Présentation de l'éditeur
"Je suis John Daker, victime des rêves du monde entier. Je suis Erekosë, Champion de l'Humanité, qui extermina la race humaine. Je suis Ulrik Skarsol, Seigneur de la forteresse Gelée, qui porta l'Epée Noire. Je suis Ilian de Garathorm, Elric le Tueur de Femmes, Hawkmoon, Corum et tant d'autres, hommes, femmes ou androgynes. Je fus tous ceux-là. Et tous sont des guerriers engagés dans l'éternelle Guerre de la Balance, cherchant à préserver la justice dans un univers sous la menace perpétuelle d'un Chaos qui gagne du terrain, à imposer le Temps à une existence sans commencement ni fin. Et pourtant, cela n'est pas ma vraie malédiction. " Extrait du prologue du Dragon de l'épée.
Si ça continue, je vais finir par avoir lu tout Moorcock. En tout cas, tous les livres sur le Champion Eternel. Il faudra que je songe d'ailleurs à vous gratifier, ou vous infliger, c'est selon, de quelques chroniques sur Elric, Hawkmoon et autres Corum. Mais pour ça, il va d'abord falloir que je les relise. Tant il est vrai que je suis incapable de dire deux mots d'un livre que j'aurais lu il y a plus de six mois.
Or donc, voici que j'attaque un nouveau héros de Moorcock. Ceci est étonnant lorsqu'on sait l'espèce de fascination-répulsion que j'éprouve à l'égard de l'heroic-fantasy ou la sword and sorcery si vous préférez. Non, vous ne préférez pas ? Je vous laisse les deux alors.
J'ai remarqué que, trop souvent, les récits du genre finissent toujours par dériver vers des délires mystico-philosophico-onirique du plus chiant effet sur votre serviteur. Et Moorcock n'échappe pas forcément à la règle. Certains passages chez Elric ne sont pas piqués des hannetons. Il est assez étonnant de constater que, pour des récits censés ne parler que de gros bourrins camés à la testostérone, on nous inflige des lignes et des lignes qui font davantage appel à notre cortex préfrontal qu'à notre cerveau reptilien. Attention, ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit, ou écrit. J'aime réfléchir même si ça me fatigue. Mais il y a un temps pour tout. Un temps pour réfléchir et un temps pour se distraire. Bon, je vous accorde qu'on peut se distraire en réfléchissant et vice-versa. Mettons que lorsque la distraction tourne à la torture, il faut savoir dire stop.
Eh bien sachez que ce premier tome de la trilogie Erekosë, est le premier ouvrage de Moorcock que je lis avec autant de facilité. Le style est fluide. Bon, ça n'est pas forcément étonnant de la part de cet auteur. Ce qui l'est davantage, c'est que l'histoire est particulièrement facile à suivre, elle aussi. Pas de passage ésotérique. Rien que l'histoire d'un héros venu de son monde (le notre ?) pour sauver l'humanité d'un monde dont nous ignorons tout. Simple donc. Du moins en surface. Parce que le propos de Moorcock est un rien plus complexe que ça, mine de rien. Erekosë étant appelé, voire invoqué, par l'humanité pour l'aider à combattre ses ennemis de toujours, on s'attend à ce que le champion soit confronté à des créatures sauvages, sans foi ni loi. C'est d'ailleurs ce que tout le monde prétend. Mais il apparait bien vite que ce sont les hommes qui se comportent comme des barbares sans scrupules.
J'ai souvent pensé que seul l'homme est capable de commettre des actes que l'on qualifie d'inhumains. Joli paradoxe linguistique. L'animal, en effet, n'agit que pour des raisons purement vitales. Se nourrir, se protéger. A ma connaissance (limitée, certes), l'homme est la seule créature capable de faire du mal "gratuitement".
Moorcock va ainsi aborder des thèmes comme : la légitimité d'une espèce d'en exterminer une autre pour assurer sa survie, l'honneur, la trahison, la valeur de la parole donnée. Il va aussi nous parler d'amour et de ce qu'on est prêt à faire en son nom.
Ce Champion éternel est de ces livres que j'aimerais lire plus souvent. Bien écrit, intelligent, questionnant mais sans prendre la tête, épique. Je suis tombé sous le charme de ce héros maudit et compagnon éternel de la mort. Et si Erekosë m'avait définitivement réconcilié avec l'heroic-fantasy ?
A noter que je n'ai trouvé que de rares critiques sur ce champion-ci de Moorcock. Je n'ai bien entendu pas encore achevé la trilogie, mais je trouve d'ores et déjà injuste cet état de fait. Il est au moins aussi intéressant que le célébrissime Elric. Non mais.