jeudi 30 avril 2009

Le blogger n'est pas (plus) une île

Suite au billet de Munin (Voir ici) et pour "faire mon devoir" je crée ce billet qui pointe vers le billet sus-mentionné.
J'ai bon, Maître ?

mercredi 29 avril 2009

Test blog

Or donc, ça marche. Merci à tous

El Jc a eu la gentillesse de m'avertir ICI qu'il était devenu impossible de laisser un commentaire sur mon site. Si quelqu'un lit ce message je lui serai reconnaissant de bien vouloir essayer de laisser un commentaire.
Merci d'avance.

mardi 28 avril 2009

La villa des mystères - Federico Andahazi

Été 1816 : le temps est exécrable sur les rives du lac Léman. Désœuvrés, Lord Byron, Percy et Mary Shelley, Claire Clairmont et le docteur Polidori, hôtes illustres de la villa Diodati, se lancent un défi littéraire : écrire l'histoire gothique ultime, la plus sombre, la plus originale. Polidori, secrétaire et souffre-douleur de Byron, jaloux du talent de son maître, reçoit d'étranges lettres anonymes qui l'informent de l'existence des jumelles Legrand, des comédiennes scandaleuses, courtisanes, célèbres et méprisées.Et qui surtout lui proposent un étrange pacte littéraire... Qui lui écrit ces lettres scellées à la cire noire ? Que devra-t-il donner en échange du chef-d'œuvre dont il rêve ? Cette Villa des mystères est le théâtre d'un roman gothique moderne qui explore des régions insoupçonnées, troublantes, de la sexualité, et revisite avec malice un moment fondateur des littératures de l'imaginaire : la création du Frankenstein de Mary Shelley.

Il faut savoir tout d'abord que je ne suis pas familiarisé avec la littérature fantastique. A peine ai-je lu quelques ouvrages du genre, dont Dracula, et c'était il y a longtemps. Je n'ai même pas lu Frankenstein. C'est dire. Je suis donc incapable de juger l'originalité de telle ou telle oeuvre que je serais amené à lire. Pourtant, j'ai le sentiment que La villa des mystères a une façon de réinventer certains thèmes, comme le vampirisme, assez unique.

Il faut noter également que la plupart des détails "réalistes" de l'histoire sont inspirés de faits réels. Ainsi sont véridiques les vacances en Suisse de Lord Byron, Percy et Mary Shelley et la demi soeur de celle-ci, Claire Clermont, les liens qui unissent Lord Byron et John Polidori, jusqu'à l'anecdote du défi littéraire qui devait donner naissance à Frankenstein. Pourtant, et contrairement à ce que pourrait laisser croire le résumé de la quatrième de couverture, c'est moins le quatuor des jeunes gens de bonne famille qui intéresse l'auteur que le docteur Polodori et, surtout, son étrange et mystérieux correspondant.
C'est en effet dans les missives que reçoit le jeune secrétaire de Lord Byron que réside l'essentiel de l'intrigue. On y découvre la biographie insoutenable et terrifiante d'un monstre à peine de forme humaine. Rarement, je crois, n'auront été mêlés si inextricablement, sexualité et fantastique.

Le tout est servi par une langue somptueuse et néanmoins particulièrement agréable à lire. Qui plus est le roman (ou devrais-je dire le conte ?) ne comporte que 150 pages qu'on dévore en une paire d'heures. Même si, face à la densité incroyable du récit, on a l'impression d'en avoir lu le double sans ressentir jamais le moindre ennui. Bien au contraire. Ajoutez à cela un humour fin et vous obtenez un cocktail savoureux à consommer sans modération.

P.S. On notera la coïncidence qui fait que j'ai lu, presque coup sur coup, deux livres en lien avec le Frankenstein de Mary Shelley (le premier était La vénus anatomique).

lundi 27 avril 2009

Jhereg - Steven Brust

Vlad Taltos est un Oriental, autant dire un rien du tout dans la cité d’Adrilankha dirigée par les Dragaeran, créatures quasi immortelles aux ancêtres reptiliens. Pourtant, il est parvenu à intégrer la Maison Jhereg, moins regardante sur ses origines humaines, et où ses talents d’assassin et sa pratique de la sorcellerie font merveille. Mais la mission qui vient de lui être confiée pourrait bien être la dernière : tuer un ex-grand conseiller de la Maison Jhereg réfugié chez un noble de la Maison du Dragon. Pris entre les feux de ces deux grandes Maisons, ennemis ancestraux prêts à déclencher une guerre de plus de cinq cents ans, Taltos risque de ne pas peser très lourd.

Premier volume des Aventures de Vlad Taltos, l’œuvre la plus connue de l’auteur – une dizaine de volumes écrits à ce jour, pouvant se lire indépendamment –, Jhereg est un livre haletant, plein d’humour, mêlant habilement les codes de la fantasy et du roman noir.

Jhereg c'est avant toute chose, un récit au rythme effréné et sans temps mort. Chaque volume de la série des Vlad Taltos pouvant être lu séparément, ce premier opus n'est pas, à proprement parler, un roman d'exposition. L'auteur entre tout de suite dans le vif du sujet. A peine esquisse-t-il la jeunesse du héros et encore, simplement dans un prologue déjà très vivant.
Pour accentuer encore ce sentiment de rythme soutenu, l'auteur ne distille qu'au compte goutte les informations concernant le monde où se déroule l'action. C'est ainsi que, parvenu à la fin, le lecteur ne peut prétendre connaître à fond l'univers des Dragaeran mais ceci ne gène en rien la lecture.
Le roman est écrit à la première personne. C'est donc Vlad Taltos lui-même qui nous narre ses aventures. Avec pas mal de dérision et d'humour. N'espérez pas beaucoup d'action dans ce roman. Il s'agit avant tout pour Vlad de trouver un moyen de remplir le contrat qu'on lui a confié sans déclencher une guerre entre deux maisons rivales. Et c'est loin d'être gagné. C'est même quasiment mission impossible tant les différents protagonistes, campés sur leurs positions, mettent des bâtons dans les roues de notre assassin. Et tout l'intérêt du roman tient en ceci : comment le héros va-t-il résoudre le dilemme ?
On assiste, tout le long de l'histoire, aux dialogues de Taltos avec ses différents amis et alliés. Dialogues qui ont pour objet de passer en revue toutes les hypothèses et toutes les options possible. Les conclusions, ou les détours opérés pour y parvenir, sont parfois un peu tirés par les cheveux, mais globalement, ces dialogues nous permettent de nous tenir au plus proche des réflexions des personnages.
Le tout se présente donc assez comme un épisode de Mission : impossible comme je l'ai déjà suggéré. Exposition du problème, recherche des solutions, conception du plan, mise en oeuvre. On pense également à Ocean's eleven ou tous ces films policiers ou tout l'accent est mis sur la préparation puis l'exécution d'un plan préparé au millimètre. En définitive, Jhereg tiens davantage du roman noir ou du polar que de la fantasy. D'autant que presque tout se déroule en ville comme dans la plupart des polars.

S'il y avait un reproche majeur à faire à ce Jhereg ce sont les quelques invraisemblances, incohérences ou improbabilités à affronter et digérer. Il faut dire que je ne suis pas très fan des thèmes de l'immortalité ou de la résurrection. Mais même pour moi, tout ceci ne suffit pas à nous priver du plaisir de la lecture. Car ce livre est avant tout un divertissement parfaitement maîtrisé et réussi. Et comme il est savoureux ce jhereg, sorte de mini-dragon mal embouché, qui communique par la pensée avec son maître.
A consommer donc, sans modération.

dimanche 26 avril 2009

La Vénus anatomique - Xavier Mauméjean

Voici une singulière uchronie. En 1752, Julien Offray de La Mettrie, qui vient de publier L'Homme-machine, ouvrage condamné et brûlé pour matérialisme, est tiré de sa retraite de Saint-Malo par un ordre du roi. Enrôlé dans le Secret du Roi, cet ancêtre de l'espionnage, il lui faut gagner la Prusse et participer, en compagnie de Vaucanson, de Fragonard l'anatomiste, frère du peintre, et de Casanova, à une grande œuvre : fabriquer une Vénus anatomique, une femme artificielle. Le siècle des Lumières mérite ici pleinement son surnom tant une technologie débridée anticipe largement notre XXIe siècle. La Vénus anatomique a reçu en 2005 le prix Rosny aîné décerné par l'ensemble des participants à la Convention française de science-fiction.
La première qualité de cette Vénus anatomique c'est sans conteste l'écriture. Sublime. Le narrateur est censé être un médecin du XVIII ème siècle. Et l'illusion est parfaite.
Le roman se divise en deux parties parfaitement distinctes. La première tient clairement du roman de capes et d'épées. Il y a de l'action, des poursuites, des combats à l'arme blanche. Tout cela teinté d'uchronie, de science-fiction, de fantasy, de fantastique, d'espionnage, de politique internationale ... A tel point qu'on se demande parfois où nous conduit l'histoire. D'autant que nous ignorons, jusqu'à la seconde moitié, ce qui motive toute cette agitation.
Nous croisons la route de quelques personnages plus ou moins illustres. Diderot, Casanova, Fragonard, le chevalier d'Eon, Vaucanson, j'en passe. Tant et tellement qu'on peut se demander s'ils ne sont pas trop nombreux. Leur réunion a un petit côté tout de même artificiel.
La seconde partie est bien plus homogène et bien plus calme. On y est confronté à de longues discussions philosophiques pour le moins absconses.
La Venus anatomique est globalement agréable à lire et n'est pas dénuée d'humour. On peut cependant déplorer qu'elle parte un peu dans tous les sens et que toute cette agitation ne nous conduise pas bien loin. La montagne n'aurait-elle pas accouché d'une souris ?
A lire donc, sans aucun doute car Xavier Mauméjean a incontestablement du talent. A relire ? Peut-être pas.

mercredi 22 avril 2009

La cité de perle - Karen Traviss

Cavanagh. Une étoile à vingt-cinq années-lumière de la Terre. Les humains y ont autrefois envoyé une mission dont ne subsiste qu'une poignée de fondamentalistes établis sur la planète principale, sous la surveillance d'Aras, le gardien wess'har désigné. Celui-ci appartient à une espèce extraterrestre si respectueuse de l'environnement qu'elle n'a pas hésité, par le passé, devant le génocide de millions d'autres envahisseurs afin de sauver l'écosystème local. L'officier de la police environnementale Shan Frankland, accompagnée d'un petit groupe de scientifiques et d'une poignée de Marines, a accepté de partir pour Cavanagh. Mais leur arrivée n'est pas passée inaperçue et ils courent un danger dont ils sont loin de soupçonner l'ampleur. Car le gardien Aras a été colonisé par une forme de vie symbiotique, hautement contagieuse, qui le rend pratiquement invincible et immortel. Obligé de vivre seul, à l'écart de sa propre race, il n'a aucune raison de se montrer conciliant avec les Terriens dont le comportement est source de conflits sans nombre. Et, dans les guerres wess'har, il n'y a jamais de survivants du côté des vaincus...
Encore un livre que je n'ai pu achever. Décidément, l'année où je décide de créer un blog de chroniques littéraires, j'ai bien peu de chance avec mes lectures.
Pourtant tout se présentait plutôt bien. Mon enthousiasme du début n'était pas feint. Le style était simple (certains disent plat), l'histoire promettait d'être intéressante. L'auteure nous épargnait les sempiternels paragraphes truffés d'explications scientifiques et technologiques sur, notamment, le vol spatial et qui sont le lot de la plupart des récits du genre. En revanche, elle nous faisait bénéficier de ses connaissances du milieu militaire. bref, tout allait pour le mieux. Sauf que ...
Les descriptions et les dialogues ne sont pas le fort de la romancière. On ne se fait que difficilement une image mentale de la planète et de ses habitants.
Pire. Pendant des dizaines, voire des centaines de pages, il ne se passe pour ainsi dire rien. Mais là où une Robin Hobb profite de ces pauses dans l'action pour mieux cerner à notre attention la psychologie des personnages et parvient, malgré tout, à faire avancer l'histoire, Karen Traviis noircit des pages sans grand intérêt. Seuls deux personnages bénéficient d'un traitement particulier : Shan Frankland et Aras. Shan est une policière spécialisée dans la lutte contre les atteintes à l'environnement et chef de l'expédition terrienne envoyée vers la colonie Constantine. Aras est un extraterrestre, un guerrier wess'har, sorte de gendarme écologique auto-proclamé de la planète.
A peine quelques autres personnages, la capitaine et le sergent marines, un journaliste et un membre de la colonie d'origine, ont-ils droit à un traitement de surface très léger. Les marines demeurent un groupe compact sans beaucoup d'individualités. Même chose pour les scientifiques, tous interchangeables. Après avoir lu 328 pages, c'est à peine si je connaissais, pour chacun d'eux, ne serait-ce que son sexe ou sa spécialité. Ne parlons pas des colons, de loin le groupe le plus nombreux (un millier d'individus) mais dont on ne connait vraiment qu'un seul représentant.
Si encore l'auteure se contentait de cette faible exposition des personnages, se serait certes dommage mais non rédhibitoire. Hélas, les deux personnages sur lesquels elle a choisi de se focaliser sont, de mon point de vue, notoirement antipathiques. Aras n'est rien d'autre que le responsable d'un génocide envers une autre espèce extraterrestre. Juste parce que l'un d'eux a jeté son mégot par terre. Bon d'accord, je plaisante, mais à peine. C'est uniquement à cause de la menace écologique qu'ils étaient censés représenter que les isenj ont été exterminés. Faut pas faire chier Aras. Shan, si elle n'a pas (autant) de sang sur les mains est cependant faite dans le même moule. Elle comprend Aras et devient même son amie.
Mais la goutte d'eau d'horreur qui a fait déborder le vase de ma tolérance c'est lorsque l'une des scientifiques est condamnée à mort par Aras. Tout simplement parce qu'elle a ramassé et autopsié le corps d'un jeune bezeri, une troisième espèce extraterrestre, qu'elle croyait mort, de bonne foi.
Le fait que les bezeri et les wess'har appliquent la peine de mort ne me dérange pas plus (mais pas moins) que chez les américains. Je le déplore mais ni peux rien. De même que Shan. Ce qui me gène c'est le peu d'efforts qu'elle fournit pour empêcher ça. Et par dessus tout, qu'elle accepte la sentence alors même qu'il n'y a eu aucun procès. J'aurais espéré et trouvé vraisemblable de la voir se battre, même sans espoir. Il s'avère que Shan ne vaut pas mieux qu'Aras. J'avoue que cette écologie extrémiste, ces deux nazillons verts, me donnent un peu la nausée.
J'ai bien essayé de poursuivre ma lecture mais j'ai un peu de mal à lire en me pinçant le nez. Je suis sans doute trop sensible à certains discours nauséabonds. La plupart des gens parviennent à passer outre leur dégoût pour ne s'intéresser qu'à l'histoire. J'aurais pu certes essayer de faire preuve d'autant de détachement et j'y serais peut-être parvenu si les qualités du roman avaient été à la hauteur. Mais ce n'est pas le cas.
Vous voilà prévenus.
Comme je suis un bon garçon, je vous indique plus bas un lien vers une autre vision de l'oeuvre de mon camarade blogger El Jc. Et pour ne pas être en reste, un autre vers une critique plus dans mon sens, de Thomas Day.
Petite note à Hugin & Munin : je suis prêt à créer, avec vous,  le club des cauchemars d'éditeurs.

dimanche 19 avril 2009

Colère

Attention : depuis le jour de la publication, ladite colère est franchement retombée. A tel point que je me demande même ce qui m'a pris. Mais je laisse cet article parce que j'ai appris à assumer mes conneries.
Quelle ne fut ma surprise ce matin de trouver le message suivant : 
"je ne lis en moyenne que 50 romans par an", pauvre bichou, c'est vraiment "peu"
C'était en réponse à un commentaire de l'un de mes visiteurs réguliers qui déplorait, non sans humour, de ne lire que 50 romans par an. J'ignore ce qui a motivé l'expéditeur, anonyme, comme il se doit, du message en question. Après réflexions, il m'est venu à l'esprit qu'il doit s'agir de quelqu'un qui doit lire 1 roman tous les 50 ans. Je n'ai rien contre l'ironie et les sarcasmes. Mais en l'occurence, je ne trouve pas cette réflexion très constructive.
On a parfaitement le droit de ne pas aimer lire mais il ne faut pas en dégouter les autres. Et surtout, ne pas fréquenter les blogs littéraires.
N'étant qu'un novice en matière de blog, j'ai beaucoup hésité sur la conduite à tenir. Puis j'ai décidé de supprimer le message. Je ne crois pas que cela puisse nuire de quelque façon que ce soit à l'humanité. Quoiqu'il en soit, je me suis également résolu à activer la modération des commentaires. Je vais donc mettre en place une des choses que je déteste le plus au monde : la censure. Mais après tout, je suis chez moi sur ce blog et je ne vais pas laisser agresser mes invités sans réagir.

samedi 18 avril 2009

Les péchés des pères - Lawrence Block

Cale Hanniford, la cinquantaine, vient de perdre sa fille, Wendy, tuée par Richard Vanderpoel, le jeune homme avec lequel elle vivait à New York. Couvert de sang et incohérent, celui-ci a été arrêté et jeté en prison, où il s'est pendu. Pour la police le dossier est clos, cependant Hanniford veut le rouvrir : il est sûr que Richard est coupable, mais, rongé par le remords de ne pas avoir fait assez pour sa fille, il aimerait savoir pourquoi elle a fini par se prostituer et mourir assassinée. Matt Scudder comprend, vite qu'Hanniford lui ment sur un point capital. Pressé de réponde, celui-ci finit par lâcher que Wendy n'était sa fille que par adoption. Flairant l'arnaque, Scudder décide d'enquêter : la police est-elle allée trop vite en accusant le fils d'un pasteur élevé dans le strict respect de la loi divine ?
Un sympathique corbeau de mythologie exilé outre-atlantique écrivait naguère :

J'attends d'un polars 3 ingrédients de base :
- un personnage central avec des pleins et des déliés, torturé entre son travail et sa vie amoureuse, un type avec des dilemnes moraux, des squelettes dans ses placards et un sens de la répartie plus mordant qu'un pit-bull affamé.
- un décor (souvent urbain) découpé au scalpel, peuplé de figurants qui sentent bon le réel. L'âme de la ville doit avoir son écho dans la psyché du personnage central.
- une intrigue qui me fait me poser des questions, une enquête qui progresse en montrant l'absurdité de la hiérarchie, les instincts du flic, les fausses pistes que l'on aime désamorcer. La procédure policière peut être plus ou moins mise en avant, mais ça doit me happer.


(vous trouverez l'intégralité ici)

Je ne sais pas si je partage cette opinion. Ou pas. En fait, je ne m'étais jamais vraiment posé la question. Quoi qu'il en soit, les oeuvres de Lawrence Block me semblent coller pile poil à ces exigences. En particulier la série des Matt Scudder qui est, à ce jour, la seule que j'ai abordée.

Le personnage d'abord. Dans le genre plein et déliés, il n'est pas mal du tout. C'est un ancien flic devenu alcoolique. Même si ce premier opus de ses aventures n'aborde pas le sujet de manière explicite (ça viendra), le bonhomme boit beaucoup. Et pas que du café. Il a quitté la police après la mort, accidentelle, d'une fillette dont il se sent responsable. Voilà pour le cadavre dans le placard. Ses dilemmes moraux sont semés tout le long du roman. Est-il préférable de faire le mal pour de bonnes raisons ou de faire le bien pour de mauvaises ? Un flic peut-il balancer un type dans l'Hudson quand il le sait coupable de meurtre mais sans avoir de preuves ? Et ainsi de suite.
Lorsqu'il était encore dans la police, il ne refusait jamais l'argent qu'on lui proposait. Même s'il n'en aurait jamais réclamé de lui-même. Voilà pour la morale.
Pourtant, au bout du compte, même s'il ne dédaigne pas de recourir à la violence quand on le cherche, Scudder est un type bien. Il fait preuve d'une rare indulgence (plus pour les autres que pour lui-même) et se garde de juger. Ce qui le rend d'autant plus attachant.

Le décor ensuite. Il s'agit ni plus ni moins de New-York. Peut-être pas tant New-York d'ailleurs, dont on visite surtout les bars, il faut bien le dire, que les New-Yorkais. Ce qui revient au même. L'âme d'une ville ne se trouve-t-elle pas précisément dans ses habitants ? Et des New-Yorkais, forcément, on en croise. Des barmen (tiens-donc), des concierges, des portiers, des putes, des ménagères, des flics, des chauffeurs de taxi, des prêtres ... Au fil des rencontres de Matt, c'est un portrait vivant de New-York qui se forme. Sans oublier les news qui jalonnent le récit et qui complètent l'image, pas très rose, de la grosse pomme.

L'intrigue enfin. Dans ces Péchés des pères, comme souvent chez Scudder, c'est une enquête de proximité que mène le détective. Il va tâcher de se faire une idée, une image de la victime en interrogeant tous ceux qui l'ont côtoyée. D'autant qu'ici ce n'est pas le meurtrier que cherche Scudder, puisque celui-ci, de l'avis de tous les protagonistes, est connu et s'est suicidé. C'est plutôt un portrait de la jeune femme qui a été tuée qu'il va s'évertuer à composer. Ceci nous donne droit à des pages et des pages de dialogues qui nous permettent de mieux cerner la personnalité de la victime et de son supposé meurtrier.

Ce qui fait la qualité principale des romans de Block, c'est son écriture. Son style est simple et fluide. Ses phrases son courtes. Et les nombreux dialogues donnent du rythme au récit. Le tout se lit avec une facilité déconcertante. Qui plus est, les romans, du moins les premiers, sont très courts. A peine plus de 200 pages pour Les péchés des pères. N'espérez donc pas des descriptions à n'en plus finir. Ce qui intéresse Block c'est manifestement ce que ses personnages éprouvent et comment il l'expriment.

A la différence d'un Ken Bruen, dont il faudra que je vous parle, qui est beaucoup plus désespéré, Lawrence Block nous parle d'un monde où, malgré les tragédies quotidiennes, il reste des moments de bonheur qu'il faut saisir sans trop se poser de questions.

Block est pour moi une découverte récente, comme Ken Bruen, James Crumley ou Dennis Lehane, et fut un vrai coup de coeur.

jeudi 16 avril 2009

Ange mémoire - Robert Charles Wilson

Raymond Keller est un Ange : tout ce qu'il voit est enregistré dans une puce reliée directement à son cortex cérébral. Tenu à l'objectivité, il se veut une machine dénuée de sentiments. Sa nouvelle mission l'envoie au Brésil, au cœur de la forêt amazonienne, en compagnie de Teresa Rafael, une artiste désoeuvrée, et de Byron Ostler, un Ange qui a définitivement renoncé à son câblage. Ils doivent y récupérer un onirolithe, une mystérieuse pierre extraterrestre aux propriétés hors du commun. Mais cela ne sera pas sans danger, d'autant que cette plongée au cœur des ténèbres sera aussi l'occasion d'explorer un territoire chaotique : la mémoire, les souvenirs perdus... Dès son deuxième roman, écrit en pleine vague cyberpunk - genre auquel on peut rattacher Ange mémoire -, Robert Charles Wilson fait montre d'un talent annonciateur des grands romans à venir.

Ange mémoire n'est pas un livre de Science-Fiction ordinaire. Et ce parce que toute la partie S.-F. précisément est particulièrement ténue. L'action se déroule dans un futur proche, on y déterre et négocie des pierres d'origine extra-terrestre, mais ces éléments ne font pas, loin de là, l'essentiel du roman. Même si le personnage central est doté d'équipements lui permettant d'enregistrer tous ce que ses yeux voient, tout ce que ses oreilles entendent, on sent bien que le propos du livre n'est pas le bond en avant technologique.
Ce qui intéresse Wilson c'est la mémoire, les souvenirs, les regrets, les remords, la culpabilité. Il se focalise surtout sur ses personnages et sur ce qu'ils éprouvent et sur leurs rapports au passé. Il y a bien de l'action dans le livre, mais ce n'est pas à mon sens la partie la plus aboutie. Le style y est nerveux, les phrases courtes et le rythme évoque davantage le staccato d'un pistolet mitrailleur que le legato d'un paisible ruisseau. Et puis il y a d'autres passages concernant les souvenirs des personnages, en particulier de Teresa, dans un style plus dense mais néanmoins toujours très agréable à lire.
J'ai lu, ici ou là, que l'oeuvre de Wilson prend peu à peu de l'ampleur pour aboutir au chef d'oeuvre, de l'avis de tous, qu'est Spin. Devant la qualité de cet Ange mémoire, nul doute que Spin soit exceptionnel.
Ayant décidé de lire les oeuvres de Wilson dans l'ordre chronologique, je vais probablement prendre un plaisir croissant à sa lecture.

Voilà en tous cas 320 pages que je ne regrette absolument pas d'avoir lues, ce qui, compte tenu de ma déveine actuelle, est plutôt miraculeux.

Critiques : Efelle à qui je dois d'avoir tenté l'expérience. Merci Efelle.

mardi 14 avril 2009

Les portes de la mort - Weis & Hickman

Heptalogie (c'est sans doute la seule fois de ma vie que je placerai ce mot)

J'ai pour principe de ne pas faire de chronique pour un livre lu trop longtemps auparavant. J'ai en effet la faculté, que certains amis m'envient mais que je considère comme une malédiction, d'oublier très vite tous les détails d'un livre. C'est la raison pour laquelle je fais la chronique des livres que je viens juste de terminer. Mais je vais faire une exception pour Les portes de la mort. D'abord parce que je me souviens de l'essentiel (pour une fois), je pense fréquemment à cette oeuvre en ce moment et puis surtout je fais ce que je veux.

Au Mi-Royaume d'Arianus, les humains, les elfes et les nains se battent pour le contrôle de l'eau, si précieuse. Bien au-dessus de leurs combats à dos de dragons, vivent les mystériaques; et sous leurs pieds, bien loin, inconnues, se trouvent les Portes de la Mort. Bientôt, des forces magiques vont rompre l'équilibre de ces trois royaumes: Hugh-la-Main, assassin patenté, est chargé de tuer le fils du roi d'Arianus tandis qu'au Bas-Royaume, on fomente une révolution. Mais un sinistre mage a pour ambition de tous les dominer. Il faudra sans doute pour cela ouvrir les Portes de la Mort.

Ce résumé est, par nature, nécessairement très réducteur et ne s'applique, en outre, qu'au premier tome, soit un septième du tout. Ces Portes de la mort sont d'une densité incroyable, et il se passe bien davantage de choses dans ses sept tomes que dans la dizaine, quinzaine, voire vingtaine de tomes d'autres sagas.
L'histoire se déroule dans les quatre mondes qui constituent l'univers des personnages. Quatre mondes qui sont comme autant de planètes différentes et auxquelles on accède, non sans mal, par les fameuses portes de la mort. Chaque monde représente l'un des quatre éléments : air, eau, feu et terre.



Arianus est le monde de l'air. Il est constitué de trois îles-continents flottantes un peu à la manière de Chasseurs de dragons pour ceux qui connaissent. Il est peuplé par de puissants magiciens, des elfes, des hommes, des nains, des dragons. On y rencontre de drôles de navires volants permettant de relier les îles entre elles ainsi qu'une curieuse machine : la Bougonne-Batte. Le monde des nains, les "Guègues", vaut à lui seul le détour. Le monde le plus dingue.
Pryan est le monde du feu. Il est recouvert d'une jungle luxuriante au sommet de laquelle vivent elfes et hommes. On y rencontre également les Titans, de redoutables géants.
Abarrach est le monde de la terre. C'est un rocher couvert de glace. La vie n'y est possible et seulement grâce à la magie, que sous terre, là où coulent des rivières de laves. Aucun non-magicien n'y vit. Les habitants utilisent la nécromancie pour lever des armées de morts-vivants. Le monde le plus flippant, sans aucun doute.
Chelestra est le monde de l'eau. C'est une gigantesque sphère d'eau. Elle est peuplée de nains, d'elfes et d'hommes qui vivent dans des bulles d'air. Le monde le plus onirique.

Chaque monde est une trouvaille, un trésor d'imagination. Aucun ne rend la vie facile à ses habitants. Et les auteurs ont su tirer partie des caractéristiques de chacun.

Mais Les portes de la mort est avant tout l'affrontement de deux personnages aussi différents l'un de l'autre qu'il est possible. Et pourtant si proches. Comme les deux faces d'une même pièce. Leurs aventures, l'un contre l'autre, l'un sans l'autre et parfois l'un avec l'autre, vont progressivement les révéler, au lecteur, bien sûr, mais surtout à eux-mêmes.
Le guerrier aguerri, sûr de son fait, va petit à petit voir ses certitudes vaciller. L'érudit timide et rempli de doute va avoir l'occasion de montrer l'étendue de son pouvoir. D'une façon générale, la plupart des personnages ne sont pas ce qu'ils paraissent être ou bien sont révélés par les évènements. Rien n'est convenu dans ce cycle et les surprises sont nombreuses. Les mystères et énigmes parsèment le récit. Chaque tome est l'occasion de faire le récit des aventures de nombreux personnages qui n'ont apparemment rien de commun mais qui sont liés par le destin. Mais rien n'est gratuit non plus et tout amène, irrésistiblement et avec cohérence jusqu'au dénouement.
On rencontre au gré des pages, un prince héritier, un nain syndicaliste, un magicien à moitié fou (Zifnab personnage truculent) amateur de dragons, un assassin hors pair, un chien, enfin LE chien, des pirates, des titans, des dragons, des serpents maléfiques.
Pendant que je rédige cette chronique, me reviennent en mémoire des dizaines de scènes fortes de cette saga qui en disent long sur sa richesse.

Tout cela est écrit dans un style particulièrement fluide et agréable. Pas de temps morts mais au contraire un rythme échevelé. D'aucuns disent que les tomes 1 et 2 mettent un peu de temps à démarrer. Je n'en n'ai pas le souvenir. Mais il est non moins vrai que le suspense va crescendo pour atteindre son point culminant dans les tomes 6 et 7, que tout le monde s'accorde à trouver exceptionnels.

Curieusement, je n'ai pas trouvé sur le net l'écho que mérite cette oeuvre à mon sens. Elbakin lui donne généreusement un 7,5 sur 10 quand il octroie dans le même temps un 10 sur 10 au Cycle d'Ea qui n'a pas le centième de l'inventivité des Portes de la mort. Je souhaite donc rendre modestement justice à ce cycle en en parlant aujourd'hui.

Pour résumer, Les portes de la mort est un cycle bien écrit, bourré de trouvailles originales, de personnages atypiques et attachants, de mondes bien travaillés et cohérents, de méchants particulièrement redoutables et déterminés. Il est soutenu par un suspense qui ne faiblit jamais. Je ne sais quels mots employer pour vous inciter à tenter l'expérience, mais vous aurez compris que ce cycle est pour moi un gros, gros coup de coeur. Il fait partie des rares oeuvres que j'ai prévu de relire. C'est tout dire. Quand je vois le temps qu'on perd parfois à lire des oeuvres médiocres je me dis que Les portes de la mort est une saga propre à nous réconcilier avec la fantasy.

jeudi 9 avril 2009

L'île de ma mort - Philippe L.

Version revue et corrigée.

La barque glisse sur les eaux du lac. Tout est calme ce matin. On n'entend que le bruit des rames qui plongent en cadence dans l'eau et propulsent l'embarcation loin de la rive tels deux bras géants. Le rameur est assis en face de moi. Il a les yeux fixés sur la berge que nous venons de quitter. J'ignore comment il s'y prend, mais sa trajectoire est parfaite. Il nous conduit droit sur l'île de notre destination. J'ai l'impression que son regard me passe à travers, comme si j'étais transparent, comme si je n'existais plus, comme si je n'étais déjà plus de ce monde. Le sergent est installé derrière lui, à la proue. Il est assis perpendiculairement à l'axe du bateau de sorte qu'il peut, à son gré, regarder vers l'avant, ou, plus rarement, vers l'arrière. Vers moi. J'ai la tête baissée, mais je l'épie du coin de l'oeil et je sais qu'alors il m'observe. Derrière moi sont assis les deux autres soldats.
Tout le long de cette traversée, il me vient cent fois l'idée de me jeter à l'eau. Je sais qu'elle est infestée de créatures à l'appétit féroce qui mettraient fin à mon existence en peu de temps. Mais j'ai les mains liées dans le dos par une corde dont l'extrémité, telle la longe d'un animal, est tenue par l'un des deux gardes assis derrière moi. A chacun de mes gestes qu'il juge suspect, il tire sur cette corde d'un coup sec. J'ai mal dans les bras, des poignets jusqu'aux épaules.
On me conduit vers la mort. Du moins, une mort probable. C'est le capitaine, dans ma cellule, qui m'a expliqué, avec une remarquable économie de mots, le sort qui m'était réservé. Le condamné à mort que je suis, se voyait octroyer une chance d'avoir la vie sauve. J'allais être conduit sur une île avec pour toute arme un poignard. Un autre détenu serait également déposé sur l'île. Celui de nous deux qui survivrait à la journée serait libre. Pas moyen d'en apprendre davantage. Son discours terminé, l'officier s'était tu.
J'avais été condamné peu de temps auparavant pour un crime que je n'avais pas commis. J'étais accusé d'avoir mis fin aux jours de je-ne-sais-quelle Excellence. Dans une situation moins tragique, j'aurais ri de cette accusation. Imaginer que moi, modeste écrivain public, aussi fait pour la violence que le dragon est fait pour la douceur, j'aie pu commettre un meurtre m'aurait sans doute amusé, dans d'autres circonstances.
J'étais ainsi conduit vers celui que je n'imaginais plus que comme mon bourreau tant il m'apparaissait impensable d'être le sien. Je ne cessais de voir en lui, tantôt un géant tout en muscles qui ne ferait de moi qu'une bouchée, tantôt un tueur aussi habile avec sa lame que je pouvais l'être avec ma plume. Quoi que j'imaginasse, j'étais l'agneau, il était le loup. Et ce sont ses crocs qui allaient se planter dans ma gorge.
Enfin nous arrivons. D'une main sur l'épaule, le sergent signale au rameur que nous accostons. Celui-ci relève aussitôt ses rames. Le sergent saute dans l'eau. Elle est ici d'une profondeur si faible qu'aucun danger ne l'habite. Il hale l'embarcation sur la plage, bientôt aidé par tous les autres, à l'exception toutefois du garde qui tient mes liens. Lorsque la barque est enfin échouée et stable, ce dernier me fait lever et me contraint à rejoindre le groupe. L'autre garde s'est muni d'une arbalète qu'il pointe ostensiblement vers ma poitrine. Je devine qu'au moindre geste brusque de ma part, il décochera le carreau qui ne manquera pas de me transpercer le coeur.
D'un coup de pied bien placé, mon gardien me fait tomber à genoux. Il tire sur la corde de manière à rapprocher mes poignets. La torsion de mes bras est douloureuse. Je perçois un mouvement sec dans mon dos et soudain mes mains sont libres. Un autre coup de pied, dans le dos cette fois et je me retrouve allongé sur le ventre. J'ai tourné instinctivement la tête pour éviter de me retrouver le visage dans le sable. Je n'aperçois que les bottes du sergent. Soudain, après un sifflement suivi d'un léger ploc, je découvre, tout près de mes yeux, le poignard que l'on me laisse. Dérisoire rempart contre le sort qui m'attend. Je les entends tous retourner à la barque. Je me retourne pour les voir repartir. L'arbalétrier n'a pas lâché son arme qu'il tient toujours braquée sur moi mais avec, me semble-t-il, moins de conviction qu'auparavant. Ils s'éloignent, m'abandonnant à mon sinistre destin.
Tout doucement, je finis par prendre réellement conscience de ma situation. Un danger rôde quelque part. Si toutefois mon adversaire est déjà arrivé. Pendant un instant, j'imagine rester là où on m'a laissé, attendant que la mort survienne. Mais quelque chose comme l'instinct de survie me force à réagir. Je me lève donc et envisage d'étudier les lieux. Je suis sur une plage de sable blanc pas très large. Elle est bordée tout du long, sur son côté intérieur, d'une forêt extrêmement dense. A droite comme à gauche, elle disparaît au bout d'une centaine de mètres dans une courbe, dissimulée par les arbres.
Je me décide à suivre la plage. Je n'ignore pas que je suis un couard, mais je ne peux cependant me résoudre à attendre sans rien faire. A rester là sans bouger, je sens que je pourrais devenir fou. Sans hésiter, je pars vers la droite. En dépit de ma situation, je ne peux m'empêcher de me demander pourquoi je choisi cette direction. Est-ce parce que je suis droitier ? Est-ce que la plupart des gens ferait le même choix ? Etrange tout de même comme la curiosité peut s'exprimer dans un moment aussi dramatique. D'autant que cette dernière a peu de chance d'être assouvie.
Je marche donc lentement et prudemment le long de l'eau. Je préfère me tenir le plus possible éloigné de la forêt dont je redoute la capacité à vomir à tout moment un assassin armé. Je ne quitte pas les arbres des yeux. Bien vite, j'ai le sentiment que l'île est presque parfaitement ronde. En effet, devant moi, la plage persiste à ne me dévoiler que ses sempiternels cent mètres.
Je marche depuis un bon moment déjà lorsque soudain, je découvre au loin sur le sable quelque chose dont je ne comprend tout d'abord pas la nature. Je ralentis et redouble de vigilance. Je m'approche ainsi lentement et finis par comprendre que ce que je vois, là-bas sur le sable, sont des traces de pas. Aussitôt, dans un réflexe puéril, je m'accroupis et observe tout autour de moi. Rien ne bouge. Puis je finis par penser que ces pas sur le sable sont peut-être les miens. J'ai pu faire le tour de l'île. En levant la tête et en observant le ciel au-dessus de la crête des arbres, je m'aperçois que je suis face au soleil. Tout à l'heure, j'en suis sûr, je lui tournait le dos. Tout au plus, j'ai donc fait la moitié du tour de l'île. Ce qui n'a qu'une conséquence possible : ces traces de pas ne sont pas, ne peuvent pas être les miennes.
C'est presque avec un sourire que je découvre que mon adversaire à lui aussi entreprit le tour de l'île dans le sens inverse des aiguilles d'une horloge.

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Je suis les traces avec prudence. Je scrute toujours la ligne des arbres. Ce n'est pas parce que, pour le moment, ses traces de pas n'ont pas dévié du bord de l'eau que mon adversaire n'a pas pu, un peu plus loin, se mettre sous le couvert de la végétation et, rebroussant chemin, m'attendre et espérer me prendre par surprise. Au moment où ces sombres pensées m'envahissent, il me vient à l'esprit que je serais sans doute bien inspiré de reprendre à mon compte la stratégie que je prête à mon adversaire. Je ne suis certes pas un professionnel du combat mais il me semble pour le moins inapproprié de marcher à découvert comme je le fais. Tous les sens en éveil, je me rapproche de la lisière de la forêt. Tendant l'oreille au moindre bruit, pointant le regard vers le moindre mouvement, je m'enfonce au milieu des arbres. Malgré la densité de la végétation, je parviens à progresser à bonne allure et je ne perds à aucun moment mon sens de l'orientation. De fréquents coups d'oeil en arrière me confirment que je m'éloigne en droite ligne de la plage.
Bientôt, je parviens à l'orée intérieure du bois. Je devine à travers les troncs serrés que le centre de l'île est occupé par une immense clairière que je viens d'atteindre. J'approche lentement du bord, accroupi pour être le moins visible possible. Parvenu à la toute dernière rangée d'arbres, j'ai une vue presque complète sur la clairière, si ce n'est qu'une énorme masse rocheuse, unique en son genre sur l'île me semble-t-il, occulte mon regard à ma droite.
Aucune trace de vie là où ma vue se pose. Avec un luxe infini de précautions, je m'approche du rocher. Un regard au dessus de moi ne me révèle aucune présence. Accroupi, je me dirige vers le centre de la clairière, en prenant grand soin de demeurer coller à mon abri minéral. Plus loin, la roche perd de la hauteur jusqu'à disparaître sous la terre. On dirait un plongeur dont un sculpteur aurait figé la posture lors de sa pénétration dans l'eau. Je décide de progresser toujours plus lentement. Soudain un léger bruit retenti dans le calme de la clairière. A quelques pas de moi. Derrière le rocher. Mû par un réflexe contre nature et plutôt que de plonger au sol, je me redresse brusquement. Et je me retrouve face à mon adversaire. Lui aussi est debout. Nos regards se croisent et, le premier moment de surprise passé, nous restons figés, stupéfaits.
Cet homme, debout devant moi, aussi improbable que cela puisse paraître, c'est moi, traits pour traits. Comme chacun d'entre nous, je n'ai pas l'habitude de me voir si ce n'est inversé lorsque je me regarde dans un miroir. Pourtant le doute n'est pas permis. C'est bien moi, un autre moi, qui est là, devant moi. Ma première pensée prend la forme d'un soulagement incongru. Je me dis en effet que cet adversaire est, contre toute attente, à ma mesure. Mais aussitôt après je réalise que, aussi insensé que cela puisse paraître dans la situation de danger dans laquelle je me trouve, je ne me vois pas agresser un homme qui est tout mon portrait. C'est tout simplement inconcevable. D'ailleurs je ne pense plus alors qu'à une seule chose : avoir une discussion avec mon double. Tout va s'arranger. Nous allons trouver une solution qui préservera sa vie et la mienne. Même si on m'a prévenu qu'aucun arrangement n'était possible entre les adversaires. Si les deux condamnés sont retrouvés vivants, les deux sont exécutés. Sur place.
J'en suis là de mes réflexions lorsque mon alter ego, poussant un cri féroce, le poignard levé, menaçant, enjambe le rocher et se rue sur moi. Je recule précipitamment à l'instant même ou mon adversaire, presque arrivé à ma hauteur, balaie l'air devant lui avec sa lame. J'évite de justesse d'être touché et je continue à m'éloigner à reculons, trop effrayé à l'idée de me retourner et de ne plus voir le danger qui me menace. Mais à me hâter ainsi en marche arrière, je finis par buter du talon contre une racine qui émerge de la terre. Je perds aussitôt l'équilibre et tente désespérément de rester debout en moulinant des bras. Mon assassin se rue alors sur moi pour profiter de son avantage mais dans sa précipitation, il heurte à son tour la racine et tombe sur moi. Nous finissons tous les deux violemment à terre. Je suis allongé sur le dos. Il est affalé sur moi. J'ai le souffle coupé. Longtemps, je cherche à faire entrer de l'air dans mes poumons douloureusement vides. Je dois ressembler à un poisson qui se débat hors de l'eau. Mais bientôt, le divin gaz accepte de pénétrer mon organisme à l'asphyxie. C'est alors qu'une autre douleur, jusque là occultée par le feu qui embrasait mes poumons, fait son apparition au sommet de mes souffrances. J'ai très mal au bras droit. Celui-ci, replié, est écrasé sous le poids de mon adversaire. Je sens que mon poignet droit est tordu. Je tiens quelque chose dans la main droite. Puis je sens un liquide chaud et poisseux couler le long de mes doigts. Comme mon adversaire ne bouge pas, je tente de le repousser. Je n'y parviens qu'avec le plus grand mal, tant ma main me fait souffrir.
C'est la poignée de ma lame que je serre dans la main droite. Et c'est le sang de mon adversaire qui coule le long de mes doigts. La pointe de l'arme à pénétré profondément et avec une déconcertante facilité dans la poitrine de l'homme. Au niveau du coeur. Même si je ne suis pas homme de médecine, je n'ai aucun doute. Je lâche le poignard avec horreur tout en tentant de m'éloigner avec maladresse. Seuls mes bras sont libres mes jambes étant encore coincées sous le corps de ma victime. Je pense que mon adversaire est mort lorsque je le vois soudain ouvrir les yeux et tourner la tête vers moi. J'ai beau chercher, je ne vois aucune haine dans son regard. Juste une profonde, incommensurable tristesse. Je l'imagine alors peut-être, mais il me semble voir une larme couler au coin de son oeil. Puis, après une ultime crispation il rend son dernier souffle. C'est à mon tour de pleurer. Je me laisse submerger par des sanglots incontrôlables. Je prends sa tête entre mes mains et la dépose délicatement sur mes genoux.
Et je pleure, je pleure et pleure encore. Je crois ne jamais devoir m'arrêter de pleurer.

Je suis toujours dans la même position lorsque les soldats me trouvent. Je ne pleure plus. J'ai l'impression que mes yeux ont versé toutes leurs larmes. Le soleil est bas. Je dois être dans cette clairière avec le cadavre depuis des heures. Le sergent, (est-ce le même ou bien un autre ?), déserre avec douceur mais fermeté mes doigts crispés sur le corps du mort. Il me remet debout et m'escorte jusqu'à la plage. On m'assoit, hagard, dans une barque. Puis c'est le retour vers les rives du lac. Le sergent (oui, c'est bien le même) me regarde avec ce que je crois être de la compassion.
Les images du combat assaillent mon esprit comme elles l'ont fait tout l'après-midi. Je sais d'ores et déjà qu'elles vont hanter toutes mes nuits jusqu'à la fin de mes jours. Je sais que je vais revivre indéfiniment le cauchemar de cette journée.
Cette journée où je me suis tué.

dimanche 5 avril 2009

Vengeance - Fabrice Colin

Tragique existence que celle de Tirius Barkhan. Recueilli par le frère de l’Imperator apprès le massacre de sa famille, le jeune Ishwen, accusé d’un crime qu’il n’a pas commis, revient à Dât-Lakhan pour demander réparation. Mais l’envahisseur Senthaï est déjà là. Réhabilité et nommé général, Barkhan tente de repousser ses assauts. Et meurt sur le champ de bataille, victime d’un terrible complot. Du moins, c’est ce que l’histoire raconte... Car aujourd’hui, un nouveau guerrier se présente aux portes de la ville, et Vengeance est le nom de son épée. Vengeance ! Vengeance pour la mort de Barkhan !

En principe, je ne suis pas fan d'heroic-fantasy. Ces histoires de guerrier invincible, de légende vivante, de mythe indestructible sont à ce point rabâchées que je n'en espère plus rien de nouveau. Et j'avoue avoir eu un peu de crainte devant cette énième aventure épique annoncée par la quatrième de couverture.
Mais c'était sans compter avec la force d'évocation de Fabrice Colin. Je crois que ce qui sauve les lecteurs des livres de ce genre, de l'ennui, c'est la capacité qu'a l'auteur de générer en eux des images fortes. Et ici, l'exercice est parfaitement réussi. La plupart des passages un peu dramatiques nous rappellent des souvenirs d'enfance lorsque nous gobions les yeux écarquillés des kilomètres d'images de peplum sur grand ou petit écran. Tout est là, amalgamé dans un subtil mélange ou chacun peut y voir ce qui lui chante. C'est ainsi que selon les souvenirs particuliers des uns et des autres nous verrons (reverrons) vivre : Ulysse, Spartacus, Ben-Hur, Leonidas, Alexandre, Hannibal ou d'autres.
D'autant que, à l'inverse de beaucoup de ses compatriotes, Fabrice Colin écrit dans un style simple, épuré et son roman se lit avec beaucoup de plaisir et de facilité. Lorsqu'il doit signifier qu'un vieux guerrier pose lentement son casque sur la table il écrit :" Le vieux guerrier posa lentement son casque sur la table." et pas "L'homme qui avait participé à toutes les guerres ôta la protection de métal qui garantissait son chef et la déposa avec infiniment peu de hâte sur le meuble de bois quadrupède." Ce qui ne signifie pas que l'auteur écrit comme un pied. Loin s'en faut. Il est simplement parfaitement lisible. Ce qui est énorme.

Le roman est divisé en quatre parties (actes), chacune racontant une histoire différente et que nous pourrions intituler : exil, retour, vengeance, expiation. Le ton change également d'un acte à l'autre. Autant le premier est d'un extrême classicisme frisant le roman pour adolescent, autant la suite et la fin versent peu à peu dans la tragédie la plus noire. Le dernier acte est un peu un condensé trash de Légendes de David Gemmell. D'aucuns ont pu déplorer ce changement de ton. C'est pour ma part ce qui m'a le plus emballé. Comme quoi. Une fois de plus, décidément, j'ai l'impression d'être à contre-courant. Et moi je dis : vive la multiplicité des points de vue.

Vengeance est un petit roman (306 pages) peut-être pas indispensable mais qui vous fera passer un bon moment. Surtout si vous êtes comme moi.

Attention ici pas de happy end. Ames sensibles s'abstenir.

samedi 4 avril 2009

Le goût de l'immortatlité - Catherine Dufour

Mandchourie, en l'an 2213 : la ville de Ha Rebin dresse des tours de huit kilomètres de haut dans un ciel jaune de pollution. Dans les caves grouille la multitude des damnés de la société, les suburbains. Une maladie qu'on croyait éradiquée réapparaît. Cmatic est chargé par une transnationale d'enquêter sur trois cas. Une adolescente étrange le conduira à travers l'enfer d'un monde déliquescent, vers ce qui pourrait être un rêve d'immortalité. Mais vaut-il la peine d'être immortel sur une Terre en perdition ?

Pour dire la vérité, j'ai à peine dépassé la page 100, soit un tiers du livre, avant de jeter l'éponge. Cette chronique ne prétendra donc pas refléter la totalité du roman.
En vieux lecteur d'oeuvres de l'imaginaire j'ai, par expérience, constaté que les auteurs français semblent prendre un malin plaisir à utiliser un style alambiqué, des phrases tarabiscotées rendant par là leurs textes difficiles à lire et/ou ennuyeux. On dit de certains personnes qu'elles s'écoutent parler, ces écrivains s'écoutent écrire.
Et j'ai bien peur que Catherine Dufour ne soit pas loin de faire partie du lot. J'ai fait une première tentative pour lire ce Goût de l'immortalité avant de m'arrêter aux alentours de la page 75. J'ai ensuite fait une seconde tentative qui m'a amené jusqu'à la page 104. Bel effort ! Et d'effort, précisément, il y en avait trop à fournir pour appréhender le texte. Lire du Catherine Dufour nécessite, apparemment, une concentration sans faille. Et pour moi, la lecture étant avant tout un plaisir, il est inconcevable d'avoir à fournir une attention démesurée pour venir à bout d'un texte.
Pourtant, pour être juste, les phrases sont courtes, le vocabulaire à la portée du plus grand nombre mais suite à je ne sais quelle alchimie maligne le tout est difficile à suivre.
Ajoutez à cela que le contenu même du livre n'a jamais, dans la centaine de pages lues, éveillé en moi un intérêt extraordinaire et vous comprendrez mieux comment j'ai pu renoncer à poursuivre. Le monde qui est décrit est certes une vision personnelle, intéressante de ce que nous réserve l'avenir. Mais les personnages manquent trop de consistance ou d'intérêt à mon goût. De plus cela manque singulièrement de dialogues même si la forme épistolaire le justifie.
En bref, si je ne vous encourage pas à lire ce livre, je ne veux pas vous dégouter de le faire. Je ne lui trouve pas de réels défauts majeurs, mais, malheureusement, pas non plus de ces qualités que je recherche en particulier dans les romans. Il n'est juste pas fait pour moi. Voilà tout.
Mais il n'est pas exclus que je donne à ce roman une nouvelle chance, un jour que je serai mieux disposé.
P.S. En général je ne me préoccupe pas de ce genre de détail mais en l'occurence la couverture est particulièrement laide (mais ça ne change pas le contenu).