jeudi 27 octobre 2016

Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur - Harper Lee

Résumé :
Dans une petite ville d'Alabama, au moment de la Grande Dépression, Atticus Finch élève seul ses deux enfants, Jem et Scout. Homme intègre et rigoureux, cet avocat est commis d'office pour défendre un Noir accusé d'avoir violé une Blanche. Celui-ci risque la peine de mort.

Quand on lit pas mal comme moi, c'est aussi pour avoir le bonheur, de temps en temps, de lire un roman tel que celui-ci. Parce que ces quelques heures passées en compagnie de l'attachante Scout, c'est du pur bonheur. Pourtant, le pari n'était pas gagné d'avance tant j'ai peu de goût pour les personnages gentils, très gentils, trop gentils. J'ai depuis longtemps passé l'âge d'apprécier les Bisounours et j'ai peu d'appétit pour tout ce qui dégouline de bons sentiments. Et dans ce roman, la plupart des personnages sont gentils. Pour mieux dire : bienveillants. Seulement voilà, tout le talent de Harper Lee est de nous convaincre que de telles personnes existent pour de bon et que le monde n'est pas peuplé de salauds, loin de là. Et puis quoi ? L'ambition de chacun d'entre nous (au moins de la plupart) n'est-elle pas de montrer de la bienveillance ? Je doute que nous cherchions, tous autant que nous sommes, à être couronné du titre d'ordure de l'année. N'est-ce pas ?
Alors oui, les personnages de ce roman sont bienveillants. À commencer par le père Atticus. Mais être avocat et ne pas montrer un minimum d'empathie à l'égard de l'humanité toute entière, voilà qui semblerait curieux. À moins bien sûr de considérer cette profession comme juste un bon moyen de gagner beaucoup d'argent. Il y a également la voisine, Miss Maudie, qui vit seule depuis la mort de son mari. Le shérif, M. Tate, un brave homme même s'il n'a pas toujours le courage d'assurer ses fonctions. D'une façon générale, d'ailleurs, les habitants de Maycomb sont plutôt de braves gens qui ne demandent rien de plus que de pouvoir vivre en paix.
Malheureusement, vivre en paix n'est pas toujours possible dans ces lieux et en ces temps. Surtout quand un Noir est accusé, à tort, on s'en doute, d'avoir violé une jeune fille blanche. Et qu'Atticus Flinch est chargé de défendre l'accusé. Et là, on découvre comment, dans cette période de racisme et de bigoterie, les braves gens peuvent se transformer en foule sauvage.
De ce point de vue, le message de l'auteur m'a semblé être que l'humain est sans doute foncièrement bon,mais que la dureté de la vie, la peur, des croyances tenaces peuvent le rendre mauvais et cruel.
Quant au génie de Harper Lee, il réside entre autre dans l'idée de nous avoir fait vivre cet épisode d'une petite ville de l'Alabama à travers les yeux d'une petite fille fort attachante. On va ainsi la suivre pendant les trois premières années de sa vie scolaire (en gros du CP au CE2 en équivalent français) et les alternances de cours d'école ennuyeux pour cette gamine qui sait déjà lire et écrire et d'étés merveilleux de découvertes mais qui passent trop vite. Quoi d'autre que le regard d'une enfant pour nous montrer à quel point cela n'a aucun sens d'être condamné, avant même d'être jugé, parce qu'on n'a pas la chance d'avoir la bonne couleur de peau ?
Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur est un roman qui n'a décidément pas usurpé l'excellente réputation qu'il a. Je vous invite à le lire séance tenante.

Excellent. Coup de cœur.

dimanche 23 octobre 2016

Le profanateur - Philip K. Dick

Résumé :
Allen Purcell, communicateur, était chargé de faire respecter l'ordre moral à coups de feuilletons télévisés dans un monde de comité de quartier, de minuscules mouchards robots et de conformisme absolu. Il était un citoyen parfait.
Le seul ennui pour lui et pour le Rémor, le Réarmement Moral, c'était qu'il avait le sens de l'humour. Profond, dévastateur, inconscient.
Il y avait un trou dans son emploi du temps. Et la statue du Major Streiter avait perdu la tête.

Je suis bien tenté de qualifier ce roman de dystopie pour rire. C'est un peu comme si 1984 ou Le meilleur des mondes avaient été écrits par un George Orwell ou un Aldous Huxley sous l'emprise de substances qui font rire. Rien n'est vraiment sérieux dans ce petit roman par ailleurs fort agréable à lire. Le monde décrit par Dick n'a pourtant rien de drôle, comme dans toute bonne dystopie qui se respecte. La société est soumise à un code moral fort, le Rémor. Dans chaque quartier, régulièrement, certains habitants sont mis sur la sellette, chaque fois qu'ils ont, réellement ou pas, enfreint les règles élémentaires d'une morale stricte. La Terre ne produit pour ainsi dire plus les ressources nécessaires à l'alimentation de la population. Tous les produits alimentaires sont issus des planètes colonies. La plupart des animaux ont disparus de la surface de la planète. Cela nous rappelle un peu Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? (Blade runner), qui ne sera écrit que quelques 12 ans plus tard.
C'est dans cette société étouffante que vit Allen Purcell, un homme non seulement sans histoire mais cité en exemple pour sa moralité au dessus de tout soupçon. Seulement voilà, parfois Purcell craque et se sent obligé de faire, clandestinement, des choses que les bonnes gens réprouvent. Pourquoi ? Il n'en sait rien lui-même. Mais cela l'entraine dans une série d'aventures ou de mésaventures que nous suivons avec une certaine jubilation.
 Bon, ce n'est certes pas du grand Dick et l'auteur le reconnait lui-même, mais ce roman nous fait passer un très bon moment quand même. À noter que c'est une fois de plus un livre de Dick que je n'avais pas lu adolescent ou jeune adulte. Va falloir que ça cesse. Mais je crois bien que c'est, de fait, l'un des derniers dans ce cas.

Bon. 

jeudi 20 octobre 2016

L'oreille interne - Robert Silverberg

Résumé :
David Selig, Juif new-yorkais d'une quarantaine d'années, se considère comme un raté. Il est pourtant télépathe et pourrait profiter de ce don pour faire fortune, conquérir - et garder ! - les plus belles femmes... Mais non, rien à faire, il estime être un monstre tout juste bon à faire le nègre sur des devoirs d'étudiants, incapable de réussir sa vie. La dernière preuve en date : ce talent qu'il déteste tant, mais qui est finalement son seul lien avec le reste de l'humanité, est en train de le quitter ! Apeuré à l'idée de se retrouver seul avec lui même, Selig nous conte sa misérable existence. Grand roman psychologique, plein d'humour et de mélancolie, L'oreille interne est peut-être le plus beau livre de Robert Silverberg et à coup sûr un chef-d'œuvre de la science-fiction.

J'avoue avoir été tout d'abord particulièrement dérouté par ce roman. Parce que bon, on me le vend comme étant un roman de science-fiction, n'est-ce pas ? Or, en dehors du don particulier de David Selig, capable de lire les pensées de ceux qui l'entourent, l'appartenance de l'ouvrage au genre n'est pas tout ce qu'il y a de plus évidente. Imaginons que Selig n'ait pas eu de pouvoir mais, soit une qualité encombrante, soit un défaut handicapant, l'histoire racontée aurait pu être la même. À quelque chose près.
Et qu'elle est-elle cette histoire, d'ailleurs ? C'est celle d'un homme qui, en dépit d'un pouvoir qu'on imagine volontiers pratique, voire décisif dans le domaine sentimental ou professionnel se révèle un vrai perdant sur tous ces plans.
On suit, aussi bien à l'aide de récits qui s'ancrent dans le présent que de nombreux flashbacks, les mésaventures à la fois drôles, touchantes, pathétiques de Selig. Et au travers de cette histoire singulière, c'est un portrait sans concession que Silverberg nous brosse des États-Unis des années 50 à 70.
A bien y regarder, ce que nous propose l'auteur n'aurait certes pas été désavoué par les grands auteurs classiques américains du début du vingtième siècle. On pense à Steinbeck, Fante, Burroughs, Kerouac...  Et Silverberg n'a pas à rougir de la comparaison. Alors, bien sûr, certains esprits chagrins m'objecteront que, définitivement, ce n'est pas vraiment de la science-fiction. Ce n'est pas faux. Mais ça l'est assez pour intéresser l'amateur du genre et pas suffisamment pour rebuter les autres. 
Un roman consensuel, donc, et fort bien écrit. Une curiosité.

Très bon. 

mardi 11 octobre 2016

Jusqu'au dernier - Deon Meyer

Résumé :
Mat Joubert, capitaine à la Brigade des vols et homicides du Cap, en Afrique du Sud, est sur ses gardes depuis l'arrivée du colonel Bart De Wit. Celui-ci, récemment nommé à la tête de ce service par le ministre noir de l'intérieur, est un ancien de l'ANC, vif, calculateur et ambitieux. À peine installé dans ses nouvelles fonctions, il demande à Mat d'arrêter de fumer, de perdre quinze kilos, et l'envoie chez une psychologue pour qu'il retrouve toute son efficacité dans le travail. Tâche difficile pour le capitaine qui a perdu son épouse depuis deux ans et, avec elle, son envie de vivre et de se battre. Il lui faudra pourtant remonter le courant lorsque deux affaires réclameront sa perspicacité légendaire. La première concerne un braqueur de banque, doux, aimable, surnommé "Monsieur Mon Cœur". La seconde est plus obscure : des meurtres sont perpétrés avec un Tokarev, arme utilisée par les guérilleros marxistes qui sévissaient en Angola et avec un mauser, ressurgi de la guerre de Boers. Poursuivi par la presse, aiguillonné par le colonel De Wit et de nouveau attiré par les femmes, Mat émerge de ses ténèbres pour plonger dans celles de l'assassin.

J'ai eu un peu de mal à entrer dans le livre. La faute déjà à un peu de dispersion de ma part au moment où je l'ai lu, puisque j'avais plusieurs autres lectures en cours. C'est vrai. Mais également à la façon dont l'auteur traite son sujet. Loin de ne s'intéresser qu'à l'enquête, ou plutôt aux enquêtes, puisqu'il y en a deux en cours, il s'intéresse également de très près au quotidien des personnages. Creusant jusqu'aux détails les plus banals : le régime nutritionnel que son chef impose au capitaine Joubert, la tentative du même Joubert pour arrêter de fumer, ses (més)aventures avec les femmes, j'en passe et des meilleurs d'autant que la vie des autres personnages n'est pas moins décortiquée. Vous me direz que tout cela a l'air plutôt positif, et qu'un auteur ne creuse jamais trop profondément dans la psyché de ses personnages. C'est tout à fait vrai. Mais on est tellement peu habitué à l'accumulation de ces tranches de vie plutôt triviales qu'on s'en trouve un peu dérouté. Ça part un peu dans tous les sens, on passe d'un personnage à l'autre, d'une enquête à l'autre. Puis soudain, on finit par s'y faire et on savoure. Voir un flic étudier avec application un livre de diététique, voilà du banal pas banal si vous me passez l'expression.
A côté de ça, nous découvrons, à hauteur d'homme si je puis dire, la société sud-africaine. Et elle ne fait pas vraiment rêver. Elle fait un peu penser aux États-Unis des années 1960, sauf que dans cette Afrique du sud là, la ségrégation est officiellement abolie. Malheureusement, de vieilles habitudes ont la vie dure. Les conflits entre communautés semblent toujours d'actualité et cela n'aide pas la police, bien entendu. La multiplicité des langues officielles dans le pays est probablement aussi un facteur de division. Je ne citerai que les trois évoquées dans le roman : l'afrikaans, l'anglais et le xhosa. Il faut lire la scène, quasi surréaliste, de la conférence de presse pour se rendre compte.
Côté enquête, là je n'ai pas été particulièrement surpris. Une fois n'est pas coutume, j'ai découvert l'assassin bien avant la fin, moi qui suis une buse à ce jeu là. En fait, je ne joue jamais à essayer de trouver, je me laisse embarquer par l'auteur, en général. Rien de bien original, le mobile étant relativement facile à deviner quand on a lu quelques romans policiers. Mais vous l'aurez compris, l'essentiel est ailleurs.
Il est dans un pays assez exotique pour nous (mais encore une fois, pas si éloigné que ça des États-Unis), dans le personnage très attachant du capitaine Joubert, sans doute parce qu'il a l'air bien paumé et dans le reste de l'équipe.
J'ai donc passé un excellent moment et nul doute que je me laisse embarquer à nouveau dans une enquête du capitaine Joubert en souhaitant que le niveau de l'intrigue s'améliore.

Très bon.
 

dimanche 9 octobre 2016

Les pantins cosmiques - Philip K. Dick

Résumé :
Millgate, Virginie. Un trou perdu au fond des Appalaches. Quelques bars, quelques boutiques qui s'échelonnent le long de la grand-rue... Une petite ville tranquille, confite dans ses habitudes, où rien ne semble devoir changer. Jusqu'au jour où c'est la réalité elle-même qui bascule.
Dans un roman où le fantastique le dispute à l'horreur, Philip K. Dick fait passer le souffle des grand combats cosmiques ici même, à notre porte.
Terrifiant. 

Aussi étonnant que cela puisse paraître, je crois bien n'avoir encore jamais lu ce roman de Dick. Fut pourtant une époque où aucune de ses œuvres publiée en France ne m'échappait. Lacune sans doute dû à sa publication tardive (1984, après la mort de l'auteur).
Quoi qu'il en soit, j'ai abordé ce roman sans aucun a priori. Et j'avoue avoir été extrêmement (mais aussi agréablement) surpris. Si on retrouve bien la "patte" de Dick, on comprend vite que nous n'avons pas affaire à un récit de science-fiction, son domaine de prédilection. L'histoire est plutôt tout ce qu'il y a de plus fantastique. Fantômes, golems, animaux sauvages obéissant aux hommes...
Même le thème de fond, la ville étrange qu'on ne peut quitter, et qui a depuis été repris à maintes et maintes reprises, fleure bon le fantastique. On se croirait dans du King avant l'heure, car n'oublions pas que le roman est paru en 1957 (je n'étais pas encore né (mais presque) et King avait 10 ans).
Alors déçu ? Pas le moins du monde. D'autant que c'est bien du Dick que nous sommes invités à lire, pas de doute possible. On y retrouve son thème de prédilection, la réalité altérée. Le tout se lit très bien, très vite, d'autant plus qu'il est très court. Je dirais qu'il s'agit d'une petite perle, manifestement et à tort assez méconnue mais fort sympathique. Sans être exceptionnel, ce roman devrait vous faire passer un excellent moment (1 heure et demie à tout casser). Une surprise inattendue pour le Dickien que je suis.

Très bon.

samedi 8 octobre 2016

Les chaînes de l'avenir - Philip K. Dick

Résumé :
Jones prévoyait l'avenir. Non pas à la façon vague d'un diseur de bonne aventure, mais de manière précise, dans tous ses détails. Il se souvenait de l'avenir. L'ennui, c'était que son don était limité à une année. Et le drame, c'était qu'il ne pouvait rien changer à ce futur certain.
Il savait ce qui allait lui arriver. Et ce qui allait arriver à toute l'humanité en un temps où d'étranges créatures, les dériveurs tombaient de l'espace interstellaire sur toutes les planètes du système solaire, y compris la Terre.
De quoi devenir un Prophète, un Messie, bouleverser l'ordre déjà ébranlé d'une Terre mal en point et la charger des chaînes de l'avenir. Pour l'Eternité ?

Ce second roman publié par Dick (Après Loterie Solaire), aurait pu faire l'objet de trois romans différents. Un premier focalisé sur les petits mutants qui ouvrent le récit, un second sur le monde imaginé par l'auteur et en particulier sur son aspect politique, un troisième, enfin, sur les "dériveurs", ces protozoaires venus de l'espace. Résultat, le roman devient une espèce de fourre-tout dans lequel chacun des thèmes est survolé, abandonné, repris. L'ensemble manque donc cruellement de substance et aurait sans doute gagné à être un peu plus long pour permettre un développement plus conséquent des sujets abordés.
Cependant, nous commençons à percevoir, dans ce deuxième roman, une bonne partie de ce qui fait l'univers Dickien. Nous y trouvons en particulier les thèmes de la manipulation, de la sécurité, de la surveillance. Et nous découvrons surtout le style particulier de Dick. Sa façon qu'il a de mettre au premier plan à la fois des gens puissants et d'autres absolument ordinaires. De s'attacher, en plein milieu d'un drame planétaire, aux petites chose de la vie quotidienne.
Enfin, on notera que, contrairement aux auteurs contemporains, plutôt férus de hard-science, Dick était un peu fâché avec les réalités astronomiques. Il faut voir avec quelle facilité on se rend sur Vénus, planète qu'il n'a d'ailleurs pas hésité à peupler d'une faune et d'une flore. Tout juste a-t-il rendu compte d'une atmosphère bien différente de celle régnant sur Terre et rendant la vie là-bas, impossible pour nous terriens. Mais ce qui pourrait nous paraître ridicule, à nous, hommes et femmes du vingt-et-unième siècle fait à mon sens partie du "sense of wonder" (émerveillement) propre à l'époque et qui fait de plus en plus défaut aux œuvres contemporaines.
Vous l'aurez compris, ces Chaînes de l'avenir sont les prémices de ce qu'allait être l’œuvre de Dick. Sans être exceptionnel, ce roman se laisse lire avec néanmoins beaucoup de plaisir.

Bon.
 

mercredi 5 octobre 2016

Bull Mountain - Brian Panowich

Résumé :
Chez les Burroughs, on est hors-la-loi de père en fils. Depuis des générations, le clan est perché sur les hauteurs de Bull Mountain, en Géorgie du Nord, d’où il écoule alcool de contrebande, cannabis et méthamphétamine jusque dans six États, sans jamais avoir été inquiété par les autorités. Clayton, le dernier de la lignée, a tourné le dos à sa fratrie, et comme pour mettre le maximum de distance entre lui et les siens, il est devenu shérif du comté. À défaut de faire régner la loi, il maintient un semblant de paix. Jusqu’au jour où débarque Holly, un agent fédéral décidé à démanteler le trafic des montagnards. Clayton se résout alors à remonter là-haut pour proposer un marché à son frère. Il sait qu’il a une chance sur deux de ne pas en redescendre. Ce qu’il ignore, c’est que Holly en a fait une affaire personnelle, et que l’heure des pourparlers est déjà passée.
Salué par bon nombre d’auteurs fameux, à commencer par James Ellroy, Bull Mountain se lit comme l’histoire de Caïn et Abel dans un Sud plus poisseux que jamais. Avec ce premier opus d’une violence et d’une force également insoutenables, Brian Panowich signe un roman noir rural et déchirant.

Il y avait longtemps que je n'avais été happé par un livre pour ne plus le lâcher jusqu'à la fin. La raison est sans doute à chercher dans l'aspect scénario de film noir du roman. Chaque scène écrite génère en nous des images fortes. Et les personnages, particulièrement épais, nous semblent tous familiers. Le patriarche et ses fils, le shérif et ses frères encombrants, les sbires fidèles et loyaux, la femme amoureuse et inquiète, le flic tordu et j'en passe. On pourrait dès lors penser qu'on a affaire à du réchauffé, du mille fois vu. Eh bien pas du tout. Disons plutôt qu'on a l'impression de retrouver de vieilles connaissances qui nous manquaient.
L'histoire participe aussi beaucoup à nous tenir en haleine. Assez complexe pour nous intéresser mais pas trop, pour ne pas nous perdre. Chaque personnage se retrouve avec le projecteur braqué sur lui à un moment où à un autre. Cela permet non seulement de mieux le comprendre mais également de mieux comprendre ceux qui l'entourent tant ils sont impactés. C'est ainsi que, par exemple, l'attitude du père explique le caractère du fils.
On pourra simplement regretter le manque de présence féminine mais il est vrai que le monde décrit par Panowich est par nature très masculin. Masculin et violent. Car autant vous prévenir tout de suite, nous ne sommes pas chez les bisounours, et c'est d'ailleurs ce qui fait l'un des intérêts du livre qui n'épargne pas grand chose au lecteur. Mais, est-ce que cela ne fait pas du bien d'être un peu bousculé ? Les femmes sont toutefois présentes quand même, dans des rôles forts et tourmentés.
Voilà, c'est violent, c'est noir, c'est rythmé (les chapitres sont ultra courts), c'est l'Amérique profonde paumée au fin fonds des bois dans la montagne. J'imagine très bien le carton que ferait l'adaptation au cinéma.

Merci à Fan2polar de m'avoir proposé ce roman pour une lecture commune.

Excellent.

dimanche 2 octobre 2016

L'occupation des sols - Jean Echenoz

Résumé :
Une femme est peinte sur un mur dans un quartier de Paris voué à la rénovation. L’époux et le fils du modèle entre-temps défunt regardent l’image chérie disparaître.

Je vais tâcher de ne pas faire une chronique plus longue que le texte lui-même (16 pages). Alors voilà, c'est triste (un peu), poétique (beaucoup) et aussi, surprenant, grave et léger à la fois, déconcertant, fou. C'est juste beau. 

Très bon.

samedi 1 octobre 2016

Un an - Jean Echenoz

Résumé :
N’étant que trop sûre d’avoir provoqué la mort de Félix, Victoire aime autant s’éloigner. Où qu’elle se trouve alors, Louis-Philippe passe l’informer de temps en temps des suites de cette affaire. Or Louis-Philippe ment.

Ce (très court) roman se lit comme on déguste un excellent vin. On fait durer le plaisir, par petites gorgées, même si une petite heure se révèle suffisante pour le lire. Par plaisir j'entends bien sûr celui que l'on prend à lire la prose d'Echenoz. Parce qu'au niveau du récit, il n'y a guère de quoi se réjouir de cette lente déchéance de Victoire. Mais la dégringolade de l'héroïne est ponctuée de moments qui frisent le fantastique, en particulier chaque apparition de son ami Louis-Philippe. La fin est assez inattendue (encore que) et nous laisse un peu ébété pendant quelques instants.

Très bon.