Résumé :
Saigné à blanc par des luttes intestines, d’interminables guerres et plusieurs confrontations sanglantes avec le Seigneur Anomander Rake et ses Tistes Andii, le tentaculaire Empire Malazéen frémit de mécontentement.
Les légions impériales elles-mêmes aspirent à un peu de répit. Pour le sergent Mésangeai et ses Brûleurs de Ponts, ainsi que pour Loquevoile, seule sorcière survivante de la 2e Légion, les contrecoups du siège de Pale auraient dû représenter un temps de deuil. Mais Darujhistan, la dernière des Cités Libres de Genabackis, tient encore et toujours bon et l’ambition de l’Impératrice Laseen ne connaît aucune limite.
Cependant, il semble que l’Empire ne soit pas la seule puissance impliquée. De sinistres forces sont à l’oeuvre dans l’ombre, tandis que les dieux eux-mêmes se préparent à abattre leurs cartes...
Pour sacrifier à la tradition, je commencerai cette chronique par une mise en garde, qui se fait l'écho de toutes celles que vous pourrez trouver sur le net. Ce Livre des Martyrs (publié naguère sous le titre Livre Malazéen des Glorieux Défunts), n'est pas d'un abord facile. De l'aveu même de son auteur, ce qui a présidé en priorité à la conception de cette oeuvre c'est l'ambition. Et qui dit auteur ambitieux dit lecteur ambitieux. Disons le tout net, pour lire cette saga, il faut s'accrocher. Et s'accrocher ferme. On est loin ici d'un David Gemmell ou d'un David Eddings. Je respecte profondément l'excellent travail de ces deux grands auteurs, mais il faut reconnaître qu'ils ne sont pas réputés pour leur difficulté à les lire.
Ce qui rend si difficile l'approche du Livre des Martyrs c'est, paradoxalement, ce qui fait sa qualité première : la richesse. Cette série est tout simplement d'une richesse exceptionnelle. Il y a énormément de personnages de premier plan, énormément de peuples à découvrir, ainsi que de cultures, de traditions. Énormément de lieux (il s'agit d'un Empire après tout), de magie, de dieux, d'Histoire (oui, avec un grand H). Comme l'auteur nous plonge là dedans comme un maître-nageur sadique plongerait un enfant ne sachant pas nager dans le grand bain, imaginez les sensations. C'est exaltant autant que terrifiant.
Pour en revenir, par exemple, aux personnages, ceux-ci sont, dans ce premier tome, une bonne vingtaine. Et attention, je parle d'une bonne vingtaine dont l'importance varie entre primordiale et majeure. J’exagère à peine, voire pas du tout. Notez que ceux qui ont survécu à la lecture du génialissime Trône de Fer devraient avoir un gros avantage sur les autres. Parce que, là aussi, en terme de personnages centraux... Mais en fait même pas, ce serait trop simple. Chez Erikson, on n'a pas le temps de s'approprier un personnage que déjà, on passe à un autre. Alors du coup, forcément, irrévocablement, on finit par s'emmêler les pinceaux.
Heureusement toutefois, la plupart de ces personnages appartiennent à des groupes distincts dont on va suivre les aventures ce qui rend l'identification un poil plus facile. De plus, certains d'entre eux vont davantage marquer nos mémoires de par leur nom, leur fonction, leur grade, leur apparence physique, etc., voire un peu de tout ça. Le sergent Mésengeai, le capitaine Paran, le haut-poing Dujek Unbras, l'Adjointe Lorn, Loquevoile, Mes Regrets, Crokus, Toc le Jeune, qui est borgne, Kruppe, qui a de l'embonpoint, et j'en passe. Et pour finir, pour ceux qui décrocherait quand même, il y a un glossaire en fin de volume avec tous les personnages, les lieux, les titres, les groupes, les peuples, les garennes (éléments de première importance du système de magie). Ne surtout pas hésiter à s'y référer, et souvent.
À côté de ça, le talent de conteur de Steven Erikson est tellement grand, qu'on peut suivre avec un réel plaisir les aventures des uns et des autres sans y comprendre tout. Voire sans y comprendre grand chose. D'ailleurs les personnages eux-mêmes ne comprennent pas tout ce qui se passe. Mais avec un peu de patience, on découvre que tout ce qui pouvait paraître obscur devient soudain lumineux. Enfin pas loin.
D'aucuns disent que beaucoup de personnages sont froids et par conséquent, peu attachants. Je ne suis pas si sûr de partager cette opinion. Certes, Erikson ne fait rien pour créer une véritable proximité entre nous et les protagonistes du roman. Malgré tout, je suis parvenu à m'attacher à bon nombre d'entre eux. Une chose importante à noter c'est que la quasi totalité des personnages n'a rien de détestable. Ici, pas de réels vilains dont on se surprend à souhaiter la mort dans d'atroces souffrances. Je ne dis pas qu'ils sont tous gentils et qu'on est dans un monde de bisounours, pas du tout. Nous ne sommes tout simplement pas dans un monde manichéen ou tout est soit blanc soit noir. Tout est plutôt en nuances de gris. Bon, gris clair si vous voulez, mais gris quand même. Après tout, connaissons-nous vraiment des individus à l'âme d'une noirceur absolue ? J'en doute.
Même si l'exercice ne présente qu'un intérêt limité, il peut être tentant de faire un parallèle entre Le Livre des Martyrs et Le Trône de Fer. Ne serait-ce que parce qu'il s'agit de deux monuments de la fantasy, voire de la dark fantasy. Ajoutons-y Le Seigneur des Anneaux, et nous avons, me semble-t-il, le tiercé gagnant. Alors bon, nous sommes dans chaque cas soit dans un immense royaume soit dans un empire. Il y a des batailles, des complots. Même des dragons. Mais en dehors de ça, les deux œuvres sont fondamentalement différentes. Parlons de ce qui distingue Le Livre des Martyrs du Trône de Fer. Ici, il est assez peu fait mention des grandes familles nobles, voire quasiment pas. Les personnages centraux sont plutôt d'extraction assez modeste. Ce sont des soldats, des mages, des voleurs, des assassins (professionnels)... On est baignés à certains moments dans des intrigues politiques, mais sans excès. La magie est ici très, mais alors très, très importante. Primordiale. Originale aussi, à tel point qu'on ne comprend pas toujours bien comment ça marche en dehors du fait que les mages utilisent des "garennes", espèces de labyrinthes situés dans une autre dimension et qui servent aussi à se déplacer plus rapidement et plus discrètement. Même si c'est parfois plus dangereusement. Il y a d'autres différences mais je n'entrerai pas plus dans les détails. Une chose est sûre cependant, une adaptation en série TV aussi réussie que celle du Trône de Fer donnerait probablement lieu à une oeuvre audiovisuelle exceptionnelle. On peut rêver.
Du côté des parallèles qu'on peut être amenés à faire, j'ajouterais juste, outre Le Trône de Fer des oeuvres comme : La Compagnie Noire de Glenn Cook, Les Princes d'Ambre de Roger Zelazny, voire Le Cycle d'Elric de Michael Moorcock, excusez du peu.
Seul petit bémol dans ce discours dithyrambique, l'origine ludique du roman est parfois assez (trop ?) évidente. L'empire Malazéen est en effet au départ un univers de jeu de rôles. Et ça se sent. Du moins est-ce l'impression que cela m'a fait. Le nombre impressionnant de protagonistes, qui sont autant de personnages joueurs ou non joueurs et qui surgissent au milieu des scènes comme invoqués par un Maître de Jeu, fait parfois un peu artificiel. Mais on pardonne à l'auteur tellement tout ça participe à renforcer l'aspect dramatique de l'histoire.
Bon, vous l'avez compris, ce premier tome m'a juste emballé, scotché, embarqué, enflammé, enthousiasmé... Je vous fais grâce de tous les synonymes. Moi qui suis ce qu'on appelle, en bon français, plutôt un easy reader, je n'ai pas éprouvé les difficultés que je craignais en abordant cet ouvrage. Bien sûr, tout n'est pas limpide au premier abord, loin de là, mais le plaisir de lecture est total. Petits conseils : lire avec un maximum de concentration, ne jamais hésiter à consulter le glossaire, c'est important, ne pas se braquer dès que quelque chose nous échappe, car soit nous comprendrons plus tard, soit la compréhension n'est pas indispensable. Enfin, laissez vous porter par l'histoire.
À l'heure où j'écris ces lignes, trois tomes sont sortis. Les Jardins de la Lune, Les Portes de la Maison des Morts et Les Souvenirs de la Glace. Au rythme d'une parution tous les six mois, il reste encore quelque chose comme trois ans et demi pour avoir la totalité de la décalogie en français. Si tout se passe bien. Sachant comme il n'est (quand même) déjà pas simple de lire l'oeuvre dans sa traduction française, loin de moi l'idée de tenter l'expérience dans la langue originale. Tant pis, il va falloir s'armer de patience. Et prier pour ne pas avoir oublié tout ce qu'on a lu d'un semestre à l'autre.
D'aucuns disent que beaucoup de personnages sont froids et par conséquent, peu attachants. Je ne suis pas si sûr de partager cette opinion. Certes, Erikson ne fait rien pour créer une véritable proximité entre nous et les protagonistes du roman. Malgré tout, je suis parvenu à m'attacher à bon nombre d'entre eux. Une chose importante à noter c'est que la quasi totalité des personnages n'a rien de détestable. Ici, pas de réels vilains dont on se surprend à souhaiter la mort dans d'atroces souffrances. Je ne dis pas qu'ils sont tous gentils et qu'on est dans un monde de bisounours, pas du tout. Nous ne sommes tout simplement pas dans un monde manichéen ou tout est soit blanc soit noir. Tout est plutôt en nuances de gris. Bon, gris clair si vous voulez, mais gris quand même. Après tout, connaissons-nous vraiment des individus à l'âme d'une noirceur absolue ? J'en doute.
Même si l'exercice ne présente qu'un intérêt limité, il peut être tentant de faire un parallèle entre Le Livre des Martyrs et Le Trône de Fer. Ne serait-ce que parce qu'il s'agit de deux monuments de la fantasy, voire de la dark fantasy. Ajoutons-y Le Seigneur des Anneaux, et nous avons, me semble-t-il, le tiercé gagnant. Alors bon, nous sommes dans chaque cas soit dans un immense royaume soit dans un empire. Il y a des batailles, des complots. Même des dragons. Mais en dehors de ça, les deux œuvres sont fondamentalement différentes. Parlons de ce qui distingue Le Livre des Martyrs du Trône de Fer. Ici, il est assez peu fait mention des grandes familles nobles, voire quasiment pas. Les personnages centraux sont plutôt d'extraction assez modeste. Ce sont des soldats, des mages, des voleurs, des assassins (professionnels)... On est baignés à certains moments dans des intrigues politiques, mais sans excès. La magie est ici très, mais alors très, très importante. Primordiale. Originale aussi, à tel point qu'on ne comprend pas toujours bien comment ça marche en dehors du fait que les mages utilisent des "garennes", espèces de labyrinthes situés dans une autre dimension et qui servent aussi à se déplacer plus rapidement et plus discrètement. Même si c'est parfois plus dangereusement. Il y a d'autres différences mais je n'entrerai pas plus dans les détails. Une chose est sûre cependant, une adaptation en série TV aussi réussie que celle du Trône de Fer donnerait probablement lieu à une oeuvre audiovisuelle exceptionnelle. On peut rêver.
Du côté des parallèles qu'on peut être amenés à faire, j'ajouterais juste, outre Le Trône de Fer des oeuvres comme : La Compagnie Noire de Glenn Cook, Les Princes d'Ambre de Roger Zelazny, voire Le Cycle d'Elric de Michael Moorcock, excusez du peu.
Seul petit bémol dans ce discours dithyrambique, l'origine ludique du roman est parfois assez (trop ?) évidente. L'empire Malazéen est en effet au départ un univers de jeu de rôles. Et ça se sent. Du moins est-ce l'impression que cela m'a fait. Le nombre impressionnant de protagonistes, qui sont autant de personnages joueurs ou non joueurs et qui surgissent au milieu des scènes comme invoqués par un Maître de Jeu, fait parfois un peu artificiel. Mais on pardonne à l'auteur tellement tout ça participe à renforcer l'aspect dramatique de l'histoire.
Bon, vous l'avez compris, ce premier tome m'a juste emballé, scotché, embarqué, enflammé, enthousiasmé... Je vous fais grâce de tous les synonymes. Moi qui suis ce qu'on appelle, en bon français, plutôt un easy reader, je n'ai pas éprouvé les difficultés que je craignais en abordant cet ouvrage. Bien sûr, tout n'est pas limpide au premier abord, loin de là, mais le plaisir de lecture est total. Petits conseils : lire avec un maximum de concentration, ne jamais hésiter à consulter le glossaire, c'est important, ne pas se braquer dès que quelque chose nous échappe, car soit nous comprendrons plus tard, soit la compréhension n'est pas indispensable. Enfin, laissez vous porter par l'histoire.
À l'heure où j'écris ces lignes, trois tomes sont sortis. Les Jardins de la Lune, Les Portes de la Maison des Morts et Les Souvenirs de la Glace. Au rythme d'une parution tous les six mois, il reste encore quelque chose comme trois ans et demi pour avoir la totalité de la décalogie en français. Si tout se passe bien. Sachant comme il n'est (quand même) déjà pas simple de lire l'oeuvre dans sa traduction française, loin de moi l'idée de tenter l'expérience dans la langue originale. Tant pis, il va falloir s'armer de patience. Et prier pour ne pas avoir oublié tout ce qu'on a lu d'un semestre à l'autre.
Excellent. Coup de cœur.