dimanche 15 août 2010

Les Mages de Sumer - Michel Pagel

Présentation de l'éditeur
3200 avant Jésus-Christ à Sumer, à l'époque de l'invention de l'écriture. Deux frères - les mages Alad et Eneresh - reçoivent des dieux le don de l'immortalité. Croyant avoir élimi né Alad, Eneresh gravit les échelons du pouvoir jusqu'à devenir le personnage le plus puissant de Sumer, après le roi. Alors qu'il fomente un coup d'Etat avec l'aide de la fille du souverain, devenue sa maîtresse, Eneresh va devoir faire face à un adversaire inattendu : son frère. Ce dernier a été secouru par les seuls êtres qui échappent au contrôle des dieux : les esprits féeriques des pierres, de l'air ou de l'eau, qui lui ont enseigné une autre magie, et ont fait de lui leur champion pour la lutte dantesque qui s'engage...

J'étais persuadé n'être pas très objectif concernant un roman portant sur Sumer, la Mésopotamie. Je suis en effet depuis des années fasciné par ce pays, son peuple, son histoire.
C'est vous dire l'ampleur de ma déception. En dehors du style, simple et agréable à lire, rien ne m'a convaincu dans ce roman. Même le cadre, pourtant propice à provoquer sur mon visage l'apparition d'un sourire ravi, ne m'a pas semblé pleinement réussi. Les images que mon imagination a générées doivent davantage à mes lectures documentaires passées qu'au roman. Un comble. Certes, j'ai vu Uruk, Ur, le palais de Lugalzagesi, celui de Sargon, mais simplement parce que j'y étais déjà allé. Ce n'est pas Michel Pagel qui m'y a emmené.
L'histoire, quant à elle, n'a rien de bien révolutionnaire. Les deux frères qui d'abord s'aiment plus que tout au monde vont finir par s'affronter tout ça parce que l'aîné veut devenir calife à la place du calife. Rien de bien nouveau sous le soleil. Le synopsis tiendrait sur un ticket de métro. Même quand l'auteur cherche à innover en abordant les coutumes de l'endroit et de l'époque, à l'exemple du substitut royal (1), rite pourtant fort intéressant, il ne parvient pas à être vraiment captivant. Cela ressemble davantage à du remplissage.
Le récit est en outre ponctué de poncifs, de clichés, de maladresses. Exemple entre autres de cette femme, violée, et qui non seulement ne garde pas plus de séquelles que ça de son agression seulement quelques heures mais nous avons droit à des clichés machos comme : limite, elle y a pris du plaisir; cela l'a rendue plus forte. Ben voyons.
On a également la désagréable impression, d'autant qu'on ne s'y attend pas forcément, de lire de la littérature jeunesse. Je n'ai rien contre cette littérature, puisqu'il faut bien que les jeunes lisent pour devenir des lecteurs adultes et de plus j'en lis moi-même. Mais dans un roman qui a toute l'apparence d'être destiné à un public adulte, un tel changement de ton ajoute un côté naïf assez risible. Je pense notamment à la scène dans la salle du trône de Sargon, qui n'est rien de moins que le futur roi d'Akkad et de Sumer (en gros toute la Mésopotamie) et qui se comporte comme un gamin crédule.
Parlons d'ailleurs des personnages. Je les ai trouvé, pour ma part, sans épaisseur et assez transparents. Sans intérêt. Les méchants qui sont les moins ratés manquent déjà de présence et de charisme. Mais que dire des gentils ? Et en particulier du héros, Alad ? Michel Pagel a voulu en faire un homme sans courage. Ma foi, l'idée est bonne. Cela nous change des héros intrépides. Mais il force tellement le trait qu'il finit par en faire un personnage couard, pleurnichard et qui se fait même voler la vedette par d'autres. Ce roman serait un film, je serais tenté de dire que les acteurs y jouent sans conviction.
Mais plus que tout ce que je pourrais dire, le principal défaut du roman est probablement son manque d'âme, de passion, d'un simple intérêt. C'est bien ce qui m'a frappé tout au long de la lecture. Je ne me suis pour ainsi dire jamais intéressé au sort des personnages (pour être honnête, un peu tout de même de la jeune femme violée que j'ai déjà évoquée). Cette œuvre m'est apparue comme un travail de commande que Michel Pagel aurait exécuté sans passion.
J'avais également tenté, du même auteur, Le roi d'août, qui abordait la vie de Philippe Auguste en y ajoutant une touche de fantastique, mais j'ai dû l'abandonner rapidement. Pour autant, j'avais beaucoup aimé Les flammes de la nuit. Et si Pagel n'était tout simplement pas aussi bon dans les romans (pseudo)-historiques ?

Je vous invite à lire, pour vous faire une idée différente, la chronique, à l'opposé de la mienne, de l'ami Gromovar. D'après lui, il est préférable de lire la suite, Les mages du Nil, pour avoir un meilleur point de vue de l'œuvre. Mais, merci, non merci.


(1) Rite au cours duquel un homme prenait temporairement la place du roi pour subir à sa place d'éventuelles malédictions.

5 commentaires:

  1. D'accord avec toi sur le fait que les lieux sont peu décrits. On est loin du Salammbo de Flaubert.
    D'accord aussi sur la faible présentation des cultures localse.
    J'ajouterai même un peu d'eau à ton moulin en disant que les romans auraient pu fonctionner pareil sans immortalité.
    Néanmoins, si c'est un roman historique de piètre qualité, c'est une oeuvre fantastique qui m'a énormément distrait. Ca m'a fait penser, suivant les moments, aux Mille et une nuits, à Conan, à Kane, c'est à dire à beaucoup de choses que j'aime dans la littérature d'aventure.
    Ne te fais pas violence, ça n'a pas fonctionné, tant pis, mais je crois vraiment que le 2 est indispensable, notamment en ce qui concerne les personnages.

    RépondreSupprimer
  2. Je veux bien te croire quand tu dis qu'il est préférable de lire l'ensemble et que le deux est indissociable du un et vice-versa. D'ailleurs le premier n'a pas une fin très fermée, c'est clair. Cependant, je n'ai pas pris assez de plaisir dans cette première partie pour désirer poursuivre l'aventure.

    RépondreSupprimer
  3. Ah ouais quand même !
    Etant plus amateur du Salammbô de Flaubert que du Conan de Howard, je passerai mon chemin.

    Merci à Arutha et Gromovar pour les chroniques et veuillez me pardonner mes sarcasmes.

    RépondreSupprimer
  4. Petite reponse quant au commentaire sur le viol... il etait necessaire a l'auteur d'entourer cet evenement d'une aura machiste puisque qu'a l'epoque, la femme valait moins que le chameau ou la chevre qu'elle apportait en dot. Le viol, reconnu chez les femmes comme une violence leur etant faite, n'etait reconnu chez les hommes que lorsque le crime touchait leur femme ou leur fille. Donc je crois que cet aspect, peu ragoutant il est vrai, a sa place dans un roman psudo-historique. De plus, le viol laisse chez le personnage de tres grandes sequelles, que tu n'a pas su reconnaitre. Elle passe d'une jeune fille charmante a une femme desemparee, peu sure d'elle, portant une crainte viscerale qu'elle transpose en une violence et une agressivite majeure. Voila !

    RépondreSupprimer
  5. @ laurie : soyons clairs, ce n'est pas le viol lui-même que je trouve déplacé ni le comportement des mâles de l'époque. Encore que ma modeste connaissance de Sumer m'incite à croire que la femme avait une place autrement plus importante que ce que l'auteur veut nous faire croire. La société sumérienne est assez atypique pour ça et elle sera, malheureusement, absorbée et remplacée par la société akkadienne dont il est justement question dans le roman et qui, elle, est autrement plus phallocrate.
    Mais passons. Ce que je n'ai pas digéré c'est que la jeune femme semble avoir pris du plaisir au cours de ce viol. Ce n'était pas indispensable. Quant à son changement, il ne m'a pas convaincu. C'est le moins qu'on puisse dire.
    Mais tant qu'un même texte provoquera des réactions dissemblables c'est que tout va bien puisque la diversité est sauve.
    Reviens t'exprimer quand tu veux Laurie. Tu es la bienvenue.

    RépondreSupprimer