jeudi 12 août 2010

L'affaire Charles Dexter Ward - H.P. Lovecraft

Quatrième de couverture
Échappé de Salem lors de la grande chasse aux sorcières du XVIIIe siècle, Joseph Curwen vint s'établir à Providence où il mourut en 1771. La découverte de sa tombe par son descendant, Charles Dexter Ward, marque le début d'un drame au cours duquel le jeune homme perd l'esprit.
Un vieil ami de sa famille, le docteur Willet, enquête sur cette affaire diabolique où chaque pas vers la vérité révèle des horreurs innommables. Pourquoi, par exemple, l'écriture du jeune Ward devient-elle peu à peu semblable à celle de Joseph Curwen, le sorcier ?

J'ai un problème avec Lovecraft. Je me rends compte que je lis de la littérature de l'imaginaire depuis bientôt 40 ans et que je n'ai jamais lu une page de cet auteur. Pourquoi me direz-vous ? Eh bien pour l'incroyable raison que je connais depuis toujours le racisme extrêmement prononcé de l'individu et que je n'ai jamais voulu accorder la moindre attention à ses écrits. Vous avez le droit de trouver cela stupide mais je suis ainsi fait. J'avais sans doute la crainte d'être souillé par ses textes à l'instar de ces héros de nos récits préférés qui refusent d'approcher certains lieux qu'ils jugent maléfiques. Mais bon, je m'en serais voulu de montrer la même haine irrationnelle à l'égard de l'écrivain Lovecraft que celle que l'homme Lovecraft montrait vis à vis des Noirs. Et voilà comment j'attaquais donc cette Affaire Charles Dexter Ward, bien décidé à juger ce que j'allais lire avec la plus totale objectivité. Et je vous donne ma parole que c'est bien ainsi que je procédai.
Eh bien je dois avouer que le résultat était fort éloigné de mes espérances (si tant est que j'avais espéré quoi que ce soit). J'ai trouvé ce roman d'un ennui comme j'en ai rarement éprouvé.
La faute d'abord à un style archaïque et lourd peu apte à susciter mon intérêt. J'ai dû souvent, bien trop souvent, relire plusieurs fois les mêmes phrases avant d'en comprendre le sens. Parfois du fait même de leur construction, d'autres fois parce que mon esprit s'évadait, par manque d'intérêt, et que je n'étais plus assez concentré sur ce que je lisais. Ma lecture a pris souvent une allure de calvaire et les 120 pages m'ont semblé 300. Il faut ajouter à cela un manque presque total de dialogues. Le fait qu'un récit en soit dépourvu ne me gêne pas a priori. Mais les dialogues étant, en quelque sorte, la respiration du texte, son oxygène, il faut que le récit soit diablement passionnant pour s'en passer. Et il ne l'a pas été pour moi.
On peut diviser le texte en trois parties, à peu près égales, qui deviennent, il faut bien le dire, au fur et à mesure moins ennuyeuses. La première concerne Joseph Curwen, l'ancêtre de Charles Ward. Elle est constitué essentiellement de témoignages, de lettres, de documents qui remontent tous à plus d'un siècle. Le résultat est un récit pas très vivant. Lovecraft s'est cru de plus obligé de sombrer dans le détail géographique du plus soporifique effet. Celui qui aurait en tête de réaliser un plan détaillé de la ville de Providence y trouverait sans doute son compte. Moi, pas. Le tout est chargé de pseudo-mystères qui rendent la lecture encore un peu plus difficile mais de façon artificielle et vaine puisqu'on sait très vite parfaitement ce que Curwen cherche à faire.
La seconde partie est davantage centrée sur Charles Ward lui-même. Les évènements étant cette fois contemporains de la narration, ils sont un poil plus vivants. Là aussi beaucoup de mystères mais qui paraissent gonflés artificiellement. On ne voit jamais se qui se passe dans le laboratoire de Ward mais on se doute bien de ce qui s'y déroule. Encore une fois, la montagne accouche d'une souris.
Dernière partie (enfin), de loin la plus vivante et qui concerne cette fois le docteur du brave Charles. Il va tenter de faire la lumière complète sur l'enfer qu'a traversé son patient. Il y parviendra, mais le dénouement est, hélas, bien trop prévisible. Ce texte de 1927 était probablement très original à l'époque mais il a perdu toute sa force aujourd'hui.
Reste que les personnages sont assez inintéressants. Très peu vivants (humour). On se fiche comme d'une guigne de ce qui peut arriver aux uns ou aux autres. On ne tremble pas. Aucune peur, aucune angoisse. Et pourtant je suis loin d'être blasé. D'autres textes, et encore récemment, m'ont fait courir des frissons le long de l'échine.

Voilà, on va dire que je ne suis pas fait pour Lovecraft ou qu'il n'est pas fait pour moi. Certains me diront que je suis passé à côté de quelque chose d'exceptionnel mais je n'en ai jamais eu aussi peu conscience.
Je crois savoir que ce roman (unique chez l'auteur) est un peu à part dans la bibliographie de Lovecraft et que même certains de ses fans ne l'apprécient pas plus que ça. Je vais donc, consciencieusement, poursuivre mon effort de découverte.
Pour prouver à HPL que je ne suis pas rancunier, je vous invite à lire la chronique, une fois de plus admirable, de mon quand même ami El Jc qui a une toute autre vision de l'œuvre.

Et en parlant d'ami, je sens que je vais m'en faire tout plein d'ici pas longtemps.

11 commentaires:

  1. Pour ma part, j'ai lu du Lovecraft sans connaitre ses opinions racistes, et j'ai été dérangé par un certain nombre de passages.

    Son racisme n'est d'ailleurs pas spécifiquement à l'égard des noirs mais apparait dans son vocabulaire. Par exemple, il parle des habitants d'une région très rurale, composée principalement d'agriculteurs assez peu éduqués, et il n'hésite pas à insister sur le fait qu'il s'agit d'individus "fondamentalement inférieurs".

    Par ailleurs, comme tu le soulignes, le style est aussi un peu particulier, difficile par rapport à Edgar Poe par exemple (pour rester dans le fantastique sombre).

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  2. Je préfère également Poe et de loin. Beaucoup plus lisible (merci Baudelaire), plus intéressant et qui a moins pris un coup de vieux, je trouve.

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  3. Je pense être un peu comme toi avec Lovecraft. C'est une forme d'ennui qui prédomine à la lecture en plus, comme je l'ai dit à EL JC, d'une impression de répétition dans toutes ses histoires, servies par un style qui me semble trop chargé.

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  4. Pour ma part je tente de ne jamais mélanger mon ressenti pour un auteur et son oeuvre. C'est vrai que mon appréciation de cette oeuvre est presque à l'opposée de la tienne. Qu'à cela ne tienne, cela nous donnera l'occasion d'échanger une fois de plus autour d'une bonne pinte à notre prochaine rencontre ;o)

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  5. @ Sylvain et Biblioman(u) : ça fait du bien de se sentir moins seul.
    @ El Jc : quand tu veux et avec plaisir pour échanger autour d'une pinte (ou deux). Je suis vraiment curieux de t'entendre m'expliquer ce que tu lui trouves à Lovecraft. J'ai rarement été autant en décalage avec la plupart des autres lecteurs un tant soit peu exigeants.

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  6. Lovecraft m'a oublié que je lisais dehors par une après midi de printemps sur la pelouse de mon lycée.
    Depuis je suis un inconditionnel...

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  7. J'ai eu quelques réserves mais j'ai bien aimé globalement. Et je suis curieuse de découvrir ses récits qui font plus l'unanimité :)
    Ton commentaire me donne envie de redécouvrir Poe par contre, j'en ai peu lu mais c'était vraiment bien, et j'ai l'intégrale à la maison. :)
    Quant à ne pas te faire d'amis... bah, ton opinion est aussi respectable que celle des autres, c'est même plus enrichissant de ne pas être d'accord ;)

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  8. C'est marrant, moi j'aime beaucoup ce roman, il fait partie de la petite dizaine de romans qui ont eu le droit a une relecture.
    le probleme de Lovecraft c'est qu'il (ab)use de quelques procédés littairaire ce qui fait qu il est diffile de se taper plusieurs romans d'affillée. Mais j'adore les retrouver de temps en temps, gouter ces phrases desuetes, retrouver les vieux grimoires, les engoulevents, les statuettes maudites, la sinistre Providence et les Grands Ancients.
    Pour moi c'est une véritable madeleine de la litterature de l'imaginaire qui a la meme saveur que les contes de mon enfance, ceux avec lesquels je prenais plaisir a relire pour jouer à me faire peur.
    Didier

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  9. À lire tous vos commentaires, je suis de plus en plus perplexe, je l'avoue. Je me fait l'effet d'un véritable iconoclaste qui ose médire d'un véritable monument de la littérature fantastique. Et si les gens qui aiment Lovecraft étaient niais ou incultes, ça m'arrangerait, mais c'est tout le contraire. De plus, on a affaire à de gros lecteurs, pas des lecteurs du dimanche. Donc je ne comprends pas cet engouement. Si encore je trouvais le roman pas si bon, mais je le trouve vraiment mauvais. Pour les raisons que j'ai exposé dans ma chronique et que je ne vais pas répéter ici. Mais on ne peut pas toujours tout comprendre. Malheureusement ... ou pas.
    C'est Voltaire qui disait un truc du genre : je ne partage pas vos idées mais au besoin je me battrai pour que vous puissiez les exprimer.
    Donc continuez à aimer l'œuvre de Lovecraft et ne faites pas attention à moi. ;o)

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  10. En effet tu n'accroches pas du tout ! Je suis dans le cas inverse puisque ça m'arrive de relire cette nouvelle comme d'autres textes de HPL; et je me suis parallèlement beaucoup intéressé à la bio de l'auteur. Concernant Poe, il y a chez lui quelque chose de plus poétique que chez Lovecraft, par contre.

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  11. "J'ai dû souvent, bien trop souvent, relire plusieurs fois les mêmes phrases avant d'en comprendre le sens." Étrange ; Lovecraft écrit assez simplement, enfin...
    Sinon on n'a le droit de ne pas aimer, je suis d'accord, et pourtant ce roman de Lovecraft est l'un des meilleurs. Tous l'intérêt est dans le non-dit, le non-montrer et les suppositions que doit faire le lecteur au fil des indices, des bribes qui nous parviennent à travers les portes closes et les journaux déchirés. L'objectif du lecteur est de cerner comme il peut la nature des activités maléfiques. Peut de roman d'horreur ont autant l'apparence de la réalité, à ce titre on est dans la grande lignée du fantastique réaliste à la Bram Stoker (Dracula). L'embrouillage des références aux livres kabbalistiques et autre (dont la bible) est très poussé et très divertissant – quelle référence est historique laquelle est fictive ?
    Enfin voilà, je te donne l'adresse de mon blog, qui parle beaucoup de Lovecraft, mais bon on ne sait jamais :

    http://machinations-demiurgiques.blogspot.com/

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