samedi 15 janvier 2011

Loterie Solaire - Philip K. Dick

Sur cette Terre de l'avenir, le jeu décide du sort des hommes. Tel qui œuvrait servilement dans une colonie industrielle peut devenir du jour au lendemain maître du monde, Meneur de Jeu, si les hasards des combinaisons atomiques du minimax en décident ainsi.
C'est ce qui arrive à Leon Cartwright, simple réparateur électronicien. Mais dans ce monde du XXIIIème siècle, l'assassinat légal du Meneur de Jeu est autorisé. Dès son arrivée au pouvoir, Cartwright se sent menacé de toutes parts malgré le corps de policiers télépathes qui est chargé de sa protection.
Encore ne sait-il pas que l'assassin qui le traque n'est pas humain et que rien ne peut l'arrêter.

  Les plus jeunes sont souvent agacés et souvent à juste titre par les phrases du genre : « C'était mieux avant ». Pourtant, au risque de me faire huer, j'ai bien envie de déclarer, chaque fois que je sors de la lecture d'un roman de Dick : « C'était mieux avant ». Quand on voit la situation désespérante dans laquelle se situe la Science-Fiction de nos jours, on ne peut que regretter son âge d'or. Bien sûr, il reste encore quelques auteurs très intéressants dans ce domaine, mais tellement moins qu'il y a trente ans. Mais heureusement, rien ne nous empêche de replonger ou plonger tout court dans les romans de l'époque et en particulier dans ceux du maître. Mais fermons ici la parenthèse nostalgie.
 Loterie Solaire est le premier roman de Dick. Il l'a écrit en 1955. Soit il y a plus de 55 ans. Il n'a toutefois pas pris une ride. Il est assez peu souvent cité pourtant il fait partie des romans de l'auteur que je préfère. L'intrigue est assez simple et se déroule sur seulement quelques jours. Leon Cartwright est devenu Meneur de Jeu et il va devoir déjouer les plans machiavéliques de son prédécesseur, Reese Verrick, qui souhaite assassiner (légalement) le nouveau maître du monde et retrouver sa place.
Comme à son habitude, Dick parvient à nous brosser en simplement quelques phrases l'univers dans lequel évolue l'action. Dans ce monde assez effrayant, l'homme le plus puissant de la terre est désigné par le hasard. N'importe qui peut assassiner le Meneur de Jeu, de la façon la plus légale qui soit, même si l'exercice est très règlementé.  Les citoyens sont rangés en deux catégories : les classés et les non-classés. Pour travailler pour quelqu'un, il faut lui prêter un serment d'allégeance qui fait de l'employé un véritable serf. Le Meneur de Jeu est protégé par un corps de policiers télépathes qui doivent allégeance à la fonction et non à l'homme.
Avec ces quelques éléments, Dick nous gratifie de ce que je qualifierais de thriller de Science-Fiction. Un roman d'action mené tambour battant. La réflexion n'y est portant pas totalement absente puisque l'auteur nous invite à réfléchir sur certaines question importantes. Notamment celle-ci : peut-on désobéir à des lois qui heurtent notre conscience ?

- (...) Est-ce un crime que de désobéir à une loi infâme ou à un serment vicié ?
- C'est un crime, dit Cartwright lentement. Mais il est peut-être bon de le commettre.
- Dans une société de criminels, avança Shaeffer, les innocents vont en prison.

Et pour ne rien modifier à ce qui est quasiment une marque de fabrique, Dick dresse une nouvelle fois (ou plutôt une première fois, s'agissant d'un premier roman) les portraits d'individus tout ce qu'il y a d'ordinaires. 
Un premier roman extraordinaire plutôt moins tourmenté que tous ceux qui allaient suivre. Et une fois de plus, je ne me lasse pas de le répéter, Dick nous offre une histoire solide et palpitante en seulement 182 pages.

mardi 11 janvier 2011

Second anniversaire

Étonnement Oui, parce qu'il faut bien le dire, je suis très étonné d'avoir tenu deux ans.
Bilan Je ne ferai pas de bilan chiffré parce que je suis un paresseux et je n'ai pas envie de compter. Ce qui est certain, c'est que cette année 2010 aura été très, très moyenne en terme de livres lus. La bonne nouvelle, c'est que la qualité était (assez souvent) au rendez-vous. Si je ne devais citer que les romans auxquels j'ai mis un 5/5 que je ne renierai pas, il y aurait (excusez du peu) :
et j'en passe.
À côté de cela, j'ai lu (et souvent même pas pu finir) pas mal de livres que je n'ai pas su apprécier et dont je n'ai même pas eu le courage de faire une chronique (citons entre autres, parmi les plus récents, Le monde vert de Brian W. Aldiss et Bloodsilver de Johan Heliot et Xavier Mauméjean. Ce dernier est fort bien écrit mais il n'a pas su me passionner)
Ajoutons une lassitude irrémédiable de la fantasy et vous aurez une bonne idée du triste bilan de cette année. Sans compter que les parutions de Science fiction étant réduites à la portion congrue, il ne me reste aucune échappatoire. Sauf en me replongeant dans mes lectures de jeunesse ce qui a au moins l'avantage de limiter les déceptions. Et voici comment je me retrouve (pour mon plus grand plaisir) à relire du Dick.
Polar Mais comme je ne pouvais pas passer le reste de mes jours à ressortir mes vieux poches de leurs cartons, il a bien fallu que je trouve de vrais remplaçants aux romans de fantasy qui commençaient à me sortir par les yeux. C'est ainsi que je me suis retourné vers d'anciennes amours : les polars. Et pour faire bonne mesure, j'ai même créé un nouveau blog : Noir et sans sucre.

Bonne année 2011 à toutes et à tous et à l'année prochaine ... peut-être. 

samedi 8 janvier 2011

Ubik - Philip K. Dick

Joe Chip est un technicien criblé de dettes travaillant pour Runciter Associates. Cette entreprise propose à ses clients de lutter contre des psis (des personnes aux pouvoirs psychiques développés comme des télépathes, par exemple) susceptibles de leur nuire. Elle utilise pour cela des neutraliseurs, des sortes d'anti-psis capables d'annihiler les pouvoirs des psis, de les rendre inopérants. Le travail de Chip, aidé en cela par un matériel sophistiqué, est de découvrir de nouveaux talents anti-psis. Attiré par une offre alléchante, Runciter embarque ses meilleurs neutraliseurs ainsi que Joe Chip en direction de la lune. Le rendez-vous s'avère être un piège et l'équipe est victime d'un attentat.

Il aura fallu attendre presque deux ans pour découvrir, enfin, sur ce blog une chronique sur un roman de Dick. Pourtant, Dick est incontestablement mon auteur de SF préféré. Mais il est vrai également que mes lectures du maître remontent maintenant à des années (des décennies) et qu'il faut bien que je me rafraichisse la mémoire avant d'en parler.
Si je commence par Ubik, c'est que mon histoire avec ce roman est un peu particulière. C'est d'abord celui de Dick que je préfère et je l'avais déjà lu deux fois ce qui est rare. J'ai aussi perdu deux fois le livre ce qui est exceptionnel. Celui d'aujourd'hui est donc mon troisième exemplaire. Et à chaque lecture, j'oublie totalement les détails et de quoi il est question, mais ça, c'est plutôt habituel. Le seul souvenir qui me reste d'un roman est l'impression générale que j'en ai retiré. Et Ubik faisait partie du sommet dans le domaine. C'est donc avec une hâte fébrile que j'attaquais cette troisième lecture.
Et je n'ai pas été déçu. Quelle claque encore une fois. Mais cette fois-ci, grâce à cette chronique, peut-être m'en restera-t-il quelque chose de plus substantiel.
Ubik foisonne d'idées.  C'est tout d'abord une vision personnelle du monde du futur. Un futur d'ailleurs pas si éloigné puisque vingt-six ans seulement séparent l'écriture du roman de l'époque à laquelle l'histoire est censée se dérouler (1966 - 1992). Ce monde est un monde du tout-payant. D'aucuns ont pu y voir une critique du capitalisme. À vrai dire, je n'en sais rien. Toujours est-il que du point de vue du héros (Joe Chip), ce monde est assez hostile. Pour entrer (et même sortir) de chez soi, il faut « payer » la porte. Pour utiliser sa douche, son réfrigérateur, sa cafetière, il faut y aller de sa petite pièce. Et pour Joe, qui n'a jamais un cent en poche, la vie est un calvaire.
L'idée que des télépathes (entre autres) peuvent constituer une menace pour les sociétés (on pense à l'espionnage industriel, surtout aujourd'hui, en pleine affaire Renault) est intéressante. Sans parler de cette autre idée géniale d'une société (Runciter Associates) qui se consacre entièrement à la neutralisation de ces espions du futur.
La possibilité de pouvoir communiquer avec des personnes « cliniquement » mortes, en semi-vie pour reprendre les termes du roman, est bien vue également.
Quant à cette spirale infernale qui semble entrainer tous les protagonistes dans le passé, elle entretient un suspense efficace, d'autant que les lecteurs que nous sommes n'en savent pas davantage que les personnages eux-mêmes.
Et puis Ubik c'est avant tout du Dick pur jus. Entendez par-là que l'auteur, comme à l'accoutumée, nous fait vivre le quotidien d'un héros tout ce qu'il y a de plus ordinaire. Si on me posait la question, je serais bien incapable de citer un héros du maître qui soit grand, fort, beau, puissant, sachant ce qu'il veut et où il va. Joe Chip n'échappe pas à la règle. C'est un technicien tout ce qu'il y a de plus ordinaire, entrainé bien malgré lui dans une histoire absolument extraordinaire. Et comme il est facile de s'identifier à lui.
Autre qualité du roman : sa taille. Avec simplement 250 pages, Dick nous offre une histoire palpitante. Les auteurs d'aujourd'hui qui ne sont satisfaits que lorsqu'il nous délivrent un pavé d'un minimum d'un bon millier de pages, feraient peut-être bien de s'en inspirer. Je dis ça, je ne dis rien.
Voilà, Ubik est à consommer sans modération. Liquide, en poudre, en pilules; matin, midi et soir; assis, debout ou couché.