jeudi 26 novembre 2015

The left hand of darkness - Ursula Le Guin

Résumé
Sur Gethen, la planète glacée que les premiers envoyés ont baptisée Hiver, il n’y a ni hommes ni femmes, seulement des êtres humains.
Des androgynes qui, dans certaines circonstances, adoptent les caractères de l’un ou l’autre sexe. Les sociétés nombreuses qui se partagent Gethen portent toutes la marque de cette indifférenciation sexuelle.
L’Envoyé venu de la Terre, qui passe pour un monstre aux yeux des Géthéniens, parviendra-t-il à leur faire entendre le message de l’Ekumen ?
Ce splendide roman a obtenu le Prix Hugo et à consacré Ursula le Guin comme un des plus grands talents de la science-fiction.

Je n'avais jamais lu ce roman pourtant récompensé par un Prix Hugo et publié (dans sa version originale) en 1969. Pour un gars qui lit de la science-fiction depuis plus de quarante ans, qui a lu les meilleurs auteurs de l'âge d'or (Dick, Brunner, Bradbury, Silverberg... ) et peut se targuer de plus qu'un simple vernis d'expérience, ça la fout mal.
Il fallait donc que cette impensable lacune fût comblée. Et voilà qui est fait. Et comme j'ai bien fait. Et pourquoi ai-je attendu aussi longtemps ? Hein ? Je vous le demande. Parce que, pour ne rien vous cacher (vous savez que je vous dis tout), ce roman est une pure merveille.
Je n'ai pas l'habitude d'utiliser des superlatifs pour décrire les romans que je lis, même ceux que j'ai particulièrement apprécié. Appelez ça pudeur, réserve, retenue, sobriété, ce que vous voulez. Mais en l'occurrence, j'avoue avoir pris une grosse claque. C'est probablement l'un des meilleurs romans de SF que j'ai lu depuis longtemps. Bien entendu, ça n'engage que moi et, après tout, je n'ai peut-être lu que des daubes ces temps-ci.  Encore que ça m'étonnerait.
Alors, qu'est ce que ce roman a de si génial ? D'abord, s'agissant d'un space-opera (au sens large), on s'attend à être dépaysé, à être entrainé dans un, ou des mondes très éloignés de ce que nous connaissons. Pour ce faire, Ursula Le Guin  a utilisé essentiellement deux éléments. 
Tout d'abord,le climat de la planète Gethen. Il y fait un froid extrême, même au cours de ce que les habitants appellent l'été. Ça peut avoir l'air anecdotique, mais le fait est que cette température glaciale joue un rôle primordial dans le déroulement du récit. Elle est décrite par l'un des personnages comme une limite en dessous de laquelle la vie deviendrait difficile, voire impossible. Il n'y a pas de gros animaux à viande sur la planète, pas plus que de mammifères et par conséquent, pas de produits laitiers. Les seules ressources de protéines sont les nombreuses sortes d'oeufs et les poissons. Le «visiteur» venu d'ailleurs, le principal narrateur, Genli Ai, va d'ailleurs découvrir à ses dépens l'extrême rigueur du climat. Certains éléments du vocabulaire du roman sont d'ailleurs, à ce titre, très révélateurs. Reviennent de façon récurrente des mots comme : neige, froid, glace, vent, degrés... et tous leurs dérivés. Prévoyez une bonne couette pour lire ce livre.
Ensuite, et c'est une véritable trouvaille, les habitants de la planète ne sont pas sexués. Ou du moins pas en dehors de certaines périodes assez courtes, revenant régulièrement, appelées kemmel, durant lesquelles chacun devient, de façon semble-t-il assez aléatoire, un homme ou une femme. Incidemment, cela fait de Genli Ai un monstre, une perversion puisqu'il est, définitivement, un homme. Je vous laisse imaginer toutes les conséquences possibles d'une telle sexualité. Ursula Le Guin nous en livre quelques unes mais sa liste n'est en aucun cas exhaustive. Parmi celles-ci, l'absence totale de guerre sur la planète, ce concept ne pouvant naître que dans le cerveau baigné de testostérone des individus mâles. En tout cas, c'est Ursula qui le dit. Mais je ne suis pas sûr d'avoir envie de la contredire.
Ajoutez à ceci une autre curiosité culturelle du coin, le shiftgrethor, qui est une sorte de code de l'honneur extrêmement difficile à saisir par un non initié et qui m'a fait aussitôt pensé à l'étiquette japonaise voire au bushido, réels ou fantasmés, avec toutes leurs subtilités, leur façon de dire les choses sans vraiment les dire, leur obsession de ne jamais perdre la face.
De plus, pour bien camper le monde dans lequel évolue «l'envoyé», l'auteure nous gratifie de chapitres qui nous présente de façon explicite tout ce qu'il y a à savoir pour mieux apprécier l'action.
Mais surtout, surtout, il y a les personnages. En particulier Genli Ai, bien sûr, mais aussi son interlocuteur privilégié sur Gethen, Estraven, premier ministre de Karhaïde. J'ai l'impression de n'avoir jamais été confronté à des personnages de cette épaisseur. On les découvre petit à petit, au fur et à mesure des pages et chaque instant passé en leur compagnie nous les rend toujours plus proches. La fin du roman atteinte, on a le sentiment de devoir quitter deux amis très chers. D'ailleurs, la lecture achevée on a qu'une envie, recommencer.
Voilà. Si je ne vous ai pas donné envie de vous précipiter séance tenante vers votre librairie préférée pour acquérir ce chef d'oeuvre, je ne sais plus quoi vous dire. Moi, de mon côté, je vais voir ce que cette grande dame a bien pu écrire d'autre (même si je dois confesser n'avoir pas été très fan de son Terremer, quoi qu'il reste tout de même largement au-dessus d'ouvrage du même genre).
Pour ceux qui voudrait tenter l'expérience d'une lecture en anglais, sachez que le style m'a paru tout à fait accessible. Comme souvent, c'est le vocabulaire qui a pu me poser, parfois, quelques problèmes, mais sans excès.
Le roman a paru en français sous le titre : La main gauche de la nuit.

1 commentaire:

  1. C'est un très grand roman. Dans le même cycle je te recommande Les dépossédés et Le dit d'Aka (Le nom du monde est forêt m'a semblé un poil en dessous). Et y'a des choses pas mal dans ses nouvelles aussi.

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