dimanche 29 novembre 2015

The Emperor's soul - Brandon Sanderson

Résumé (de la version française) :
La jeune Shai a été arrêtée alors qu’elle tentait de voler le Sceptre de Lune de l’Empereur. Mais au lieu d’être exécutée, ses geôliers concluent avec elle un marché : l’Empereur, resté inconscient après une tentative d’assassinat ratée, a besoin d’une nouvelle âme. Or, Shai est une jeune Forgeuse, une étrangère qui possède la capacité magique de modifier le passé d’un objet, et donc d’altérer le présent. Le destin de l’Empire repose sur une tâche impossible : comment forger le simulacre d’une âme qui serait meilleur que l’âme elle-même ? Shai doit agir vite si elle veut échapper au complot néfaste de ceux qui l’ont capturée.

Shai est une Faussaire (Forger en anglais), ou comme l'indique la quatrième de couverture de la version française, une Forgeuse. Si elle est capable de réaliser la copie parfaite d'un tableau ou d'une autre quelconque oeuvre d'art, et qu'elle excelle dans cet art, elle est surtout dotée d'un talent exceptionnel, assimilable à de la quasi magie, qui lui permet de modifier l'essence même de tout objet, quel que soit le matériau dont il est fait : bois, pierre, métal, verre... Elle peut même, si on lui demande gentiment, ou si on la contraint par la menace, modifier ou recréer l'âme d'un être humain.
C'est ce que vont exiger d'elle les Arbitres (arbiters) de l'empereur Ashravan, les personnes les plus haut placées de l'empire. Le monarque a été victime d'un attentat qui lui aurait coûté la vie sans l'intervention de ses chirurgiens qui n'ont cependant pas pu faire mieux que de faire de lui un légume. Shai va donc devoir Forger à l'empereur une âme toute neuve et, tant qu'à faire, aussi proche possible de l'originale. Ce qui revient à connaître parfaitement la personne dont on veut recréer la personnalité. Shai a à sa disposition le journal du souverain, ainsi que les témoignages de ses proches. Reste qu'il y a deux problèmes pour la jeune femme. Tout d'abord, elle n'a que très (trop) peu de temps pour réaliser cet exploit. En second lieu, elle comprend vite que Frava, la chef des Arbitres, n'a aucune intention de lui laisser la vie sauve, comme promis.
Nous allons donc assister aux efforts de Shai pour façonner une nouvelle âme la plus parfaite possible dans le délai qui lui a été accordé. (Façonneuse, ça aurait eu de la gueule aussi pour désigner son activité. Non ?)
Parce que bien entendu,  pas question pour elle de faire du travail au rabais. On a sa fierté, que diable ! Dans le même temps, il faut qu'elle trouve le moyen de s'enfuir dès son oeuvre achevée. Et ça, ça n'est pas facile du tout. Surtout que Shai est enfermée dans sa chambre-atelier grâce à un sortilège disposé sur sa porte par un mage plutôt flippant.
Elle va réfléchir à une multitudes de plans d'évasion tous plus risqués et irréalisables les uns que les autres. Elle songe même à utiliser ses talents aux dépens d'un autre des Arbitres de l'empereur, Gaotona, vieillard à la personnalité bien plus bienveillante que celle de Frava (en même temps, ce n'est pas bien difficile), mais qui est également, malheureusement pour elle, intègre, incorruptible et insensible à toutes les tentatives de Shai.
 La lecture de ce court roman m'a été particulièrement agréable. La personnalité de Shai est très attachante et c'est avec une vraie inquiétude pour sa survie que l'on suit ses aventures. Elle est entourée de deux personnages, Gaotona et Frava, peut-être un soupçon moins travaillés mais intéressants tout de même.
À lire, pour sa fraicheur, sa «magie» originale (comme souvent chez Sanderson), son suspense et, accessoirement, son prix Hugo du meilleur roman court 2013.
Le roman est paru en français sous le titre : L'Âme de l'Empereur.

We are all completely fine - Daryl Gregory

Résumé (de la version française)
Il y a d’abord Harrison, qui, adolescent, a échappé à une telle horreur qu’on en a fait un héros de romans. Et puis Stan, sauvé des griffes d’une abomination familiale l’ayant pour partie dévoré vif. Barbara, bien sûr, qui a croisé le chemin du plus infâme des tueurs en série et semble convaincue que ce dernier a gravé sur ses os les motifs d’un secret indicible. La jeune et belle Greta, aussi, qui a fui les mystères d’une révélation eschatologique et pense conserver sur son corps scarifié la clé desdits mystères. Et puis il y a Martin, Martin qui jamais n’enlève ses énormes lunettes noires… Tous participent à un groupe de parole animé par le Dr Jan Sayer. Tous feront face à l’abomination, affronteront le monstre qui sommeille en eux… et découvriront que le monstre en question n’est pas toujours celui qu’on croit…

J'avoue, à ma grande honte, que je ne connaissais pas Daryl Gregory. J'avais bien lu son nom, ici ou là, cité par des personnes dont le bon goût n'est plus à démontrer. Mais je n'avais pas encore lu d'oeuvre du monsieur. Bon, en même temps, son premier roman (Pandemonium) est paru en 2008 (si Wikipedia ne m'abuse). Je ne suis pas trop à la ramasse non plus. Et puis, je ne peux pas être partout.
Mais voilà, l'oubli est réparé et c'est comme ça que je me suis lancé dans la lecture de ce court roman (prix World Fantasy du meilleur roman court).
Comme je ne savais pas à quoi m'attendre, je me suis gentiment laissé entraîner par l'auteur dans son histoire. C'est ainsi que j'ai pu découvrir, très lentement, au gré de leur désir de se livrer aux autres, la personnalité de chaque membre du groupe. Moi qui n'aime rien tant que la qualité, l'épaisseur des personnages, je fus comblé. Pensez donc, six personnes, en comptant la psychothérapeute. Toutes aussi importantes dans l'histoire les unes que les autres. Et s'agissant d'un groupe de parole, donc de gens censés se livrer, plus ou moins rapidement et plus ou moins en profondeur, quelle mine de portraits psychologiques !
De plus, chaque patient a été victime d'un violent traumatisme. Sans être tout à fait dingues, ils sont quand même un peu barrés. De ce fait, on ne sait jamais si ce qu'ils racontent est vrai ou bien si c'est le résultat d'une imagination exacerbée. Et laissez-moi vous dire que si ce qu'ils disent est vrai, il y a du souci à se faire.
C'est ainsi que l'on bascule tout doucement d'un contexte assez ordinaire vers quelque chose de plus en plus angoissant. À tout bien réfléchir, la partie fantastique du roman est assez originale mais sans plus. Le vrai intérêt me semble résider définitivement dans les relations qui se développent entre les membres du groupe. Quoi qu'il en soit, l'ensemble est agréable à lire et le tout étant très court, pas le temps de s'ennuyer une seule seconde. Je crois même que j'aurais souhaité que le texte fût un poil plus long pour développer un peu le passé de chaque personnage.
Pour ceux qui voudraient tenter l'aventure en anglais, sachez que le style est vraiment accessible, pas du tout alambiqué, avec des phrases courtes et que le vocabulaire est de ceux qui m'ont posé le moins de problème jusqu'à maintenant. J'estime à 90 si ce n'est 95 % l'ensemble des mots ne m'ayant procuré aucune difficulté. 
Ce roman est paru en français sous le titre : Nous allons tous très bien, merci

Farthing - Jo Walton

Résumé (de la version française) :
Huit ans après que «la paix dans l'honneur» a été signée entre l'Angleterre et l'Allemagne, les membres du groupe de Farthing, à l'origine de l'éviction de Churchill et du traité qui a suivi, fin 1941, se réunissent au domaine Eversley pour le week-end. Bien qu'elle se soit mariée avec un Juif, ce qui lui vaut d'habitude d'être tenue à l'écart, Lucy Kahn, née Eversley, fait partie des invités. Les festivités sont vite interrompues par le meurtre de Sir James Thirkie, le principal artisan de la paix avec Adolf Hitler. Sur son cadavre a été laissée en évidence l'étoile jaune de David Kahn. Un meurtre a eu lieu à Farthing et un coupable tout désigné se trouvait sur les lieux du crime. Convaincue de l'innocence de son mari, Lucy trouvera dans le policier chargé de l'enquête, Peter Antony Carmichael, un allié. Mais pourront-ils ensemble infléchir la trajectoire d'un Empire britannique près de verser dans la folie et la haine? 

Quand on attaque Farthing, on se croit plongé dans un authentique roman policier de Lady Agatha Christie. Tout y est, à peu de chose près. La splendide demeure, la famille de la haute société et ses proches, avec ce que cela comporte de jalousie, de ressentiment, de haine. Sans oublier la pléthore de domestiques. Et le meurtre, bien sur. Ne manque que le fameux Hercule Poirot. Encore que nous avons un policier compétent au moins aussi doué que le célèbre détective belge.
C'est tout juste si l'auteure développe les éléments de l'uchronie qu'elle a évoquée timidement dans les premières pages. Tout ce que l'on sait, c'est que dans cette version de l'Histoire, l'Angleterre a signé un traité de paix avec l'Allemagne nazie. Pour un lecteur inattentif (ou très, très mauvais en Histoire), le fait passerait presque inaperçu.
Pourtant, le monde n'est assurément pas ce qu'il est censé être à l'époque. Nous sommes en 1949 et non seulement Hitler n'a pas encore perdu la guerre mais il a bel et bien réussi à conquérir l'Europe. Seule l'URSS continue à lui tenir tête sur le front de l'est. Cette réalité alternative fait froid dans le dos. D'autant plus que l'extermination des Juifs du continent se poursuit dans l'indifférence générale.
Indifférence d'autant plus grande que, même au Royaume Uni, il ne fait pas vraiment bon être Juif. David Kahn en fait l'expérience tous les jours et en particulier dans cette enquête jalonnée d'indices qui conduisent à lui. Et cela arrange tout le monde en dehors bien sûr de son épouse.
Malgré tout, en dehors de quelques éléments qui nous rappellent que le monde qui nous est présenté n'est pas celui qui correspond à la réalité historique, on a longtemps le sentiment que la partie purement policière du roman aurait pu tout aussi bien se dérouler dans la «vraie» Histoire. Du coup, pourquoi imaginer cette uchronie, se demande-t-on ?
Sauf que lentement, très lentement, la petite histoire du meurtre rejoint la grande Histoire. Tout se met en place comme les pièces d'un puzzle et l'image d'ensemble prend doucement corps. Et on finit par se dire : mais oui ! mais c'est bien sûr !
 De toutes les choses particulièrement réussies dans ce roman (et il y en a), il faut distinguer l'ambiance, particulière au domaine de Farthing ou à tout le Royaume Uni, spécialement bien rendue. L'un des personnages dit à un moment donné (allez, je me lance dans une traduction personnelle,) : «Je lui ai dit que c'était insensé, que nous ne connaîtrions jamais le fascisme ici (en Angleterre) parce que les gens sont, par essence, convenables.» Et j'avoue avoir tendance à penser que le personnage n'a peut-être pas tort. J'ai beaucoup de mal à imaginer les britanniques renonçant à une démocratie plus ancienne (1)  et aussi, voire plus solide que la notre.
Pourtant, la «bonne» société anglaise n'a rien à envier à ses homologues du continent. Elle a le même mépris, voire haine, pour celui qui n'appartient pas à leur monde. J'ai nommé, les Juifs, les homosexuels, les «rouges», j'en passe. Et des Juifs, des homosexuels, des gauchistes, Jo Walton va se faire un plaisir de nous en présenter via ses différents personnages. Une occasion de nous donner à voir l'enfer qu'ils ont tous pu connaître à l'époque et de nous rappeler que, de nos jours, quelques soixante-dix ans après, les choses n'ont pas à ce point évoluées.
Donc, non, pas de fascistes en Angleterre mais  simplement une partie de la société qui en propose une imitation fort réussie. Et puisqu'on parle de société, que je n'oublie pas de dire que tous les personnages sont travaillés avec une minutie jouissive. On se plait à plaindre cette pauvre Lucy qui tombe littéralement de sa chaise au fur et à mesure que l'enquête (et ses propres réflexions) progressent. Dans le même temps, on a tellement envie de la claquer, tellement elle s'est montrée aveugle jusque là. On adore détester sa mère, Lady Eversley, qui va se montrer, au fil des pages, toujours plus abominable. On s'intéresse aussi bien sûr à David Kahn, coupable idéal. Ainsi qu'à Lord Eversley, le père de Lucy, et Carmichael, le policier de Scottland Yard et tous les autres.
A bien y regarder, ce roman est une réussite sur tous les points. Le seul point qui m'a donné un peu de mal, c'est la fin. Ignorant, durant la lecture, qu'il existait une suite, j'ai été un peu surpris par cette fin tellement ouverte, qu'elle pourrait laisser le passage au Queen Elizabeth. Certains arcs narratifs n'ont, à mon sens, pas trouvé de conclusion. Ou alors, pour les considérer comme conclus, il faut une sacré dose d'indulgence.
Telle qu'elle est, en tout cas, et sans trop en dévoiler, cette fin m'a laissé un goût amer. Espérons que la suite nous donnera plus d'occasion de nous réjouir. 
Quoi qu'il en soit, même pris individuellement, ce roman est une pure merveille et je vous invite à le lire, si ce n'est encore fait.
Il est paru en français sous le titre : Le Cercle de Farthing.  
 

(1) Renseignements pris, parce que je suis une bille en Histoire et a fortiori en Histoire Anglaise, la naissance de la démocratie chez nos voisins d'outre-manche, peut être située, soit en 1215 (si, si), au plus tôt, avec la Grande Charte, soit en 1689, au plus tard, avec le Bill of Rights (Déclaration des droits), qui marque le début de la monarchie parlementaire. Soit un siècle pile avant notre Révolution française. 

jeudi 26 novembre 2015

The left hand of darkness - Ursula Le Guin

Résumé
Sur Gethen, la planète glacée que les premiers envoyés ont baptisée Hiver, il n’y a ni hommes ni femmes, seulement des êtres humains.
Des androgynes qui, dans certaines circonstances, adoptent les caractères de l’un ou l’autre sexe. Les sociétés nombreuses qui se partagent Gethen portent toutes la marque de cette indifférenciation sexuelle.
L’Envoyé venu de la Terre, qui passe pour un monstre aux yeux des Géthéniens, parviendra-t-il à leur faire entendre le message de l’Ekumen ?
Ce splendide roman a obtenu le Prix Hugo et à consacré Ursula le Guin comme un des plus grands talents de la science-fiction.

Je n'avais jamais lu ce roman pourtant récompensé par un Prix Hugo et publié (dans sa version originale) en 1969. Pour un gars qui lit de la science-fiction depuis plus de quarante ans, qui a lu les meilleurs auteurs de l'âge d'or (Dick, Brunner, Bradbury, Silverberg... ) et peut se targuer de plus qu'un simple vernis d'expérience, ça la fout mal.
Il fallait donc que cette impensable lacune fût comblée. Et voilà qui est fait. Et comme j'ai bien fait. Et pourquoi ai-je attendu aussi longtemps ? Hein ? Je vous le demande. Parce que, pour ne rien vous cacher (vous savez que je vous dis tout), ce roman est une pure merveille.
Je n'ai pas l'habitude d'utiliser des superlatifs pour décrire les romans que je lis, même ceux que j'ai particulièrement apprécié. Appelez ça pudeur, réserve, retenue, sobriété, ce que vous voulez. Mais en l'occurrence, j'avoue avoir pris une grosse claque. C'est probablement l'un des meilleurs romans de SF que j'ai lu depuis longtemps. Bien entendu, ça n'engage que moi et, après tout, je n'ai peut-être lu que des daubes ces temps-ci.  Encore que ça m'étonnerait.
Alors, qu'est ce que ce roman a de si génial ? D'abord, s'agissant d'un space-opera (au sens large), on s'attend à être dépaysé, à être entrainé dans un, ou des mondes très éloignés de ce que nous connaissons. Pour ce faire, Ursula Le Guin  a utilisé essentiellement deux éléments. 
Tout d'abord,le climat de la planète Gethen. Il y fait un froid extrême, même au cours de ce que les habitants appellent l'été. Ça peut avoir l'air anecdotique, mais le fait est que cette température glaciale joue un rôle primordial dans le déroulement du récit. Elle est décrite par l'un des personnages comme une limite en dessous de laquelle la vie deviendrait difficile, voire impossible. Il n'y a pas de gros animaux à viande sur la planète, pas plus que de mammifères et par conséquent, pas de produits laitiers. Les seules ressources de protéines sont les nombreuses sortes d'oeufs et les poissons. Le «visiteur» venu d'ailleurs, le principal narrateur, Genli Ai, va d'ailleurs découvrir à ses dépens l'extrême rigueur du climat. Certains éléments du vocabulaire du roman sont d'ailleurs, à ce titre, très révélateurs. Reviennent de façon récurrente des mots comme : neige, froid, glace, vent, degrés... et tous leurs dérivés. Prévoyez une bonne couette pour lire ce livre.
Ensuite, et c'est une véritable trouvaille, les habitants de la planète ne sont pas sexués. Ou du moins pas en dehors de certaines périodes assez courtes, revenant régulièrement, appelées kemmel, durant lesquelles chacun devient, de façon semble-t-il assez aléatoire, un homme ou une femme. Incidemment, cela fait de Genli Ai un monstre, une perversion puisqu'il est, définitivement, un homme. Je vous laisse imaginer toutes les conséquences possibles d'une telle sexualité. Ursula Le Guin nous en livre quelques unes mais sa liste n'est en aucun cas exhaustive. Parmi celles-ci, l'absence totale de guerre sur la planète, ce concept ne pouvant naître que dans le cerveau baigné de testostérone des individus mâles. En tout cas, c'est Ursula qui le dit. Mais je ne suis pas sûr d'avoir envie de la contredire.
Ajoutez à ceci une autre curiosité culturelle du coin, le shiftgrethor, qui est une sorte de code de l'honneur extrêmement difficile à saisir par un non initié et qui m'a fait aussitôt pensé à l'étiquette japonaise voire au bushido, réels ou fantasmés, avec toutes leurs subtilités, leur façon de dire les choses sans vraiment les dire, leur obsession de ne jamais perdre la face.
De plus, pour bien camper le monde dans lequel évolue «l'envoyé», l'auteure nous gratifie de chapitres qui nous présente de façon explicite tout ce qu'il y a à savoir pour mieux apprécier l'action.
Mais surtout, surtout, il y a les personnages. En particulier Genli Ai, bien sûr, mais aussi son interlocuteur privilégié sur Gethen, Estraven, premier ministre de Karhaïde. J'ai l'impression de n'avoir jamais été confronté à des personnages de cette épaisseur. On les découvre petit à petit, au fur et à mesure des pages et chaque instant passé en leur compagnie nous les rend toujours plus proches. La fin du roman atteinte, on a le sentiment de devoir quitter deux amis très chers. D'ailleurs, la lecture achevée on a qu'une envie, recommencer.
Voilà. Si je ne vous ai pas donné envie de vous précipiter séance tenante vers votre librairie préférée pour acquérir ce chef d'oeuvre, je ne sais plus quoi vous dire. Moi, de mon côté, je vais voir ce que cette grande dame a bien pu écrire d'autre (même si je dois confesser n'avoir pas été très fan de son Terremer, quoi qu'il reste tout de même largement au-dessus d'ouvrage du même genre).
Pour ceux qui voudrait tenter l'expérience d'une lecture en anglais, sachez que le style m'a paru tout à fait accessible. Comme souvent, c'est le vocabulaire qui a pu me poser, parfois, quelques problèmes, mais sans excès.
Le roman a paru en français sous le titre : La main gauche de la nuit.

mercredi 25 novembre 2015

I am legend - Richard Matheson

Résumé (de la version française)
Chaque jour, il doit organiser son existence solitaire dans une cité à l'abandon, vidée de ses habitants par une étrange épidémie. Un virus incurable qui contraint les hommes à se nourrir de sang et les oblige à fuir les rayons du soleil...
Chaque nuit, les vampires le traquent jusqu'aux portes de sa demeure, frêle refuge contre une horde aux visages familiers de ses anciens voisins ou de sa propre femme.
Chaque nuit est un cauchemar pour le dernier homme, l'ultime survivant d'une espèce désormais légendaire.

J'avais déjà lu ce roman (en français à l'époque, car je n'ai pas toujours été dingue) et j'avais même dû voir le film avec Will Smith si je ne souviens bien (qu'est-ce qu'il m'a frappé, si je l'ai vraiment vu, c'est fou). Inutile de dire que, avec ma mémoire de poisson rouge, cette relecture était une totale découverte.
Pour résumer, je dirais que c'est l'histoire d'un type seul vivant dans une maison entourée de vampires pas vraiment armés des meilleures intentions. Dit comme ça, ça fait pas envie. La vie d'un type cloîtré et qui n'a personne à qui parler (parce que les vampires, ici, ne sont vraiment pas bavards), on ne voit pas tout de suite en quoi ça peut nous intéresser. Sauf que le quotidien de Robert Neuville (c'est son nom), même s'il n'est guère enviable est loin d'être aussi banal que le notre. Bon, disons que le mien. 
Allez faire des courses, c'est autrement plus compliqué. Avoir des légumes frais est un vrai défi. Quant à manger de la viande, il faut oublier. Même au niveau divertissement, fini le cinéma, le théâtre, les concerts. Place à l'extermination des vampires pendant leur sommeil diurne. Un sport comme un autre.
Mais si l'auteur se contentait de nous faire partager le quotidien, même hors norme de son héros, notre intérêt serait peu excité. C'est pourquoi il nous distille quelques évènements qui viennent briser la routine qui s'est installée dans la vie de Neuville. C'est ainsi que celui-ci laisse malencontreusement passer l'heure et se retrouve dans la rue à la tombée de la nuit. Mauvais plan. Puis il rencontre un chien errant qu'il tente d'apprivoiser. Et apprivoiser un clébard qui passe son temps à éviter les vampires, et d'une façon générale, tous ceux qui se déplacent debout, bonjour le challenge. Il se lance ensuite dans l'étude de tous les livres qu'il peut trouver qui lui permettrait de comprendre l'origine de l'épidémie qui a transformé tous les humains sauf lui et, pourquoi pas, de trouver un remède. Et quelques autres épisodes que je me garderais bien de vous révéler pour ne pas tout dévoiler de l'histoire.
Mais il existe un autre aspect, de loin pas le plus inintéressant, qui s'intéresse aux questionnements de Neuville, à ses sautes d'humeur, ses découragements, ses baisses de moral. Il n'est pas rare chez lui de se trouver à deux doigts de laisser tomber, de se laisser mordre par un vampire et de finir comme eux. Mais, on le sait, l'instinct de survie chez l'homme est colossal. Et c'est ainsi qu'on verra Neuville se battre jusqu'à la fin.
Ce roman est sans conteste un petit bijou. Écrit en 1954, il renouvelle déjà le thème du vampire et s'éloigne, au fur et à mesure de la compréhension qu'a Neuville du phénomène, du Dracula de la légende. À ce propos, c'est lui-même, dernier homme sur la terre, du moins autant qu'il le sache, qui devient une légende. En fait, Matheson fait basculer le vampire du domaine du fantastique, qui ne s'embarrasse pas d'explications scientifiques, à celui de la science-fiction,qui tente de trouver une explication rationnelle à des phénomènes réputés surnaturels.
À lire si vous avez une paire d'heures, le roman étant très court et prenant. Et, je tiens à le préciser, même si vous n'êtes pas fan des histoires de vampires. Ceux-ci sont en effet à peine présents et l'intérêt est définitivement ailleurs.
L'ouvrage est sorti en français sous le titre : Je suis une légende. 

jeudi 19 novembre 2015

Until it's over - Nicci French

Résumé (de la version française)

Jusqu'au jour où elle a été renversée en vélo par une de ses voisines, Astrid menait une vie sans histoire entre son job de coursière et la grande maison partagée avec des amis. Mais lorsque le lendemain de l'accident, sa voisine est retrouvée battue à mort, rien ne va plus. Puis c'est une cliente chez qui elle devait prendre un pli qui gît sans vie, sauvagement assassinée. Macabre coïncidence ? La police n'y croit guère...
La vie d'Astrid et de ses colocataires vire au cauchemar lorsque le tueur frappe à nouveau au sein même du cercle d'amis. Lentement, l'amitié se change en méfiance, l'amour en haine, et chacun se demande qui sera la prochaine victime ?
Pour Astrid, une seule question compte : connaît-elle aussi bien qu'elle le pense les gens avec qui elle vit ?

Je n'ai jamais encore chroniqué de roman de Nicci French. En tout cas, je ne m'en souviens pas. Où j'étais bourré. Bref. J'en suis pourtant au onzième opus. Vous me connaissez maintenant et vous savez que je lis, de préférence, les romans d'un auteur dans l'ordre de parution. Même s'ils n'ont aucun lien entre eux. Je sais, je suis probablement un psychopathe. J'en suis donc à mon onzième.
Il faut savoir que Nicci French est le pseudonyme de... deux auteurs britanniques. Nicci Gerrard et son mari Sean French. Tous les romans du couple ont des points communs. C'est ça qui les rends intéressants pour le fan que je suis tout en ne sombrant jamais dans l'uniformité. Chaque roman est bien différent des autres. J'insiste.
On pourra tout de même relever quelques éléments habituels. La narration se fait (dans tous les cas il me semble, jusqu'à présent) à la première personne. Il s'agit à chaque fois d'une femme. Une londonienne. Avec un travail chaque fois différent mais qui lui assure l'indépendance financière. Elle a toujours un petit ami. Dès le début, en cours d'histoire ou à la fin. Ses relations avec ce petit ami sont assez souvent compliquées pour ne pas dire conflictuelles. On a droit chaque fois à un personnage de policier et même souvent deux, chaque fois avec personnalité d'une certaine épaisseur, je veux dire pas bâclée. Il est chaque fois assez différent. Il peut se révéler bienveillant ou suspicieux ou déterminé ou tout cela à la fois ou bien tour à tour. Enfin, l'ambiance n'est jamais gore ni même vraiment horrible. Il s'agit plus, pour les auteurs, de distiller une angoisse qui n'en finit pas de monter. Une angoisse  qui survient souvent dans un quotidien plutôt banal. 
En revanche, la fin n'est jamais systématiquement heureuse, ni systématiquement horrible. C'est ce qui fait le charme de chaque histoire, car le lecteur que nous sommes, ne sait jamais à quoi s'attendre.
Concernant ce Until it's over, j'aurais tendance à le classer dans les bons Nicci French (même si, en vrai, je les aime tous). Ceci est dû sans doute à l'originalité de l'intrigue. L'histoire de cette jeune femme autour de qui les cadavres s'amoncellent (bon, ok, j'exagère peut-être un peu), a de quoi nous intéresser. On est tenté de soupçonner assez vite quelqu'un de son entourage. En partant évidemment du principe qu'elle est hors de cause puisque c'est elle qui raconte l'histoire. Bon, vous allez me dire, un tueur narrateur, ça s'est déjà vu, je ne nomme personne, suivez mon regard. Bon, mais justement, qui oserait reprendre l'idée de la maîtresse du genre ? Allez, écartons cette charmante Astrid de la liste des suspects. Reste quand même ses 6 autres colocataires. Et c'est ce qui fait l'un des intérêts du roman, la profusion de personnages. Si on ajoute à tous ceux qui habitent la maison leurs petit(e)s ami(e)s, ça commence à faire du monde. Ça en fait des études psychologiques... et des tueurs potentiels.
Les romans de Nicci french sont pour moi comme des friandises. Même si aucun n'est aussi exceptionnel que certains gros morceaux de la littérature policière, ils sont tous très, très bons. J'en lis toujours un régulièrement, certain de ne jamais être déçu et de passer un excellent moment.
Si vous voulez en essayer un autre que celui-ci (qui, encore une fois, est très bon), je vous conseille celui dont je me souviens le mieux (peut-être parce que je l'ai lu deux fois... par erreur) : Mémoire piégée (The Memory Game).
Until it's over est paru en français sous le titre Jusqu'au dernier.

A Darkness More Than Night - Michael Connelly

Suite de mon incursion dans la langue de Shakespeare (ou devrais-je dire la langue de Poe ?)

Terry McCaleb, un ancien agent du FBI spécialisé dans les tueurs en série, est sorti de sa retraite paisible par Jaye Winston, une ex-collègue, qui lui demande son aide pour résoudre un meurtre qui laisse la police impuissante. Malgré sa répulsion a quitter sa tranquille vie de famille, McCaleb est vite embarqué par l'excitation qui accompagne son enquête. On ne se refait pas. Très vite, il découvre que le principal suspect est un flic avec lequel il a travaillé jadis et dont il apprécie l'efficacité. Il s'agit d'Harry Bosch lui-même qui est, dans le même temps, un témoin capital dans un procès pour meurtre.

Très vite, on comprend que, bien qu'il s'agisse officiellement de la septième enquête de l'inspecteur Harry Bosch,  c'est bien de Terry McCaleb dont on va suivre les exploits. Et ce qui pourrait passer pour une micro escroquerie se transforme, peu à peu, au fur et à mesure de la lecture, en une palpitante enquête. 
On se met à trembler pour Harry Bosch et on en arrive même à douter sérieusement de son innocence. Si, si. La victime est en effet Edward Gunn, un type que l'inspecteur a arrêté six ans plus tôt pour une affaire d'homicide et qui a été relâché faute de preuves suffisantes. Bosch est cependant absolument convaincu que Gunn était coupable et il ne cache pas en outre avoir la certitude que les criminels ne peuvent éternellement échapper au châtiment qu'ils méritent. De là à penser qu'il aurait pu donner un petit coup de main au destin, il n'y a qu'un pas.
C'est avec intérêt redoublé, donc, que l'on suit les progrès de l'enquête de McCaleb en parallèle avec le procès dont Bosch est un témoin à charge capital. Ici également, l'accusé pourrait bien échappé à la justice alors même qu'il a avoué à Bosch son crime, hélas en dehors de tout enregistrement ou témoin.
Comme toujours, j'ai aimé cette nouvelle aventure de l'un de mes flics préférés, même si l'enquête au cœur du roman est effectuée par un autre. C'est l'occasion de découvrir un autre personnage né sous la plume de Connelly et que nous pouvons retrouver dans un autre roman n'appartenant pas à la série des Harry Bosch, Créance de sang ( Blood Work ).

A Darkness More Than Night est paru en français sous le titre L'oiseau des ténèbres.
 

mardi 17 novembre 2015

Blindsighted - Karin Slaughter

J'ai toujours souhaité lire les auteurs anglo-saxons dans leur langue d'origine. Mais malgré quelques tentatives très espacées, je n'ai jamais rendu cette pratique systématique. Pourtant, il y a bien d'avantages à cela : lire la suite de ma série préférée sans attendre la publication en français, éviter les inconvénients de certaines traductions, apprécier l'oeuvre dans sa forme originale...
Du coup, me voilà fermement décidé à m'y mettre, et quoi de mieux pour (re)commencer, qu'un livre dont l'intérêt n'est pas à ce point important que mes éventuelles difficultés de lecture se révèlent rédhibitoires ? En deux mots, un polar. Et voici comment je me suis retrouvé à lire mon premier Karin Slaughter en anglais. Ça va. Ça fait même pas mal.

L'histoire se déroule dans une petite ville (imaginaire) de Géorgie, Heartsdale, Grant County, typique des petites villes du sud des États Unis. On y fait la connaissance de Sara Linton, pédiatre et, accessoirement, médecin légiste de la ville. Oui, je sais, ça surprend un peu au début, mais bon, nous sommes aux États-Unis où tout est possible, n'est-ce pas ?
Elle  découvre un jour le cadavre sauvagement assassiné de Sybil, la soeur jumelle aveugle de l'une des inspectrices de la police de la ville, Lena Adams. C'est Jeffrey Tolliver, l'ancien mari de Sara, qui est chargé de l'enquête.
Très vite, on comprend que le coupable est un déséquilibré et qu'il ne compte pas en rester là. On s'aperçoit également que Jeffrey est toujours amoureux de son ex-femme, ce qui ne facilite pas vraiment leur collaboration.
Que dire de ce premier roman de la série sinon qu'il est plutôt agréable à lire (oui, même en anglais) et que j'ai trouvé les personnages assez attachants ? Ceci étant dit, j'ai bien peur que le seul intérêt de la série ne réside précisément dans les personnages et la découverte du quotidien d'une ville du sud des States (voilà, ça y est, je dérape... ). Pour le reste, entendez les meurtres, l'enquête, ne vous attendez pas à quelque chose de particulièrement original. Tout ça semble lu et relu. C'est d'ailleurs tout le piège des romans du genre que ne semble pas avoir pu complètement éviter Karin Slaughter (quel nom, au passage, pour un auteur de polar ! Je rappelle que slaughter signifie : abattre, massacrer).
Petite parenthèse pour ajouter qu'est fait dans le roman une discrète allusion à la légitimation de la possession d'arme chez le simple citoyen, qui me gêne toujours un peu. Mais bon, voilà, question de culture, probablement. Mais on est loin, très très loin même des gros sabots dans le domaine d'une Patricia Cornwell dont les liens avec les plus conservateurs du parti républicain n'est pas un secret. Fin de la parenthèse.
Pour résumer, une série somme toute assez sympathique mais largement dispensable. En revanche, parfait pour me mettre le pied à l'étrier pour entamer mes lectures en version originale. D'abord parce que ce n'est pas trop dur à lire et ensuite parce que ne pas tout comprendre n'était pas grave, mais alors pas grave du tout.
La traduction en français de ce roman est parue sous le titre Mort aveugle.