvant se lire indépendamment -, Teckla, mêlant habilement les codes de la fantasy et du roman noir, présente avec humour les relations sociales qui régissent la ville d'Adrilankha.

Je l'avais déjà évoqué lors de ma chronique portant sur le deuxième volet et cela reste vrai : la saga s'essouffle. Autant le premier épisode pouvait plaire avec son lot de nouveautés autant les suivants, qui ne bénéficient plus de l'effet de surprise, ne laissent plus apparaitre que les mêmes grosses ficelles. Malgré un style facile à lire s'il n'est pas époustouflant d'un point de vue littéraire et bien que j'ai suivi sans réel déplaisir les aventures de Vlad Taltos, je n'ai jamais montré un intérêt dévorant pour tout se qui se passe dans le roman. De plus, même s'il y est moins question des Dragaeran et de leurs rapports sociaux compliqués, l'auteur conserve l'habitude de nous abreuver de considérations dont, il faut bien l'avouer, je n'ai que rarement saisi le sens. Vlad, qui est à la fois le héros de l'histoire et le narrateur, est incroyablement bavard. Il ne nous épargne rien des réflexions qui l'amènent à prendre ses décisions. Sauf que moi, j'ai beaucoup de mal à suivre.
Encore une fois, Brust tente de mêler la fantasy à d'autres thèmes. Ici, en l'occurrence, il nous entraine dans une aventure sociale et politique qui aurait pu se révéler intéressante mais qui devient vite ennuyeuse.
Voilà. Les aventures de Vlad Taltos se lisent donc sans difficultés mais sans réel plaisir non plus. Inutile de dire que je ne vais pas me précipiter sur le dernier volume en ma possession : Taltos. Et il est probable que si jamais je le lis, ce sera le dernier de la série.