mercredi 20 mai 2009

L'île de la bataille - Sean Russell

La guerre des cygnes II - Trilogie

Maintenant j'en suis sûr, Bob (à découvrir ici), n'est pas l'agent du seul Greg Keyes. J'ai bien peur qu'il soit aussi celui de Sean Russell. Parce que pour écrire en 600 pages ce qui aurait pu se dire en 60 et sans ellipse, il faut être solidement coaché. J'avais déjà évoqué lors de la critique du premier tome, Le royaume unique, le manque d'action de l'ouvrage. Mais j'ai peur que nous n'atteignions dans le suivant un sommet dans l'art de beaucoup parler sans faire avancer l'histoire. C'est bien simple, ça a tout du pari stupide. Je te parie que j'écris 600 pages sur une poignée d'évènements. De fait, 80 % de l'action (enfin, action ...) concerne 80 % des personnages qui se courent après tout le long du livre. Si encore ils progressaient. Je parle en termes géographique. Mais même pas. Ils errent tous dans une sorte de marécage, les Eaux stagnantes, qui n'existe même pas officiellement. Une sorte de monde parallèle. Censé être inconnu de la plupart des gens mais aussi fréquenté que les Champs Elysées un samedi soir d'été.
Parce que du monde il y en a. J'ai rarement vu, rassemblé dans un même lieu et dans le même temps, autant d'hommes d'arme pourvus d'une identité. Parce que des types capable d'utiliser avec plus ou moins de bonheur, qui une épée, qui un arc, qui un bâton, dotés d'un état civil : nom, nom du père, profession, etc., et qui plus est crédités d'un certain nombre de répliques, ce ne sont pas 2 que je vous en mets pour le prix, messieurs dames. Ce ne sont pas 3, ni même 4, ni même 5. Ce ne sont pas 9 comme dans la compagnie de l'anneau. Et encore, il y avait des hobbits pas guerriers du tout. Ce Tolkien, quel petit joueur. Non messieurs dames, pour le prix d'un livre de poche, ce n'est pas moins d'une bonne quinzaine de héros que je vous livre. Du jamais vu. Ou alors chez Homère. Il y a longtemps.
Le problème est d'ailleurs moins le nombre des personnages guerriers que leur redondance et leur densité au kilomètre carré. Beaucoup d'entre eux sont parfaitement interchangeables, en particulier un groupe de guerriers issus d'une autre époque et âgés de plusieurs siècles. Un seul d'entre eux aurait sans doute suffit pour endosser le costume de "légende vivante". Beaucoup de monde donc, pour une immense partie de cache-cache qui ne nous mène pas bien loin.
Cette vaine agitation est par ailleurs décrite, non sans une ironie bien involontaire (ou alors l'auteur se fout de nous) dans une réplique de l'un des personnages, à la toute fin du tome, qui sonne comme un aveu :
- Tout ce que nous avons enduré ... et nous n'avons rien accompli.

Pourtant, pour être tout à fait honnête, force m'est d'avouer que je ne me suis pas réellement ennuyé à la lecture. La raison en est sans doute au premier talent de Russell : sa capacité à nous raconter une histoire sans grand relief mais avec une grande force de conviction et d'évocation. Que ce soit dans le premier tome, sur la rivière, ou dans le second, dans les marécages (toujours dans l'eau) nous sommes littéralement plongés dans les univers décrits.
Il faut admettre également que les parties du récit se déroulant hors des "Eaux stagnantes" donnent une respiration salutaire à l'ensemble. Les faits décrits sont dignes d'intérêt et les personnages très attachants. On peut y lire notamment le récit de la cavale de deux fuyards, de deux personnages certes non essentiels, qui sent un peu le remplissage, mais qui apporte un souffle épique indéniable.

Au total, La guerre des cygnes reste une oeuvre singulière qui emprunte aux décors aquatiques dans lesquels elle se déroule, majesté et lenteur. A réserver, encore une fois, plutôt aux contemplatifs.

5 commentaires:

  1. Quelle belle couverture. Je me demande bien qui l'a commandée à Marc Simonetti...

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  2. Et avec le mode "Bob" mis en marche :

    Sean, c'est un bon p'tit gars, mais il du mal à pisser de la copie. Du coup, j'ai demandé à la secrétaire d'édition de copier/coller plusieurs fois le même chapitre à la suite dans chacun des tomes, pour donner l'impression que les personnages descendent un fleuve sans fin ou errent dans des marais sans fin ou escaladent une montagne sans fin. Ca passe bien mieux comme ça, le lecteur aurait pas eu l'impression de lire une saga de fantasy si ça avait tenu en 3 x 50 pages, comme c'était prévu à l'origine !

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  3. Doit-on voir dans cette histoire de couverture un sens caché ?

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  4. Bonjour Arutha. Je reste dubitatif devant ta chronique. Ne sachant pas au final si je dois attaquer le cycle ou pas comme j'en avais eu un temps l'intention lors de ta présentation du premier tome...

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  5. Bonjour El Jc,
    si tu te sens perdu c'est parce que, moi même, je suis perdu. Je ne sais pas trop quoi dire de ce cycle sinon que :
    1 je ne déteste pas
    2 je lirai le tome 3
    mais effectivement, le tout fait 1800 pages, il faut se sentir de tout lire avant d'attaquer. Désolé de ne pouvoir plus t'aider. En même temps, il y a plein d'autres romans plus fun à lire.

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