Cavanagh. Une étoile à vingt-cinq années-lumière de la Terre. Les humains y ont autrefois envoyé une mission dont ne subsiste qu'une poignée de fondamentalistes établis sur la planète principale, sous la surveillance d'Aras, le gardien wess'har désigné. Celui-ci appartient à une espèce extraterrestre si respectueuse de l'environnement qu'elle n'a pas hésité, par le passé, devant le génocide de millions d'autres envahisseurs afin de sauver l'écosystème local. L'officier de la police environnementale Shan Frankland, accompagnée d'un petit groupe de scientifiques et d'une poignée de Marines, a accepté de partir pour Cavanagh. Mais leur arrivée n'est pas passée inaperçue et ils courent un danger dont ils sont loin de soupçonner l'ampleur. Car le gardien Aras a été colonisé par une forme de vie symbiotique, hautement contagieuse, qui le rend pratiquement invincible et immortel. Obligé de vivre seul, à l'écart de sa propre race, il n'a aucune raison de se montrer conciliant avec les Terriens dont le comportement est source de conflits sans nombre. Et, dans les guerres wess'har, il n'y a jamais de survivants du côté des vaincus...
Encore un livre que je n'ai pu achever. Décidément, l'année où je décide de créer un blog de chroniques littéraires, j'ai bien peu de chance avec mes lectures.
Pourtant tout se présentait plutôt bien. Mon enthousiasme du début n'était pas feint. Le style était simple (certains disent plat), l'histoire promettait d'être intéressante. L'auteure nous épargnait les sempiternels paragraphes truffés d'explications scientifiques et technologiques sur, notamment, le vol spatial et qui sont le lot de la plupart des récits du genre. En revanche, elle nous faisait bénéficier de ses connaissances du milieu militaire. bref, tout allait pour le mieux. Sauf que ...
Les descriptions et les dialogues ne sont pas le fort de la romancière. On ne se fait que difficilement une image mentale de la planète et de ses habitants.
Pire. Pendant des dizaines, voire des centaines de pages, il ne se passe pour ainsi dire rien. Mais là où une Robin Hobb profite de ces pauses dans l'action pour mieux cerner à notre attention la psychologie des personnages et parvient, malgré tout, à faire avancer l'histoire, Karen Traviis noircit des pages sans grand intérêt. Seuls deux personnages bénéficient d'un traitement particulier : Shan Frankland et Aras. Shan est une policière spécialisée dans la lutte contre les atteintes à l'environnement et chef de l'expédition terrienne envoyée vers la colonie Constantine. Aras est un extraterrestre, un guerrier wess'har, sorte de gendarme écologique auto-proclamé de la planète.
A peine quelques autres personnages, la capitaine et le sergent marines, un journaliste et un membre de la colonie d'origine, ont-ils droit à un traitement de surface très léger. Les marines demeurent un groupe compact sans beaucoup d'individualités. Même chose pour les scientifiques, tous interchangeables. Après avoir lu 328 pages, c'est à peine si je connaissais, pour chacun d'eux, ne serait-ce que son sexe ou sa spécialité. Ne parlons pas des colons, de loin le groupe le plus nombreux (un millier d'individus) mais dont on ne connait vraiment qu'un seul représentant.
Si encore l'auteure se contentait de cette faible exposition des personnages, se serait certes dommage mais non rédhibitoire. Hélas, les deux personnages sur lesquels elle a choisi de se focaliser sont, de mon point de vue, notoirement antipathiques. Aras n'est rien d'autre que le responsable d'un génocide envers une autre espèce extraterrestre. Juste parce que l'un d'eux a jeté son mégot par terre. Bon d'accord, je plaisante, mais à peine. C'est uniquement à cause de la menace écologique qu'ils étaient censés représenter que les isenj ont été exterminés. Faut pas faire chier Aras. Shan, si elle n'a pas (autant) de sang sur les mains est cependant faite dans le même moule. Elle comprend Aras et devient même son amie.
Mais la goutte d'eau d'horreur qui a fait déborder le vase de ma tolérance c'est lorsque l'une des scientifiques est condamnée à mort par Aras. Tout simplement parce qu'elle a ramassé et autopsié le corps d'un jeune bezeri, une troisième espèce extraterrestre, qu'elle croyait mort, de bonne foi.
Le fait que les bezeri et les wess'har appliquent la peine de mort ne me dérange pas plus (mais pas moins) que chez les américains. Je le déplore mais ni peux rien. De même que Shan. Ce qui me gène c'est le peu d'efforts qu'elle fournit pour empêcher ça. Et par dessus tout, qu'elle accepte la sentence alors même qu'il n'y a eu aucun procès. J'aurais espéré et trouvé vraisemblable de la voir se battre, même sans espoir. Il s'avère que Shan ne vaut pas mieux qu'Aras. J'avoue que cette écologie extrémiste, ces deux nazillons verts, me donnent un peu la nausée.
J'ai bien essayé de poursuivre ma lecture mais j'ai un peu de mal à lire en me pinçant le nez. Je suis sans doute trop sensible à certains discours nauséabonds. La plupart des gens parviennent à passer outre leur dégoût pour ne s'intéresser qu'à l'histoire. J'aurais pu certes essayer de faire preuve d'autant de détachement et j'y serais peut-être parvenu si les qualités du roman avaient été à la hauteur. Mais ce n'est pas le cas.
Vous voilà prévenus.
Comme je suis un bon garçon, je vous indique plus bas un lien vers une autre vision de l'oeuvre de mon camarade blogger El Jc. Et pour ne pas être en reste, un autre vers une critique plus dans mon sens, de Thomas Day.
Petite note à Hugin & Munin : je suis prêt à créer, avec vous, le club des cauchemars d'éditeurs.
Nuances et précisions...
RépondreSupprimerLes Wess'Har sont effectivement une race extra-terrestre qui s'est auto-proclamée responsable de la préservation écologique des mondes connus. Leurs méthodes sont effectivement on ne peut plus radicales. Je nuance le coup du "mégot de clopes" : Si Aras est bel et bien l'auteur d'un génocide d'une colonie Iseng, il l'est car leur gestion écologique sonnait a terme l'anéantissement de la race des Bezeri donc Aras est l'ultime protecteur. Quand au meurtre (car il s'agit bien de cela je te le concède), de la scientifique, il est la sentence ordonnée par Aras sans jugement aucun pour le meurtre d'un jeune Bézeri sur lequel la scientifique en question réalise une autopsie alors que l'individu est encore en vie (oui je sais, elle n'en est pas consciente).
Traviss décrit les moeurs et les coutumes de sociétés extra-terrestres qui sont à cent lieues de celles des terriens. Elle le fait sans complaisance, mais avec le mérite de rester jusqu'au bout fidèle à la mentalité dont elle a choisie de les doter.
Je comprends ton point de vue, connaissant l'importance primordiale que tu portes aux personnages au sein d'une fiction. Une importance que pour ma part je ne donne principalement qu'au récit. Oui, Shan et Aras peuvent être perçus comme deux beaux salauds. Je puis comprendre que cela puisse déranger. Je n'ai pour ma part pas besoin de pouvoir m'identifier aux héros d'un récit pour pouvoir en profiter. Quand je lis par exemple la série de Thomas Harris, et même si Hannibal Lecter est loin d'être le parangon du héros le plus recommandable, j'apprécie pourtant pleinement le récit.
Pour résumer : un point de vue que je respecte et comprends pleinement mais que je ne fais pas mien.
Merci à toi El Jc de contribuer à compléter ma chronique. Nul doute qu'un lecteur lisant notre échange se fera une idée plus juste, plus précise du roman.
RépondreSupprimerHmm... le club des cauchemars d'éditeur... hmm... J'en parlerai à Bob.
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