samedi 31 octobre 2015

Titan - Stephen Baxter

Résumé
2004 : les analyses de la sonde Cassini-Huygens sur la composition de la surface de Titan, l'une des lunes satellites de Saturne, révèlent que toutes les conditions atmosphériques et chimiques permettant l'existence d'une vie organique y sont rassemblées. Pendant plusieurs années, des astronautes, ingénieurs et scientifiques de la NASA vont se heurter aux volontés contraires de l'armée, s'opposer aux coupes budgétaires stratégiques d'une bureaucratie frileuse et lutter contre le reniement par le gouvernement des ambitions spatiales du passé pour imposer le lancement d'une mission vers Titan. Mission, qui au-delà des temps et des dimensions, les conduira aux limites du savoir humain...

Ce roman n'a rien de conventionnel et il est même assez atypique dans son genre. Habituellement, lorsqu'un auteur de science-fiction nous parle de voyages dans l'espace, il situe son action à une époque où ceux-ci sont devenus monnaie courante. Ils sont confortables, presque sans danger, rapides. Il n'hésite pas à imaginer des avancées scientifiques et/ou technologiques pour s'affranchir de certaines contraintes, notamment celles du temps nécessaire à de tels voyages.
Chez Baxter, rien de tout cela. Il ne se base, dans son récit, que sur les données connues et les possibilités techniques de l'époque (1997). Du coup, le voyage vers Titan est beaucoup moins idyllique. Le rêve se transforme en véritable cauchemar. Aucun geste du quotidien ne nous est épargné, ou peu s'en faut. Du coup, ça donne nettement moins envie d'y aller. Celles et ceux qui apprécient, en priorité, le côté merveilleux de la science-fiction risquent d'être un peu déroutés. Mais, au moins, ils auront la satisfaction de se dire que tout ce qu'ils lisent est parfaitement crédible et vraisemblable si ça n'est pas vraiment glamour.
Quant au monde qui sert de cadre à l'aventure, il est d'abord décrit de façon assez timide, discrète, par Baxter. Il a, dans un premier temps, tout l'air d'être celui que nous avons connu à l'époque, à la fin des années 1990. Seuls quelques légers détails, tout d'abord à peine perceptibles, nous indiquent que nous sommes bien dans un univers romanesque et plus spécifiquement dans un roman de science-fiction. Dans cette partie du récit, l'ambiance vire, lentement mais sûrement, à la dystopie. Les fonds à destination de la Nasa se font de plus en plus faibles, internet est bridé, le candidat le mieux placé pour la course à la présidence des USA (et qui sera élu) est tellement à droite, qu'il ferait passer Bush pour un gauchiste...
J'avoue n'avoir pas été complètement convaincu par cet aspect du livre. Il m'a donné l'impression que Baxter y était moins à l'aise que lorsqu'il s'agit de parler technique mais qu'il s'est senti obligé de décrire l'environnement politique et économique de la mission pour Titan.
La fin du roman est très noire et m'a même mis mal à l'aise (notamment en évoquant un évènement qui ne laisse jamais de me bouleverser) et Baxter tente d'en atténuer les effets par un tour de passe-passe (et un saut dans le temps de quelques milliards d'années, excusez du peu), qui a tout d'une pirouette. 
Au bout du compte, et même si Baxter ne tombe pas dans le travers de certains de ses confrères, qui nous noient dans des spéculations techniques et/ou scientifiques qui frisent parfois (souvent ?) l'invraisemblable, il ne parvient jamais réellement, où seulement trop rarement, à donner à son récit un souffle, une âme qui nous prendraient pour ne jamais nous lâcher.
Je n'irai pas jusqu'à dire que Titan est ennuyeux, mais force m'est de constater que je lui préfère, et de loin, les romans de Space opera certes, souvent moins crédibles, mais au combien plus enthousiasmants.
À lire, de préférence, par tous ceux qui vont préférer l'extrême vraisemblance à la magie de l'imagination. Je vous aurai prévenu.

vendredi 30 octobre 2015

L'homme des jeux - Iain M. Banks

Résumé
Dans l'empire d'Azad, le pouvoir se conquiert à travers un jeu multiforme. Jeu de stratégie, jeu de rôle, jeu de hasard, le prix en est le trône de l'Empereur. Gurgeh est le champion de la Culture, une vaste société galactique, pacifique, multiforme, anarchiste, tolérante, éthique et cynique où le jeu est considéré comme un art majeur. S'il gagne, la paix sera sauvée entre la Culture et Azad. S'il perd... Voici le premier volume de la fameuse série de la Culture qui a renouvelé avec humour et panache le thème de la société galactique. Il sera suivi de L'Usage des armes et de Une forme de guerre

J'ai lu ce roman il y a quelques temps déjà mais je n'en avais alors pas fait de critique. Ou celle-ci se cache quelque part dans les tréfonds de mon blog. Quoi qu'il en soit, j'ai voulu le relire compte tenu du bon souvenir que j'en avais gardé et ne pas oublier cette fois-ci d'en faire le compte rendu.
Mais je dois bien reconnaitre que, contrairement à d'habitude, je ne trouvais pas quoi en dire immédiatement après en avoir terminé la lecture. J'imaginais même déjà un dialogue virtuel entre vous et moi :
- J'ai beaucoup aimé.
- Pourquoi ?
- Parce que. 
Mais je sentais confusément que c'était un peu léger.
Et pourquoi me révélai-je donc incapable d'en dire plus, au moins dans un premier temps ? La faute peut-être à un synopsis qui tiendrait aisément en une phrase : c'est l'histoire d'un joueur qui joue à un jeu (et placer trois mots ayant la même racine c'est magnifique... ou abominable, au choix). Parce que c'est ça l'histoire. Il y a peu d'autre action en dehors du jeu. Sauf que.
Sauf que ce premier roman de la série consacrée à la Culture (même si Wikipedia en fait le deuxième) est une occasion de nous présenter ce qu'est cette société. Le jeu dans lequel est embarqué Gurgeh n'est qu'un prétexte. D'ailleurs, l'auteur ne rentre jamais dans le détail lorsqu'il décrit les différentes parties qui ponctuent la compétition. Personnellement, je n'ai rien compris aux règles et je serais bien en peine de dire à quoi peut bien ressembler le jeu (un wargame ?) 
Non, ce qui compte c'est moins le jeu lui-même que ses conséquences. Songez donc ! Le vainqueur devient, de fait, l'empereur d'Azad, monde où se situe l'action. Et au-delà même de cette conséquence, ce qui intéresse l'auteur, c'est l'affrontement de deux mondes, de deux conceptions de la société. 
D'un côté Azad, société féodale, violente, barbare, sexiste. Et, petite parenthèse, en matière de sexisme, Banks renouvelle un peu le sujet en introduisant un troisième sexe, les apicaux, socialement et hiérarchiquement supérieur aux deux autres.
De l'autre côté, la Culture (oui, avec un grand C). C'est une société libertaire, voire anarchiste, sans loi et sans hiérarchie. L'argent n'existe plus, pas plus que la propriété. Cette utopie n'est possible que parce que l'avancée technologique est telle que les besoins de chacun sont comblés et que plus personne n'a de nécessité de travailler.
Mais cette société idéale est loin d'être aussi innocente qu'elle veut bien le faire croire et la fin du roman est, en l'occurrence, très éclairante sur la capacité de celle-ci à la manipulation.
Enfin, je ne résiste pas au plaisir de vous citer quelques uns des noms propres qui émaillent le récit, parce qu'à mon avis, ils valent vraiment le détour.
Chez les humains nous avons : Jernau Morat Gurgeh (le héros), Yay Méristinoux (son amie et amante, qui changera de sexe lors du voyage de Gurgeh), Shohobohaum Za
Chez les drones (sortes de petits robots intelligents) : Chamlis Amalk-ney, Flère-Imsaho, Mawhrin-Skel.
Chez les azadiens : Lo Péquil Monénine senior, Lo Prinest Bermoiya, Yomonul Lu Rahsp.
Quant aux vaisseaux spatiaux, ils ne sont pas en reste, avec des noms comme : Culte du Cargo, Jeune Voyou, Attitude Souple, Regrettables Témoignages Contradictoires, Parle à mon cul (si,si, je vous jure),Tant pis pour la subtilité.
L'homme des jeux est un excellent roman, qui se lit facilement et avec grand plaisir. Je n'ai pas encore poursuivi mon aventure dans le monde de la Culture, mais cela devrait être réparé dans un avenir proche.