mercredi 14 août 2019

Sur les hauteurs du mont Crève-Cœur - Thomas H. Cook

Résumé :
Qui Kelli a-t-elle retrouvé sur le mont Crève-Coeur, ce jour fatal de 1962 ? Trente ans après, personne n'a compris. Pas même moi. Car il n'y en avait pas deux comme elle : fervente avocate de la cause des Noirs, belle et passionnée. Son souvenir hante notre petite communauté blanche et conservatrice, ici à Choctaw, Alabama. Je dois parler. Je dois raconter ce rêve d'amour devenu cauchemar qui a distillé le poison.

Comme toujours, Thomas H. Cook (sur qui je n'ai jusqu'à présent mystérieusement écrit aucune ligne) nous gratifie d'un roman profond, puissant et poignant. Peut-être, à ce jour, le plus poignant que j'ai pu lire de l'auteur. 
Le récit est effectué par Ben, médecin parvenu à un âge honorable, et tourne autour d'une journée de mai 1962 alors que le narrateur était encore au lycée, journée au cours de laquelle on a retrouvé le corps de Kelli, une camarade de classe du jeune étudiant. On retrouve dans ce roman ce qui fait l'intérêt de tous les ouvrages de Cook. Les souvenirs de jeunesse et partant, l'évocation d'une époque, les aller-retours entre passé et présent, la tragédie, déclarée ou sous-jacente, les secrets, les non-dits et le mystère, bien sûr, dont le voile se soulève avec une lenteur exaspérante mais jouissive ...
Ici le narrateur titille particulièrement la curiosité du lecteur, nous laissant entendre qu'il va nous dire la vérité, toute la vérité, mais qui attend la toute fin pour ce faire, évidemment, et qui nous distille, en attendant, tout un tas d'indices qui, loin de nous aider à y voir plus clair, nous lance sur de continuelles fausses pistes. 
Il faudra donc attendre le tout dernier chapitre (on s'en doute) pour apprendre ce qu'il s'est réellement passé ce jour-là. Et le moins qu'on puisse dire, c'est que je ne m'y attendais pas du tout. Bravo M. Cook.
Un excellent roman noir, donc, dans la veine de ce que j'ai déjà lu de cet excellent auteur. Il va falloir que je relise les précédents ouvrages pour vous en dire deux mots, parce qu'en dehors de l'excellente impression qu'ils m'ont laissé, j'ai oublié tous les détails, ou presque, sacrée mémoire défaillante ! (Au lieu-dit Noir-Étang, Les feuilles mortes, La preuve de sang ou encore Les liens du sang).


Excellent

lundi 12 août 2019

Aucune bête aussi féroce - Edward Bunker

Résumé :

Le discret Mister Blue de Reservoir Dogs eut une vie avant d'étaler son faciès vérolé sur le grand écran. Bunker, le bien nommé, était l'auteur d'un traité post carcéral sans égal publié en 1973 et alors épuisé outre-Atlantique.

L'une de ces vraies fausses autobiographies qui ne s'encombre d'aucune couenne littéraire. La chair, les os et les tripes suffisent à faire de ce roman noir un aller simple pour l'enfer d'une vie toute tracée dès le berceau.
Un parcours horriblement classique, balisé et implacable : problèmes familiaux, délinquance juvénile et au bout une succession de séjours "au château..."
Rien de vraiment neuf, si ce n'est la violence aride, impitoyable, voire clinique, avec laquelle Edward Bunker décrit le quotidien du taulard en liberté conditionnelle et, surtout, l'impossibilité de modifier, voire seulement de rectifier une destinée ou de réécrire ce scénario.
Son héros, Max Dembo (Bunker lui-même, évidemment), s'applique ainsi consciencieusement en sortant de prison à ne pas s'engouffrer dans les culs-de-sac de son passé.
Mais le milieu et la prison sont des aimants dont on n'interrompt pas l'attraction à coup de rédemption. La cavale se fait alors allégorique, avec un terminus on ne peut plus kafkaïen.
En 1978, Dustin Hoffman achètera les droits d'Aucune bête aussi féroce, confiant à Ulu Grosbard la mise en scène de l'adaptation.
Le film, "Le Récidiviste" (Straight Time), superbe road movie nu comme un haïku, amplifiait ce sentiment tragique d'impossible rachat.
Bref, "Aucune bête aussi féroce" confirme que le roman noir demeure un genre idéal pour sonder l'esprit humain. Dostoïevski ou Chandler s'en doutaient bien ; Bunker n'eut qu'à confirmer.

En principe, je ne suis pas amateur des fictions mettant en scène des personnages soit tout blanc, soit tout noir. Tout blanc, je les trouve à peine crédibles et ils m'ennuient. Tout noir, j'ai un mal fou à m'identifier à eux. Autant dire que c'était mal barré pour ce roman écrit par un taulard qui, certes, n'est pas autobiographique, mais qui s'inspire tout de même beaucoup, vraiment beaucoup, de la vie de l'auteur. Mais convaincu par la critique, je décidais de tenter l'expérience.
Et bien m'en a pris.
D'abord le livre est bien écrit. Des phrases courtes, sans fioritures et qui disent l'essentiel. Le récit à tout d'un polar classique à ceci près que le narrateur est un criminel. Il y a évidemment de l'action et on ne s'ennuie pas une seconde. Les personnages, dont la plupart sont des truands, inspirent de l'empathie, mais oui, et en particulier Max Dembo. Il faut voir comment on tremble à chaque page qu'il ne retombe dans ses mauvais travers tout en sachant qu'il n'y a quasiment aucune chance qu'il en soit autrement. D'autant que la société américaine n'est pas idéale pour effectuer une réinsertion. Doux euphémisme.
Mais le narrateur ne rejette pas l'entièreté de la faute sur le système. Il a l'honnêteté (sic) et la lucidité de reconnaître qu'il est plus facile, en tout cas pour lui, de demeurer un voyou plutôt que de chercher à tout prix à rester dans le droit chemin. Son discours n'est pas un étalage d'excuses mais c'est plutôt la description, quasiment froide et clinique, de ses choix, de ses décisions et de se qui se passe dans la tête de types comme lui.
Ce roman a le mérite de nous inviter à nous poser la question : qu'est-ce qu'on attend de la prison et des autorités carcérales ? Simplement que les criminels paient leurs forfaits quitte à relâcher en fin de peine des gens prêts à recommencer, ou de tout tenter pour les réinsérer afin d'obtenir au bout du compte un voyou de moins et un honnête homme de plus ?
J'ai ma petite idée de la réponse, mais chacun se fera son opinion.
Lisez ce livre, c'est, dans le pire des cas, un très bon moment à passer dans un torrent d'adrénaline.

Très bon

vendredi 9 août 2019

Sur ma peau - Gillian Flynn

Résumé :

La ville de Wind Gap dans le Missouri est sous le choc : une petite fille a disparu. Déjà, l'été dernier, une enfant avait été sauvagement assassinée...
Une jeune journaliste, Camille Preak, se rend sur place pour couvrir l'affaire. Elle-même a grandi à Wind Gap. Mais pour Camille, retourner à Wind Gap, c'est réveiller de douloureux souvenirs.
A l'adolescence, incapable de supporter la folie de sa mère, Camille a gravé sur sa peau les souffrances qu'elle n'a pu exprimer. Son corps n'est qu'un entrelacs de cicatrices... 
On retrouve bientôt le cadavre de la fillette. Très vite, Camille comprend qu'elle doit puiser en elle la force d'affronter la tragédie de son enfance si elle veut découvrir la vérité...

Sur ma peau est le roman dont a été tiré l'excellentissime série Sharp Objects que je vous invite, évidemment, à regarder si vous en avez l'occasion.
L'un comme l'autre, roman et série, adaptée extrêmement fidèlement, sont d'une noirceur assez inégalable. Peu de violences physiques mais en revanche, des violences psychologiques qui deviennent vite insoutenables. Beaucoup de personnages en sont affectés et en particulier le personnage principal, Camille, qui a subi, et subit encore suite à son retour dans sa ville natale, les brimades, humiliations et autres tortures mentales de la part de sa mère, un personnage qui rend Folcoche, de Vipère au poing, douce comme un agneau.
Gageons qu'en lisant ce livre vous allez adorer Camille et trembler d'effroi et de colère face au harcèlement maternel insidieux et continuel dont elle est la victime et vous allez adorer détester cette mère au comportement si brutal. Nul doute non plus que vous allez vous passionner pour l'enquête qui va révéler bien des choses que beaucoup auraient préféré garder secrètes. Parce que, comme nombre d'écrivains américains, Gillian Flynn sait parfaitement nous décrire les travers de ces petites villes des États-Unis où chacun épie tout le onde, où chacun soupçonne tout le monde et où personne n'est irréprochable.
Précipitez-vous sur ce roman puis enchaînez avec la série (et pas l'inverse comme j'ai fait et qui était sans doute une erreur). 
Gillian Flynn est décidément une excellente autrice.

Excellent

Les nuages de Magellan - Estelle Faye

Résumé :

27ème siècle. L’Humanité s’est étendue à toute la Voie Lactée. La nouvelle frontière, ce sont désormais les Nuages de Magellan, mais les Compagnies ont fini par renoncer à tout projet de colonisation, préférant les affaires aux rêves d’exploration spatiale. Deux siècles auparavant, l’humanité a pourtant maîtrisé l’énergie sombre, une ressource quasi illimitée, mettant ainsi fin aux guerres pour les énergies fossiles. Ont suivi plusieurs siècles de liberté, d’exploration, d’avancées… Puis, insidieusement, de nouveaux jeux de pouvoir et d’influence se sont mis en place, conduisant à la multiplication des hors-la-loi. Depuis, un mythe court la galaxie : des pirates auraient créé sur Carabe, une planète perdue, une république idéale, hors d’atteinte du pouvoir des Compagnies. Dans l’un des derniers postes frontières avant les Nuages, Dan, une jeune serveuse idéaliste, chante du blues dans un bar pseudo texan tout en rêvant d’aventures stellaires. Elle est fascinée par Mary, une cliente taciturne dont on dit qu’elle serait peut-être une ex-pirate…

Les Nuages de Magellan n’ont pas dit leur dernier mot !

Space opera bien sympathique et très agréable à lire mais qui ne s'élève jamais au niveau de ce que le genre a produit de meilleur. La vraie grande originalité du roman réside dans le couple de héros qui sont des... héroïnes. Alors, d'accord, ça fait du bien de s'éloigner des stéréotypes des spationautes bourrés de testostérone mais ça ne suffit hélas pas à faire un livre exceptionnel.
Les deux personnages principaux sont certes assez attachants mais je pense qu'ils auraient mérités d'être encore plus creusés. Quant aux personnages secondaires, ma foi, ils sont quasi inconsistants. L'histoire n'a rien de bien palpitant ni de bien original. Le monde dans lequel tout ce beau monde évolue est lui aussi insuffisamment développé. Maintenant il est vrai que le roman est court, ce qui en soi est, ou peut être une qualité, mais qui empêche évidemment tout développement un peu poussé.
En bref, une lecture loin d'être ennuyeuse mais qui manque cruellement de souffle.

Bon

mardi 6 août 2019

La Maison du Péril - Agatha Christie

Résumé :

Un lourd tableau qui se décroche à la tête d'un lit. Un rocher qui dévale une falaise et s'écrase sur le sentier.
Les freins d'une voiture qui lâchent dans une descente... Et pour finir, une balle perdue qui vient se loger dans un chapeau !
Pour Hercule Poirot, en villégiature sur la cote sud de l'Angleterre, il n'y a guère de doute : on en veut à la vie de la ravissante Miss Buckley, héritière d'une villa délabrée du voisinage. Même si l'intéressée ouvre de grands yeux, se demandant qui peut bien lui en vouloir.
L'assassinat de sa cousine, qu'on a manifestement confondue avec elle, obligera Miss Buckley à prendre au sérieux les craintes du détective. Lequel n'aura de cesse de démasquer le coupable. Mais seule une très savante mise en scène lui permettra d'y parvenir. Et la surprise sera de taille...

— Voilà ce qui est tombé sur la terrasse, il y a un instant, lorsque nous parlions. Une balle perdue !
— Hein ?
— Deux centimètres de plus et la tête aurait été percée du même trou que le feutre ; vous comprenez maintenant, je suppose, l’intérêt que je porte à cette jeune fille et à son chapeau ?
« Avouons que ce préposé au crime ne manque pas d’audace en visant sa victime à quinze mètres d’Hercule Poirot ! Ce défi ne lui portera pas chance. Maintenant, entrons à «La Maison du Péril» et entretenons-nous avec Miss Nick. Le plus tôt sera le mieux, Hastings. N’a-t-elle pas dit qu’en trois jours elle avait trois fois échappé à la mort ? Le danger est proche.

C'est la troisième fois que j'entreprends la lecture des œuvres de la Reine du polar britannique. J'avais découvert cette fameuse et fabuleuse collection de romans et nouvelles adolescent et j'avais alors lu déjà bon nombre des titres. Quelques vingt ans plus tard, je me lançais à nouveau à l'aventure. Et c'est presque vingt ans après, une nouvelle fois, que je me replonge dans les enquêtes d'Hercule Poirot (essentiellement). Serais-je encore de ce monde pour prendre plaisir à voir s'agiter les petites cellules grises du détective belge dans vingt autres années ? Je me le souhaite.
Pour l'anecdote, si j'ai commencé cette fois par La Maison du Péril, c'est que je louais une chambre d'hôtes dans une splendide demeure à Dinard qui surplombait la mer. Tout comme dans le roman, ameublement et décoration inclus. J'étais dedans.
La première chose qui me frappait, à peine commencé la lecture, ce fut la nature des personnages. Tous, ou peu s'en faut, sont des jeunes gens et jeunes femmes de la haute société, oisifs, cela va sans dire et qui passent leur journée à boire des verres à la terrasse des palaces, jouer au tennis ou au golf, bronzer au soleil, donner des fêtes, toutes activités qui, on l'admettra volontiers sont plutôt pénibles. Bon, ce n'était pas une découverte, bien sûr. Je sais bien qu'Agatha Christie n'a mis essentiellement en scène que des gens de cette catégorie sociale. Mais voilà, ce coup-ci, ça m'a agacé. Un peu. Pas trop. Après tout, l'étude de cette partie de la population n'a pas moins d'intérêt que celle des ouvriers dont s'est occupé en son temps un certain Émile Zola, pour ne citer que lui.
Mais je m'égare. Les personnages m'agacent, d'accord, mais il n'en reste pas moins vrai que l'enquête que mène Hercule Poirot est passionnante à souhait. Comme souvent, mais c'est ce qui fait le charme des récits d'Agatha Christie, le nombre des suspects est limité et les soupçons se portent sur chacun d'entre eux. Nous sommes en terrain connu. Et on cherche, aidé par les indices que dévoile notre fameux détective, l'identité du coupable. J'ai une triste habitude, c'est celle d'oublier très vite ce que je lis. Autant dire que dans ce cas précis, cela devient une bénédiction car je n'ai pas la moindre idée de la vérité.
Un très bon Poirot que je vous invite à déguster.

Très bon

Hypothermie - Arnaldur Indridason

Résumé :

Un soir d'automne. Maria est retrouvée pendue dans son chalet d'été sur les bords du lac de Thingvellir. Après autopsie, la police conclut à un suicide. 

Quelques jours plus tard, Erlendur reçoit la visite d'une amie de cette femme qui lui affirme que ce n'était pas "le genre" de Maria de se suicider et qui lui remet une cassette contenant l'enregistrement d'une séance chez un médium que Maria était allée consulter pour entrer en contact dans l'au-delà avec sa mère. 
Celle-ci lui avait promis de lui envoyer un signe. Au pays du fantastique et des fantômes, aussi dubitatif que réticent, le commissaire Erlendur, troublé par l'audition de la cassette, se sent obligé de reprendre l'enquête à l'insu de tous. 
Il découvre que l'époux de Maria n'est pas aussi fiable qu'il en a l'air et ses investigations sur l'enfance de la suicidée, ses relations avec une mère étouffante vont le mener sur des voies inattendues semées de secrets et de douleur. 
Obsédé par le deuil et la disparition, harcelé par les frustrations de ses enfants, sceptique devant les croyances islandaises, bourru au cœur tendre, le commissaire Erlendur poursuit sa recherche sur lui-même et rafle tous les suffrages des lecteurs.

Le moins qu'on puisse dire, c'est que cet épisode des aventures du commissaire Erlendur est plutôt atypique. Qu'on en juge. Il s'intéresse cette fois-ci à un suicide. Ce qui n'est a priori pas du ressort de la police. Et il s'agit d'un "vrai" suicide. Erlendur lui-même en est convaincu, d'autant plus qu'aucun indice ne vient étayer la thèse d'un meurtre maquillé en suicide. Oui mais voilà, en bon flic au flair exacerbé, il renifle comme une odeur familière qui le pousse à enquêter. Et il a d'autant plus de facilité à se permettre ce genre de liberté, qu'il a beaucoup de temps libre, précisément. Les tueurs sont en R.T.T. apparemment. L'Islande est décidément un bien singulier pays. Il faut dire qu'avec une population d'environ 350 000 habitants (en gros comme la ville de Nice), on peut imaginer qu'il n'y a pas tant d'homicides que ça.
Et parce que décidément il s'ennuie un peu, visiblement, Erlendur enquête également sur de vieilles affaires non élucidées. Et il en profite aussi pour régler quelques problèmes familiaux. En bref, il est en roues libres. Cela nous donne un roman curieux, il faut bien l'avouer. Rien de passionnant, encore que les découvertes que fait le commissaire sur le passé de Maria, la suicidée, ne manquent pas d'intérêt, mais l'ensemble se laisse lire sans ennui.
Loin de valoir les précédents romans, cet opus nous donne l'occasion de suivre, avec plaisir, les tribulations d'un flic bien attachant.

Bon