samedi 25 janvier 2020

Les Portes de la Maison des Morts - Steven Erikson

Le Livre des Martyrs, Tome 2
Résumé :

Deuxième tome de la saga épique de Steven Erikson, Les Portes de la Maison des Morts nous emmènent sur le vaste continent de Sept-Cités, au cœur du Saint-Désert de Raraku où l'oracle Sha'ik rassemble son armée pour une rébellion des plus sanglantes : un maelström de fanatisme et de férocité qui façonnera des destinées et enfantera des légendes...


Félisine, la plus jeune fille de la Maison Paran, tombée en disgrâce, rêve de vengeance dans les mines d’Otataral. Pendant ce temps, le sapeur Violain et l'assassin Kalam, deux Brûleurs de Ponts devenus hors-la-loi, se sont fixé comme mission de ramener la jeune Apsalar chez elle et, ce faisant, de confronter l'Impératrice Laseen. Tandis qu’à Hissar, Coltaine, commandant de la 7ème Armée de Malaz, s'apprête à lancer ses fidèles Wickiens et ses troupes dans une ultime bataille pour sauver les populations jetées sur les routes par le chaos de la rébellion.

C’est ce moment que choisissent deux vagabonds séculaires pour revenir : Mappo le Trell et son compagnon Icarium de demi-sang Jaghut, porteurs d'un secret dévastateur qui menace de rompre ses chaînes à tout instant...

Deuxième tome de la sage, et c'est toujours aussi bien. Voire mieux. Et, oui, c'est possible.
J'avais exprimé, dans ma critique du premier opus, comme la plupart des autres lecteurs, à quel point la lecture pouvait être difficile. En particulier du fait du nombre des personnages. Nous avions en effet affaire avec pas moins de 250 personnages de premier plan. J'exagère à peine. Quelle ne fut ma surprise de constater que, en tout début de ce deuxième volet, deux nouveaux personnages apparaissent. Ou alors, c'en est d'anciens dont j'avais oublié l'existence. Ce qui revient à peu près au même. Je blêmis, je tremble, la sueur perle sur mon front.
Mais je suis vite rassuré. D'une part, la grande majorité des personnages de ce deuxième tome sont connus et d'autre part, ils ne sont pas très nombreux cette fois-ci. Qui plus est, ils sont constitués en groupe facilement identifiables.
Et pour une fois, parce que le cas n'est pas si fréquent, chacun des groupes est intéressant à suivre. Car souvent, il faut le reconnaître, lorsque l'histoire s'intéresse à plusieurs protagonistes, les péripéties sont inégales.
Ici, ce n'est pas le cas, même si, je dois l'avouer, les aventures qui concernent le groupe auquel appartient l'historien Duiker, sont les plus passionnantes à suivre. Il faut dire que Duiker évolue au sein d'une armée et que la partie qui leur est consacrée est de loin la plus importante du roman en terme de taille. Il  y a de quoi raconter et la tension dramatique y est à son comble.
Nous faisons un peu plus connaissance avec quelques personnages qui deviennent vraiment attachants. Quant à l'aventure, elle est toujours aussi présente dans cet opus et les près de 900 pages du livre se dévorent sans aucun souci.

Excellent. Coup de cœur.

samedi 21 septembre 2019

Le Train Bleu - Agatha Christie

Résumé :

Macabre découverte à bord du fameux " train bleu " qui mène vers la Riviera les riches vacanciers : Ruth Kettering, la fille du milliardaire américain Van Aldin, a été assassinée dans son compartiment.

Fuyant son mari avec qui elle ne s'entendait plus, elle allait rejoindre le comte de La Roche, loin de se douter que ce séduisant personnage était très surveillé par la police. Or le somptueux collier offert à la jeune femme par son père, et dont le plus gros rubis est le célèbre "Cœur de feu," a disparu...
Mais pourquoi, s'il ne s'agissait que de dérober le joyau, avoir eu le raffinement morbide de défigurer la victime ? C'est ce détail qui va conduire Hercule Poirot à éliminer les suspects les plus évidents...

Autant le dire, ce roman sort de l'ordinaire et ce à plus d'un titre. D'abord et c'est sans doute l'élément le plus important, car de lui découle tout le reste, il n'est pas raconté par Hastings. Hastings qui suit le célèbre détective belge comme son ombre, habituellement. Du coup, l'histoire n'est plus autant centrée sur Poirot qu'à l'accoutumée. D'ailleurs notre enquêteur préféré n’apparaît que très tard dans le récit. De plus, il est seul, sans son habituel acolyte, comme je l'ai indiqué. L'autrice a donc eu l'idée de lui adjoindre une compagne de route et d'enquête temporaire mais qui ne parvient jamais tout à fait à remplacer dans notre esprit le brave capitaine. Malgré tout, ce personnage de plus tout à fait jeune femme, de condition modeste, qui voit sa situation sociale s'améliorer en très peu de temps sans que la tête lui tourne, est très sympathique.
Quant à Poirot, il est plus facétieux qu'à l'accoutumée. Il lui arrive même d'être un peu cruel avec certains des suspects pour mieux découvrir la vérité. Autre conséquence de ne pas avoir Hastings à "l'écriture", c'est que l'histoire nous est contée par un narrateur omniscient, et que, de ce fait, les pistes que suit le détective sont moins mystérieuse qu'à l'habitude. On sait à quel point Poirot aime faire des cachotteries à son ami Hastings. Ici les agissements de l'enquêteur sont donc moins chargés de mystère pour le lecteur, mais rassurons-nous, cela ne rend pas les choses plus faciles à comprendre.
Autre particularité de ce roman, c'est le nombre de personnages et partant, le nombre de suspects. Difficile dès lors de trouver le ou la coupable, et c'est ce qui rend la lecture encore plus intéressante.
J'ajoute que le crime a lieu dans un train, l'un des lieux de choix pour servir de décor à ce genre de récit car l'isolement, même temporaire, des protagonistes permet de limiter le nombre des suspects sans pour autant faciliter l'enquête. Agatha Christie en a largement usé dans son oeuvre, pour notre plus grand plaisir. Trains, mais aussi bateaux, avions, îles, demeures isolées...
Un très bon Poirot donc, et qui fait partie, sans nul doute, de mes favoris.

Très bon

mercredi 14 août 2019

Sur les hauteurs du mont Crève-Cœur - Thomas H. Cook

Résumé :
Qui Kelli a-t-elle retrouvé sur le mont Crève-Coeur, ce jour fatal de 1962 ? Trente ans après, personne n'a compris. Pas même moi. Car il n'y en avait pas deux comme elle : fervente avocate de la cause des Noirs, belle et passionnée. Son souvenir hante notre petite communauté blanche et conservatrice, ici à Choctaw, Alabama. Je dois parler. Je dois raconter ce rêve d'amour devenu cauchemar qui a distillé le poison.

Comme toujours, Thomas H. Cook (sur qui je n'ai jusqu'à présent mystérieusement écrit aucune ligne) nous gratifie d'un roman profond, puissant et poignant. Peut-être, à ce jour, le plus poignant que j'ai pu lire de l'auteur. 
Le récit est effectué par Ben, médecin parvenu à un âge honorable, et tourne autour d'une journée de mai 1962 alors que le narrateur était encore au lycée, journée au cours de laquelle on a retrouvé le corps de Kelli, une camarade de classe du jeune étudiant. On retrouve dans ce roman ce qui fait l'intérêt de tous les ouvrages de Cook. Les souvenirs de jeunesse et partant, l'évocation d'une époque, les aller-retours entre passé et présent, la tragédie, déclarée ou sous-jacente, les secrets, les non-dits et le mystère, bien sûr, dont le voile se soulève avec une lenteur exaspérante mais jouissive ...
Ici le narrateur titille particulièrement la curiosité du lecteur, nous laissant entendre qu'il va nous dire la vérité, toute la vérité, mais qui attend la toute fin pour ce faire, évidemment, et qui nous distille, en attendant, tout un tas d'indices qui, loin de nous aider à y voir plus clair, nous lance sur de continuelles fausses pistes. 
Il faudra donc attendre le tout dernier chapitre (on s'en doute) pour apprendre ce qu'il s'est réellement passé ce jour-là. Et le moins qu'on puisse dire, c'est que je ne m'y attendais pas du tout. Bravo M. Cook.
Un excellent roman noir, donc, dans la veine de ce que j'ai déjà lu de cet excellent auteur. Il va falloir que je relise les précédents ouvrages pour vous en dire deux mots, parce qu'en dehors de l'excellente impression qu'ils m'ont laissé, j'ai oublié tous les détails, ou presque, sacrée mémoire défaillante ! (Au lieu-dit Noir-Étang, Les feuilles mortes, La preuve de sang ou encore Les liens du sang).


Excellent

lundi 12 août 2019

Aucune bête aussi féroce - Edward Bunker

Résumé :

Le discret Mister Blue de Reservoir Dogs eut une vie avant d'étaler son faciès vérolé sur le grand écran. Bunker, le bien nommé, était l'auteur d'un traité post carcéral sans égal publié en 1973 et alors épuisé outre-Atlantique.

L'une de ces vraies fausses autobiographies qui ne s'encombre d'aucune couenne littéraire. La chair, les os et les tripes suffisent à faire de ce roman noir un aller simple pour l'enfer d'une vie toute tracée dès le berceau.
Un parcours horriblement classique, balisé et implacable : problèmes familiaux, délinquance juvénile et au bout une succession de séjours "au château..."
Rien de vraiment neuf, si ce n'est la violence aride, impitoyable, voire clinique, avec laquelle Edward Bunker décrit le quotidien du taulard en liberté conditionnelle et, surtout, l'impossibilité de modifier, voire seulement de rectifier une destinée ou de réécrire ce scénario.
Son héros, Max Dembo (Bunker lui-même, évidemment), s'applique ainsi consciencieusement en sortant de prison à ne pas s'engouffrer dans les culs-de-sac de son passé.
Mais le milieu et la prison sont des aimants dont on n'interrompt pas l'attraction à coup de rédemption. La cavale se fait alors allégorique, avec un terminus on ne peut plus kafkaïen.
En 1978, Dustin Hoffman achètera les droits d'Aucune bête aussi féroce, confiant à Ulu Grosbard la mise en scène de l'adaptation.
Le film, "Le Récidiviste" (Straight Time), superbe road movie nu comme un haïku, amplifiait ce sentiment tragique d'impossible rachat.
Bref, "Aucune bête aussi féroce" confirme que le roman noir demeure un genre idéal pour sonder l'esprit humain. Dostoïevski ou Chandler s'en doutaient bien ; Bunker n'eut qu'à confirmer.

En principe, je ne suis pas amateur des fictions mettant en scène des personnages soit tout blanc, soit tout noir. Tout blanc, je les trouve à peine crédibles et ils m'ennuient. Tout noir, j'ai un mal fou à m'identifier à eux. Autant dire que c'était mal barré pour ce roman écrit par un taulard qui, certes, n'est pas autobiographique, mais qui s'inspire tout de même beaucoup, vraiment beaucoup, de la vie de l'auteur. Mais convaincu par la critique, je décidais de tenter l'expérience.
Et bien m'en a pris.
D'abord le livre est bien écrit. Des phrases courtes, sans fioritures et qui disent l'essentiel. Le récit à tout d'un polar classique à ceci près que le narrateur est un criminel. Il y a évidemment de l'action et on ne s'ennuie pas une seconde. Les personnages, dont la plupart sont des truands, inspirent de l'empathie, mais oui, et en particulier Max Dembo. Il faut voir comment on tremble à chaque page qu'il ne retombe dans ses mauvais travers tout en sachant qu'il n'y a quasiment aucune chance qu'il en soit autrement. D'autant que la société américaine n'est pas idéale pour effectuer une réinsertion. Doux euphémisme.
Mais le narrateur ne rejette pas l'entièreté de la faute sur le système. Il a l'honnêteté (sic) et la lucidité de reconnaître qu'il est plus facile, en tout cas pour lui, de demeurer un voyou plutôt que de chercher à tout prix à rester dans le droit chemin. Son discours n'est pas un étalage d'excuses mais c'est plutôt la description, quasiment froide et clinique, de ses choix, de ses décisions et de se qui se passe dans la tête de types comme lui.
Ce roman a le mérite de nous inviter à nous poser la question : qu'est-ce qu'on attend de la prison et des autorités carcérales ? Simplement que les criminels paient leurs forfaits quitte à relâcher en fin de peine des gens prêts à recommencer, ou de tout tenter pour les réinsérer afin d'obtenir au bout du compte un voyou de moins et un honnête homme de plus ?
J'ai ma petite idée de la réponse, mais chacun se fera son opinion.
Lisez ce livre, c'est, dans le pire des cas, un très bon moment à passer dans un torrent d'adrénaline.

Très bon

vendredi 9 août 2019

Sur ma peau - Gillian Flynn

Résumé :

La ville de Wind Gap dans le Missouri est sous le choc : une petite fille a disparu. Déjà, l'été dernier, une enfant avait été sauvagement assassinée...
Une jeune journaliste, Camille Preak, se rend sur place pour couvrir l'affaire. Elle-même a grandi à Wind Gap. Mais pour Camille, retourner à Wind Gap, c'est réveiller de douloureux souvenirs.
A l'adolescence, incapable de supporter la folie de sa mère, Camille a gravé sur sa peau les souffrances qu'elle n'a pu exprimer. Son corps n'est qu'un entrelacs de cicatrices... 
On retrouve bientôt le cadavre de la fillette. Très vite, Camille comprend qu'elle doit puiser en elle la force d'affronter la tragédie de son enfance si elle veut découvrir la vérité...

Sur ma peau est le roman dont a été tiré l'excellentissime série Sharp Objects que je vous invite, évidemment, à regarder si vous en avez l'occasion.
L'un comme l'autre, roman et série, adaptée extrêmement fidèlement, sont d'une noirceur assez inégalable. Peu de violences physiques mais en revanche, des violences psychologiques qui deviennent vite insoutenables. Beaucoup de personnages en sont affectés et en particulier le personnage principal, Camille, qui a subi, et subit encore suite à son retour dans sa ville natale, les brimades, humiliations et autres tortures mentales de la part de sa mère, un personnage qui rend Folcoche, de Vipère au poing, douce comme un agneau.
Gageons qu'en lisant ce livre vous allez adorer Camille et trembler d'effroi et de colère face au harcèlement maternel insidieux et continuel dont elle est la victime et vous allez adorer détester cette mère au comportement si brutal. Nul doute non plus que vous allez vous passionner pour l'enquête qui va révéler bien des choses que beaucoup auraient préféré garder secrètes. Parce que, comme nombre d'écrivains américains, Gillian Flynn sait parfaitement nous décrire les travers de ces petites villes des États-Unis où chacun épie tout le onde, où chacun soupçonne tout le monde et où personne n'est irréprochable.
Précipitez-vous sur ce roman puis enchaînez avec la série (et pas l'inverse comme j'ai fait et qui était sans doute une erreur). 
Gillian Flynn est décidément une excellente autrice.

Excellent