dimanche 28 février 2010

Le Royaume de Tobin, T1 - Lynn Flewelling

Résumé
Dans le royaume de Skala régi par des reines-guerrières, le prince Érius s'empare du pouvoir et élimine toutes les prétendantes au trône, sauf une, enceinte de jumeaux. À leur naissance, deux mages et une sorcière sacrifient l'enfant mâle et transforment la petite fille en lui donnant l'apparence d'un garçon. C'est le seul moyen d'assurer l'avenir du royaume, désormais ravagé par les épidémies et les famines, menacé par de puissants ennemis.
Élevée comme un garçon, Tobin grandit en ignorant sa nature... et sa véritable destinée.

Extrait
Iya retira le chapeau de paille qui la protégeait en voyage pour s'en éventer, tandis que son cheval s'échinait à grimper le chemin rocailleux d'Afra. Le soleil au zénith flamboyait dans un bleu sans nuages. On n'en était qu'à la première semaine de Gorathin, soit beaucoup trop tôt pour qu'il se montrât si chaud. Tout semblait indiquer que la sécheresse allait durer une saison de plus.
Néanmoins, de la neige scintillait encore là-haut, sur les cimes. De temps à autre, le vent y ébouriffait un plumet blanc qui, se détachant sur le ciel bleu cru, suscitait une illusion cruelle de fraîcheur, alors qu'ici dessous la passe étroite suffoquait, sans la moindre brise pour la rafraîchir. En n'importe quel autre lieu, Iya n'aurait pas manqué d'évoquer un soupçon de vent, mais aucune magie n'avait licence de s'exercer à moins d'une journée de chevauchée d'Afra.
Devant elle, Arkoniel roulait sur sa selle, telle une cigogne hirsute et dégingandée. La sueur trempait tout le long du dos la tunique en lin du jeune magicien que maculait l'équivalent gris d'une semaine de poussière accumulée par les chemins. Jamais il ne se plaignait ; l'unique concession qu'il eût faite à la canicule était d'avoir sacrifié les bribes éparses de barbe noire qu'il cultivait depuis le dernier Erasin, date de ses vingt et un ans.
Pauvre garçon, songea affectueusement Iya ; la peau tout juste rasée se montrait déjà sévèrement rôtie par le soleil.
Du fait que l'Oracle d'Afra, leur destination, se trouvait en plein cœur des montagnes épineuses de Skala, s'y rendre était une épreuve exténuante en toute saison. Ce long pèlerinage, Iya l'avait accompli déjà par deux fois, mais jamais en été.
Les parois de la passe étranglaient à présent le chemin, et des siècles de quémandeurs avaient écorché la roche noire en y traçant leurs patronymes et leurs suppliques à Illior l'Illuminateur. Certains s'étant contentés d'y graver le fin croissant de lune du dieu, celui-ci bordait la route comme autant d'innombrables sourires en biais. Arkoniel y était allé du sien, dans la matinée, pour commémorer sa première visite.
Le cheval d'Iya trébucha, et ce qui motivait le voyage rebondit durement contre sa cuisse. À l'intérieur du sac de cuir usé qu'elle avait suspendu à l'arçon de sa selle se trouvait, minutieusement emmitouflé de linges et de magie, un vilain bol tout de traviole en terre brûlée. Il n'avait rien de remarquable, hormis que pour peu qu'on le laissât à découvert en irradiait une effroyable aura de malignité. Certes, Iya ne s'était pas fait faute, et cent fois pour une, au fil des ans, de se figurer qu'elle le jetait du haut d'une falaise ou dans les flots d'une rivière, mais elle en aurait été aussi incapable, à la vérité, que de se trancher un bras. Elle était le Gardien ; ce que contenait le sac, elle en avait la charge depuis plus d'un siècle.
À moins que l'Oracle ne me dise le contraire. Après s'être noué sur le sommet du crâne ses maigres cheveux grisonnants, elle éventa de nouveau sa nuque en nage.
Arkoniel se retourna sur sa selle pour s'inquiéter d'elle. La sueur emperlait ses boucles noires et rebelles, sous les bords flapis de son couvre-chef.
"Vous avez le visage tout rouge. Nous ferions mieux de nous arrêter de nouveau pour nous reposer.
- Non, nous sommes presque arrivés.
- Dans ce cas, reprenez au moins un peu d'eau. Et remettez donc votre chapeau !
- Tu me donnes le sentiment que je suis vieille. Je n'ai que deux cent trente ans, sais-tu ?
- Deux cent trente-deux", rectifia-t-il avec une grimace pince-sans-rire. C'était un de leurs vieux jeux.
Elle prit un air revêche.
"Attends seulement d'avoir atteint ton troisième âge, mon gars. Tenir le compte, ça devient plus dur."


Bonne surprise que ce Royaume de Tobin. Ou comment renouveler le roman d'apprentissage notamment par l'introduction de la confusion des sexes.
Chronique complète à l'issue de la lecture du cycle.

3 commentaires:

  1. J'ai cette saga dans ma "PAL" depuis un moment. j'en ai lu beaucoup de bonnes critiques!

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  2. Moi je l'ai entamée sans a priori étant donné que je n'en avais lu aucune critique. Ni bonne ni mauvaise. C'est assez rare pour être souligné.

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  3. Si tes impressions sont plutôt positives, ça ne doit pas donc être trop bébête :). Je ne sais plus qui m'avait dit que le tome 1 est un peu long à démarrer et un poil glauque mais qu'ensuite ça va.

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