Policier
Je suis resté longtemps sans lire un seul Simenon, a fortiori pas un seul Maigret. Depuis quelques mois, l'oubli est réparé. Je comble même cette lacune avec une frénésie extravagante. C'est ainsi que, depuis l'été dernier, j'ai lu (dévoré ?) très exactement 10 des romans mettant en scène le célèbre commissaire. Mais pourquoi ne faire qu'une seule chronique de ces 10 premiers livres plutôt qu'une chronique pour chacun d'eux ? me direz-vous. Si, si. On fait comme si c'était une question que vous vous posiez. La réponse est assez simple. En dépit du plaisir énorme et étonnant que je prends à chacune de mes lectures des aventures de Maigret, je me dois d'avouer que chacun des romans ressemble aux autres. Il baigne dans la même ambiance, les méthodes du commissaire sont chaque fois les mêmes. En lire un, c'est les lire tous ... ou pas. Mais difficile de dégager des qualités particulières de chacun d'eux.
En revanche, et c'est ce qui fait la force de ces romans, les personnages sont chaque fois très différents même s'ils sont un peu toujours semblables malgré tout. Car ce sont des êtres humains avec leurs forces, leurs faiblesses, leurs amours, leurs haines.
En définitive, on ne relit pas inlassablement le même roman, mais on y trouve immanquablement les mêmes qualités. En fait, en chroniquer un c'est les chroniquer tous ... ou inversement.
Et ces fameuse qualités (à mes yeux j'entends), quelles sont-elles ? La personnalité de Maigret d'abord. Incontestablement voilà un policier particulièrement atypique. Personnellement, je n'en connais pas d'autres comme lui. Dire qu'il est bourru c'est utiliser un doux euphémisme. C'est un véritable ours. Les différentes versions filmées ne nous ont pas totalement ou suffisamment préparés au choc de la rencontre avec le personnage originel. Je dois confesser mon immense surprise lorsque j'ai vu agir le commissaire pour la première fois (Pietr le Letton). Plus taciturne que lui ça s'appelle un muet. Et il faut le voir ignorer superbement les questions qu'on lui pose. Cela en devient presque drôle.
Pourtant c'est un humaniste. Il aime les gens. Même s'il ne se fait guère d'illusion à leur sujet. Il fait toujours preuve de compassion pour les victimes. Mais également, et c'est plus étonnant, il se garde le plus souvent de juger, de condamner les coupables. Il peut même faire preuve de compassion aussi, voire de sympathie à leur égard. Son boulot est d'appréhender ceux qui ont commis des crimes vis à vis de la loi et il le fait bien. Le jugement, il laisse cela à d'autres.
La méthode Maigret est particulière également. À la différence d'un Hercule Poirot qui utilise ses « petites cellules grises » pour découvrir les coupables, qui fait appel à sa rigueur, qui est même capable de résoudre une énigme assis dans son fauteuil et des années après les faits (Cinq Petits Cochons), Maigret utilise plutôt son instinct, voire sa chance presque, pour parvenir à la vérité. Il s'imprègne de l'atmosphère des lieux, de la personnalité des protagonistes. Il hume, il flaire, il attend, longtemps parfois. Et il est vrai qu'une enquête de Maigret peut parfois sembler longue à ceux qui sont friands d'action. Parce qu'il faut bien le dire, il ne se passe pas grand chose de spectaculaire dans ces enquêtes. Il y a bien une petite bagarre de temps en temps ou une poursuite. Parfois même un coup de feu. Mais ça ne va pas plus loin.
Oui mais j'aime ces récits qui prennent leur temps. Qui sont comme des longs fleuves tranquilles. Ou, pour mieux dire, des canaux paisibles. Car des canaux ou des cours d'eau tranquilles, on en côtoie quelques uns aux cours des enquêtes. Est-ce parce que Simenon est un homme du nord où les canaux sont (peut-être) plus présents qu'ailleurs ? Je l'ignore, mais on croise pas mal de péniches et de bateaux quand même.
Il faut dire aussi que notre Maigret ne tient pas en place. Même si sa fonction de commissaire parisien ne l'autorise pas (a priori) à enquêter ailleurs que dans la capitale, on ne l'y voit pas si souvent. Que de balades, que de lieux visités en 10 romans ! Mais du coup, il n'est pas souvent à la maison, cet homme là. C'est madame Maigret qui doit en faire une tête (à moins que cela ne l'arrange) parce que son policier de mari agit toujours de la même façon. Dès qu'une enquête commence, il se pose près de l'endroit du crime et n'en bouge souvent plus jusqu'à la résolution.
Et c'est un autre des charmes de la série. On se retrouve plongé pendant quelques jours (dans la fiction j'entends) dans un univers chaque fois différent. Ajoutons à cela l'écart temporel (les premiers romans datent des années trente) et le dépaysement est garanti.
Et de charme, l'époque n'en manque pas, du moins à mes yeux. On s'en sent à la fois si proche et si éloigné. Proche parce qu'on y retrouve la plupart des éléments de notre monde moderne (à l'exception de l'ordinateur). Voitures, téléphones, radio, télévision (au moins les balbutiements) ... Éloigné parce que tout y a un caractère désuet (objets, métiers, habitudes, comportements ...)
Bon, est-il utile que j'en ajoute davantage ? Vous l'aurez compris, j'aime les enquêtes du commissaire Maigret. Les livres sont de plus ultra courts. Pas de soirées pénibles pour venir à bout de milliers de pages. Chaque fois que j'hésite sur une nouvelle lecture, je me prends un Maigret. Je suis sûr de passer un bon moment. C'est ma petite friandise.
Voici un cours résumé des 10 romans que j'ai lus.
Pietr le Letton Première enquête du commissaire. Maigret suit à la trace un escroc international à Paris et en Province.
Le Charretier de la Providence Une enquête sur la Marne, de péniche en bateau de plaisance, entre deux écluses.
M. Gallet décédé M. Gallet est retrouvé mort par balle dans un hôtel de Sancerre. Maigret découvre que la personnalité de la victime est plus complexe qu'il n'y parait.
Le Pendu de Saint-Pholien Étrange enquête en Belgique qui commence (par hasard) avec la filature par Maigret d'un homme au comportement curieux. Un homme qui finira par se suicider.
La tête d'un homme Maigret fait évader de prison un homme jugé coupable d'un double meurtre. Sauf que le commissaire le croit innocent.
Le chien jaune Un petit groupe d'habitués d'un café de Concarneau voit ses membres assassinés, ou pas loin de l'être, les uns après les autres.
La Nuit du Carrefour Un carrefour, près d'Arpajon, occupé par trois maisons. Andersen, un Danois, retrouve dans son garage la voiture de son voisin. Dans la voiture, un cadavre.
Au rendez-vous des Terre-Neuvas Après trois mois passé en mer, un bateau de pêche rentre au port de Fécamp. Son capitaine est retrouvé assassiné.
La Danseuse du Gai-Moulin Deux adolescents liégeois se laissent enfermer dans un cabaret afin de s'emparer de la recette. Mais il découvrent un cadavre.
Depuis, j'ai ajouté un roman à la collection, La Guinguette à Deux Sous qui se déroule au bord du canal Saint-Martin.
J'en ai lu quelques uns il y a bien longtemps et ton article me donne envie de m'y replonger!
RépondreSupprimerC'est si vite dévoré en plus
RépondreSupprimerJ'y jetterais bien un coup d'oeil aussi. L'article donne envie.
RépondreSupprimerEn matière de canaux, le seul Maigret dont je me rappelle : un corps retrouvé dans le Canal Saint Martin. Depuis, cet endroit à Paris me fait toujours penser à Maigret...
J'en lisais pas mal lors d'une courte période polar il y a dix ans de cela ;)
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