lundi 30 mars 2009

Le royaume unique - Sean Russell

La guerre des cygnes I - Trilogie

Sur la terre entre les montagnes, dans le pays d'Ayr, les Renné et les Wills se déchirent pour reconquérir le trône du royaume unique. Tam, Fynnol et Baore, trois jeunes gens partis du Val des Lacs en quête d'aventure vont, sans le vouloir, se trouver mêlés à cette lutte ancestrale. Aidés de Cynndl, quêteur d'histoires appartenant au peuple des voyageurs, les fiers Fâels, ils tentent d'échapper à un esprit de la rivière, un nagar, ainsi qu'aux hommes d'un mystérieux chevalier noir qui se fait appeler Eremon.

Ce qui m'a d'abord frappé à la lecture de ce livre, c'est la qualité de l'écriture, même si elle est vue à travers le prisme de la traduction, excellente me semble-t-il. Sean Russell est une plume, à l'évidence. A tel point que j'ai éprouvé quelques difficultés à lire les premières pages, tant je suis habitué, dans le reste de la production du genre, à des styles plus simples, plus directs et par conséquent plus aisés à lire.

Ce qui m'a frappé ensuite, c'est l'absence manifeste d'action. L'intérêt est ailleurs. Sean Russell semble vouloir nous gratifier, si vous me passez cet oxymore, "d'action psychologique" en priorité. L'essentiel du récit est en effet basé sur tout ce que ressentent les personnages. Nous passons ainsi successivement de la joie à la peine, de la compassion à la colère, de l'amour à la haine, de l'audace à la peur. Et c'est sans doute ce dernier sentiment qui tient la corde dans la course au podium. Les évènements provoquant chez les personnages au mieux l'inquiétude au pire la terreur, en passant par tout une palette de sentiments cousins de l'effroi.
Il faut dire que dans le monde d'Ayr, la magie ou les créatures non humaines ne sont pas monnaie courante comme dans les Terres du Milieu de Tolkien. Tout ce qui est extraordinaire fait l'objet de légendes. Mais lorsque les légendes deviennent réalités, forcément, l'angoisse s'empare des hommes. Des chemins qui ne sont pas censés exister mènent à des endroits qui n'ont pas davantage d'existence. Les rivières ne sont pas en reste, qui conduisent en des lieux que même les plus grands voyageurs semblent ne pas reconnaître. Des créatures étranges au comportement inexpliqué surgissent des eaux. Une curieuse épée vibrante tient lieu de traqueur ...
Mais il est vrai que sur les presque 700 pages du livre, celles où les personnages font un mouvement plus violent que, par exemple, donner un coup de rame dans l'eau, peuvent se compter sur les doigts des deux mains.
J'invite ceux qui privilégient avant tout l'action dans les romans de fantasy, à passer leur chemin.
Pour les autres, ils trouveront dans cette oeuvre une palette de personnages plus attachants les uns que les autres. Ce qui est bien le moins dans la mesure où nous partageons la moindre des pensées de la plupart d'entre eux. Quelques uns conservent cependant une part de leur mystère, surtout dans la mesure où leurs motivations restent obscures. On ignore même qui ils sont ou CE qu'ils sont.
Pourtant et paradoxalement, le récit ne manque pas de rythme, aidé en cela par des chapitres très courts, parfois d'une seule page.

Quant au fond de l'histoire, il reste, il est vrai assez classique. Il n'est pas sans rappeler certaines oeuvres ni sans évoquer certains auteurs connus. Je pense notamment à Hobb ou Martin. Excusez du peu. Toutefois, par de petites touches subtilement distillées, le roman parvient à ne ressembler à aucun autre et devient finalement un objet unique comme le royaume du titre. Même les personnages qui frôlent parfois la caricature parviennent à acquérir ce qu'il faut d'originalité pour ne pas sombrer dans le déjà-vu. Ces chevaliers qui suggèrent irrésistiblement les templiers sont autre chose qu'une simple copie de ces derniers. Ce peuple de voyageurs qui fait penser à la fois aux Elfes et aux Gens du Voyage est un mélange réussi des deux. Ici pas de Prince des Ténèbres à la Sauron mais un inquiétant chevalier dévoré par la haine. Les Renné et les Wills ne sont pas les Capulets et les Montaigu.
Le tout tient finalement un peu des légendes antiques ou des tragédies grecques.

Bon vous l'aurez compris, ce Royaume unique n'est sans doute pas le roman du siècle, Pourtant, il s'en dégage un charme indéniable qui a incontestablement agit sur votre serviteur. Certes il aurait sans doute gagné à perdre un bon tiers de sa taille mais lorsqu'on fait un beau voyage on ne se préoccupe pas des détours.
En définitive, voilà un livre que je classerais, sans hésiter, dans les bonnes surprises.
Voilà, je viens de le ranger dans ma bibliothèque. Je l'achève à l'instant et les personnages me manquent déjà. Vivement que je reçoive la suite.

2 commentaires:

  1. Bonsoir Arutha,

    Voilà une chronique qui laisse perplexe et qui donne tout à la fois envie de découvrir une oeuvre qui semble sortir des sentiers battus et rebattus de la Fantasy. J'attendrais malgré tout la suite de ta chronique concernant ce cycle avant de prendre décision. Mais je vais suivre cela avec grande attention.

    Merci à toi

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  2. Salut El Jc,
    je suis moi même perplexe. D'où l'impression d'indécision que je donne, certainement. Mais au fond de moi, je sais que j'ai vraiment aimé ce premier tome. Je tenais juste à prévenir que ce n'est pas Légende de David Gemmellpour ne citer qu'un exemple. Il ne faut donc pas s'attendre à beaucoup, beaucoup d'action. En dehors de ça, ça reste un excellent roman, bien écrit (traduit) et qui ne ressemble, c'est vrai, à aucun autre. Plus les heures passent, plus les personnages me manquent. C'est dire. Comme d'habitude, dès que j'ai lu la suite, j'en fait la chronique.

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