lundi 12 août 2019

Aucune bête aussi féroce - Edward Bunker

Résumé :

Le discret Mister Blue de Reservoir Dogs eut une vie avant d'étaler son faciès vérolé sur le grand écran. Bunker, le bien nommé, était l'auteur d'un traité post carcéral sans égal publié en 1973 et alors épuisé outre-Atlantique.

L'une de ces vraies fausses autobiographies qui ne s'encombre d'aucune couenne littéraire. La chair, les os et les tripes suffisent à faire de ce roman noir un aller simple pour l'enfer d'une vie toute tracée dès le berceau.
Un parcours horriblement classique, balisé et implacable : problèmes familiaux, délinquance juvénile et au bout une succession de séjours "au château..."
Rien de vraiment neuf, si ce n'est la violence aride, impitoyable, voire clinique, avec laquelle Edward Bunker décrit le quotidien du taulard en liberté conditionnelle et, surtout, l'impossibilité de modifier, voire seulement de rectifier une destinée ou de réécrire ce scénario.
Son héros, Max Dembo (Bunker lui-même, évidemment), s'applique ainsi consciencieusement en sortant de prison à ne pas s'engouffrer dans les culs-de-sac de son passé.
Mais le milieu et la prison sont des aimants dont on n'interrompt pas l'attraction à coup de rédemption. La cavale se fait alors allégorique, avec un terminus on ne peut plus kafkaïen.
En 1978, Dustin Hoffman achètera les droits d'Aucune bête aussi féroce, confiant à Ulu Grosbard la mise en scène de l'adaptation.
Le film, "Le Récidiviste" (Straight Time), superbe road movie nu comme un haïku, amplifiait ce sentiment tragique d'impossible rachat.
Bref, "Aucune bête aussi féroce" confirme que le roman noir demeure un genre idéal pour sonder l'esprit humain. Dostoïevski ou Chandler s'en doutaient bien ; Bunker n'eut qu'à confirmer.

En principe, je ne suis pas amateur des fictions mettant en scène des personnages soit tout blanc, soit tout noir. Tout blanc, je les trouve à peine crédibles et ils m'ennuient. Tout noir, j'ai un mal fou à m'identifier à eux. Autant dire que c'était mal barré pour ce roman écrit par un taulard qui, certes, n'est pas autobiographique, mais qui s'inspire tout de même beaucoup, vraiment beaucoup, de la vie de l'auteur. Mais convaincu par la critique, je décidais de tenter l'expérience.
Et bien m'en a pris.
D'abord le livre est bien écrit. Des phrases courtes, sans fioritures et qui disent l'essentiel. Le récit à tout d'un polar classique à ceci près que le narrateur est un criminel. Il y a évidemment de l'action et on ne s'ennuie pas une seconde. Les personnages, dont la plupart sont des truands, inspirent de l'empathie, mais oui, et en particulier Max Dembo. Il faut voir comment on tremble à chaque page qu'il ne retombe dans ses mauvais travers tout en sachant qu'il n'y a quasiment aucune chance qu'il en soit autrement. D'autant que la société américaine n'est pas idéale pour effectuer une réinsertion. Doux euphémisme.
Mais le narrateur ne rejette pas l'entièreté de la faute sur le système. Il a l'honnêteté (sic) et la lucidité de reconnaître qu'il est plus facile, en tout cas pour lui, de demeurer un voyou plutôt que de chercher à tout prix à rester dans le droit chemin. Son discours n'est pas un étalage d'excuses mais c'est plutôt la description, quasiment froide et clinique, de ses choix, de ses décisions et de se qui se passe dans la tête de types comme lui.
Ce roman a le mérite de nous inviter à nous poser la question : qu'est-ce qu'on attend de la prison et des autorités carcérales ? Simplement que les criminels paient leurs forfaits quitte à relâcher en fin de peine des gens prêts à recommencer, ou de tout tenter pour les réinsérer afin d'obtenir au bout du compte un voyou de moins et un honnête homme de plus ?
J'ai ma petite idée de la réponse, mais chacun se fera son opinion.
Lisez ce livre, c'est, dans le pire des cas, un très bon moment à passer dans un torrent d'adrénaline.

Très bon

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire