mercredi 10 février 2010

Les chronolithes - Robert Charles Wilson

Nous sommes en 2021. Scott Warden est un américain en poste en Thaïlande au moment même de l'apparition, sur place, d'un gigantesque obélisque bleu, surgi de nulle part. Le curieux monument commémore la victoire d'un certain Kuin qui aurait eue lieu ... vingt ans et trois mois dans le futur. Ce n'est que le premier de tout une série de chronolithes, comme ils sont appelés, qui vont apparaître sur la planète et dont certains vont se révéler particulièrement dévastateurs. Scott, devenu l'assistant de Sulamith Chopra, son ancien professeur, va poursuivre les chronolithes à travers le monde pour essayer de percer leur mystère et, pourquoi pas, empêcher l'avènement annoncé de ce futur dictateur. Il va ainsi aller de Thaïlande à Jerusalem, du Mexique au Wyoming, où il se heurtera à chaque fois à des fanatiques disciples de Kuin dont personne ne sait qui il est. Et s'il n'était qu'un mythe ?

J'ai envie de dire : enfin un excellent Wilson, tant il est vrai que les précédents romans de l'auteur m'avaient assez peu convaincu. Soyons honnête, j'avais été prévenu. Spin, l'un des tous derniers, m'a été présenté comme un chef d'oeuvre et, de loin, bien meilleur que le reste de la production. C'est pour cette raison que j'ai décidé de lire les romans de Wilson par ordre de parution ce qui est bien plus plaisant que d'avoir commencé par Spin, auquel cas j'aurais été de déception en déception.
Avec Les chronolithes nous avons affaire à un roman parfaitement abouti. Comme à l'habitude, l'écriture est plaisante, le propos intelligent, les personnages attachants, l'idée de départ originale. Mais toutes ces qualités sont poussées ici à leur paroxysme. La personnalité de Scott est ici particulièrement creusée. Et ce d'autant plus que c'est lui le narrateur s'exprimant à la première personne. Du coup, rien ne nous est caché ni des chronolithes, du moins de ce qu'il sait et de ce qu'il en comprend; ni de sa vie personnelle et des drames qui la jalonnent; ni même de l'état du monde dans cette première moitié du vingt et unième siècle et de la crise économique majeure qui le frappe (eh oui, encore). Et ce qui nous le rend encore plus proche c'est qu'il a ses propres soucis domestiques comme tout un chacun et que, malgré sa proximité avec des experts, il est dépassé par le phénomène des chronolithes.
Mais les progrès réalisés dans les qualités d'écriture habituelles de Wilson ne seraient rien sans la disparition des défauts qui ont pu entachés quelques unes de ses oeuvres précédentes. Ici au moins, l'idée de départ est exploitée jusqu'au bout. Et si les paradoxes temporels ne datent pas d'hier, l'auteur a su ici les renouveler avec brio. Il nous invite à réfléchir sur un certain nombres de questions intéressantes. En particulier sur l'utilité de vouloir lutter contre quelque chose qui semble inéluctable. Après tout, ces chronolithes commémorant des victoires de Kuin viennent du futur. Les victoires de ce nouvel Alexandre sont donc acquises. Peut-on modifier un futur qui serait déjà écrit ? Ou bien sommes nous capables, à force de ténacité et de courage de ré-écrire l'histoire ? Et en voulant à tout prix découvrir le fonctionnement des chronolithes, ne va-t-on pas tout simplement livrer cette technologie à Kuin ?
Autre défaut de certains autres ouvrages de Wilson, le manque d'homogénéité. Ce n'est pas le cas ici. Bien que le livre soit divisé en trois parties bien distinctes, l'ensemble forme un tout cohérent. C'est sans doute dû au personnage de Scott, qui en témoin de tous les évènements qui se déroulent dans le roman, réussit à rendre l'ensemble homogène; mais pas seulement. Même si la deuxième partie peut sembler très éloignée des deux autres, elle n'en constitue pas moins, à la fois un passage extrêmement prenant à lire mais également un pont entre les deux autres parties. Nous assistons en effet dans ce milieu du roman à une sorte d'enquête, de course poursuite entre des parents et des adolescents devenus des fanatiques de Kuin et qui organisent des pèlerinages vers les chronolithes. Une façon pour eux de rendre hommage à celui qu'ils voient comme un sauveur. D'autant que Wilson en profite pour nous dresser un tableau assez sombre de l'époque où il situe son histoire. La crise économique est particulièrement violente. Jamais l'avenir n'a paru si sombre depuis qu'il est venu s'immiscer dans le présent. La guerre n'est plus une crainte, c'est devenu une réalité. Comment ne pas comprendre, sans les excuser, que certains jeunes voient en Kuin celui qui saura les sortir de la crise ?
Paradoxe intéressant. Si des jeunes (et moins jeunes) croient en Kuin c'est parce que le monde est en crise. S'il est en crise, c'est à cause de la guerre à venir, menée par Kuin. En quelque sorte, si Kuin existe c'est parce que des gens ont cru en lui au moment alors qu'il n'existait pas encore.
Dans ces conditions, comment vaincre un homme soutenu par des fanatiques toujours plus nombreux, plus organisés, plus déterminés ?
La réponse finale est un modèle du genre.
Du grand, du très grand Wilson. A lire sans attendre et sans modération.

Voir également l'avis des voisins de la blogosphère Efelle et Hugin & Munin et Gromovar.

7 commentaires:

  1. Content de voir que tu vas crescendo et sans déception dans l'oeuvre de Wilson.

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  2. personnellement, ça me tente pas trop pour le moment. Mais c'est vrai que l'idée d'enquêter sur le futur est pas mal

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  3. Tu en parlais dans le forum d'Atuan déjà. Et comme cela me titillait depuis quelques temps, samedi passé je me suis jeté sur le livre. J'ai l'ai commencé de la semaine... Et j'ai accroché immédiatement. L'écriture est fluide et agréable. Les personnages attachants. Enfin bref, j'en suis qu'au début, mais je pense pense que je vais adorer.

    J'ai tout de même craquer pour "Darwinia" trouvé d'okkaz. J'en ai lu du bien, comme du moins bien. Cela me titille, donc je pensais le lire avant "Spin" que l'on présente comme son meilleur livre actuellement. "Spin" suivra donc ensuite... Histoire de grimper dans les plaisir!

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  4. Après ce que je viens de lire, il me tente bien... je le rajoute à ma LAL...

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  5. Ca y'est je viens de publier la chronique du livre. J'ai adoré... Et je pense que Robert Charles Wilson sera vite propulsé parmis mes favoris! Merci pour ta chro Arutha!!

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  6. De l'auteur, je n'ai lu que "Spin", que j'avais aimé.
    Du coup, je vais attendre que tu le lises à ton tour pour que tu me dises si "Les chronolithes" soutient la comparaison, auquel cas je pense que je le lirai aussi.

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